Le secteur musical camerounais vient de franchir un palier supplémentaire dans sa course à la professionnalisation. Le Conseil camerounais de la musique a dressé une feuille de route pour l’industrialisation du secteur. Ceci à travers l’initiative intitulée : « Les Chantiers musicaux du Cameroun ». Un concept qui s’est déroulé en trois étapes distinctes, de février à juin 2024.
La première phase a permis de dresser un état des lieux précis de l’industrie musicale camerounaise, en s’appuyant sur l’expertise d’une soixantaine de professionnels issus des dix régions du pays. Cette phase a également permis d’identifier les acteurs les plus structurés du secteur. La deuxième phase a consisté à renforcer les capacités d’une trentaine de ces acteurs clés, à travers des ateliers de formation et de renforcement de compétences. Ces ateliers, organisés en marge du Yaoundé Music Expo (Yamex), ont permis aux participants d’acquérir des outils techniques et méthodologiques leur permettant de mieux gérer leurs activités et de contribuer à la structuration du secteur. La troisième et dernière phase a été consacrée à la rédaction d’un « Schéma de développement de l’industrie musicale au Cameroun ». Ce document cadre, élaboré par le comité scientifique du CCM, propose une analyse approfondie de la situation de la musique au Cameroun, ainsi que des pistes de solutions concrètes pour le développement du secteur à court, moyen et long terme.
Le Schéma de développement de l’industrie musicale proposé par cette organisation constitue une feuille de route précieuse pour les années à venir. Il permettra d’orienter les investissements et les actions publiques en faveur du secteur musical, et de créer un environnement favorable à l’émergence de talents camerounais de renommée internationale. Concrètement, il sera question pour le CCM de créer et structurer un réseau de professionnels sur l’ensemble du territoire, contribuer à la formation et à la professionnalisation des acteurs camerounais de la musique et enfin la mise en œuvre d’objectifs à court, moyen et long terme du schéma présenté le mois dernier au grand public.
OPPORTUNITES ECONOMIQUES ET PERSPECTIVES D’AVENIR
Cette initiative du CCM intervient dans un contexte où l’industrie musicale camerounaise est confrontée à un certain nombre de défis, dont l’informel prédominant. Selon le CCM, 89% des professionnels de la musique sont actifs dans la production d’œuvres musicales sur l’échiquier national. En revanche, seulement 6% sont impliqués dans la diffusion, et 5% dans la promotion, indique la même source. Avec plus de 15 000 artistes, l’industrie musicale représente un potentiel économique considérable. Selon Melwater, une plateforme de veille médiatique, les données statistiques d’internet pour 2024 montrent un paysage numérique en pleine mutation au Cameroun. Avec un taux de pénétration estimé à 43,9 %, soit 12,73 millions d’internautes, et 5,05 millions d’utilisateurs de médias sociaux, soit 17,4 % de la population totale estimée à plus de 28 millions d’habitants. Ces données promettent une dynamique considérable pour l’économie musicale, ainsi qu’à l’industrie du streaming. D’ailleurs Colorfol, une plateforme numérique développée par une start-up camerounaise, qui permet aux utilisateurs d’accéder à des contenus audio et vidéo faisant la promotion de la musique africaine et des artistes indépendants essaie de s’imposer dans ce marché. Parmi les autres plateformes, citons BoomPlay et Deezer.
Selon le Centre d’étude des économies de l’Afrique (CSEA), la contribution du secteur des TIC au Cameroun s’élève à environ 5 % du PIB. Ce qui démontre en effet, un potentiel de croissance supplémentaire grâce à l’expansion de son infrastructure numérique. Globalement, l’économie numérique en Afrique est en pleine croissance, avec des projections ambitieuses pour les prochaines décennies. D’ici à 2025, elle pourrait représenter 5,2 % du PIB du continent, soit un montant estimé à plus de 180 milliards de dollars. À plus long terme, à l’horizon 2050, ce chiffre pourrait atteindre 712 milliards de dollars. Une étude prospective menée par Dataxis et publiée en juin 2022 révèle également que les revenus du streaming musical africain devraient connaître une croissance significative. Ils devraient tripler au cours des cinq prochaines années, passant de 92,9 millions de dollars en 2021 à 314,6 millions de dollars en 2026. Cette tendance témoigne de l’essor de la musique numérique sur le continent africain.
Réaction

« Permettre à l’artiste de participer à l’assiette fiscale de l’état »
Je vais expliquer pourquoi il est nécessaire pour les professionnels de créer des entreprises. Au Cameroun, le cadre légal exige qu’un producteur de label, par exemple, lorsqu’il réalise un deal, même s’il est ponctuel, dans le cas d’un concert ou d’un appel d’offres d’un opérateur mobile, qui lui dit : “J’ai besoin de ton artiste, je vais te verser un million de FCFA”, doit savoir que le label ne recevra jamais cet argent en espèces si cela dépasse 100 000 FCFA, et c’est ce que la loi de finances actuelle stipule. En tant qu’entreprise, on doit prélever les impôts sur la société et sur les bénéfices réalisés. Du coup, ils comprennent immédiatement quel est l’enjeu. Nous avons eu un atelier sur le financement des projets musicaux où nous avions un représentant du monde de la finance qui expliquait que l’artiste est déconnecté de l’économie de la culture.
Pourtant, c’est un contribuable comme tous les autres, et relativement à une prestation qu’il effectue, il est rémunéré. Cela permet à l’artiste de participer à l’assiette fiscale de l’État. C’est un peu le plaidoyer que nous allons porter à l’État. Les données révèlent que l’ensemble du corps de la filière musicale est de plus de 15 000 âmes. Imaginez le potentiel en termes d’apport économique, il faut juste encadrer tout ça. Aujourd’hui, en tant qu’entreprise, d’avoir son Numéro d’Identifiant Unique (NIU). Ce que les gens ignorent, c’est que c’est la même contrainte pour le contribuable lambda, même moi en tant qu’individu, je dois avoir un NIU, parce qu’il est désormais impossible d’ouvrir un compte courant sans ce numéro. La seule difficulté qu’il faut lever dans le processus des banques, c’est lorsque celles-ci demandent des justificatifs de revenus à un artiste. C’est compliqué parce qu’il n’a pas de fiche de paie, il ne perçoit pas de salaire régulier sur le plan mensuel et ne peut pas fournir de justificatifs. Par contre, il peut garantir qu’il est reconnu dans la corporation comme un professionnel de la musique, donc, quoi qu’il arrive, il a des revenus. Il faut adapter le produit bancaire à l’environnement de l’artiste.