En 2024, de grands producteurs ont dû mettre la clé sous le paillasson, occasionnant une baisse drastique de l’offre d’au moins 20 000 tonnes au 31 décembre dernier, tandis que la filière souffre déjà de problèmes structurels.
Selon les données de l’Interprofession Avicole du Cameroun (Ipavic), le cheptel de poules pondeuses est passé de 9 millions en 2016 à moins de 5 millions en 2025. Conséquence, la production des œufs de table est à la baisse ces dernières années. Au 1er décembre 2024 en l’occurrence, le gouvernement estime à 95501 tonnes d’œufs produits, soit une chute de moins 28% comparé à la même période en 2023. Le déficit s’est davantage creusé avec la fermeture récente de grandes unités de production avicoles sous le prétexte d’une forte pression fiscale.
« De grandes fermes de plus de 200.000 pondeuses ont fermé carrément les portes. Vous imaginez que, malgré tout ça, les agents des impôts viennent mettre la pression sur ceux qui ont été un peu résilients », regrette François Djonou, président de l’Ipavic qui célébrait en différé à Douala le 21 octobre dernier, la journée mondiale de l’œuf consacrée le deuxième vendredi du mois d’octobre.
Cet environnement des affaires peu propice décrié par les aviculteurs se greffe aux difficultés que rencontre la filière depuis plusieurs années. L’approvisionnement en intrants menace fortement la production. Le maïs, principal élément de la provende, connaît une flambée de prix. « On a eu des coûts de matières premières, principalement le maïs, parce que c’est une denrée qui rentre à près de 60% dans l’aliment de la poule. Cette denrée a vu son prix pratiquement doubler, et ceci a été dû à différentes crises, surtout à l’échelle internationale, telles que la crise du Covid que nous avons tous connues. Il y a même la guerre en Ukraine qui a beaucoup impacté sur le coût de production du maïs au Cameroun », explique Victor Viban, délégué régional littoral du ministère des Pêches, de l’Elevage et des Industries Animales (Minepia).
Pour faire face à cette explosion des prix du maïs dont la production locale est en berne, le gouvernement a autorisé cette année, l’importation de 30 000 tonnes de cette céréale pour le compte du premier trimestre. Mais l’Ipavic espère des mesures encore plus fortes pour soutenir la relance de cette filière qui se relève progressivement de diverses crises, notamment de l’épizootie de grippe aviaire de 2022.
Interview
François DJONOU, président IPAVIC
« Depuis 2018, nous avons besoin d’être appuyés à nouveau »

Le président de l’Interprofession Avicole du Cameroun revient sur la situation actuelle de la filière et des défis auxquels font face les producteurs.
Monsieur le Président, les chiffres font état d’une baisse globale de la production nationale des œufs de table. De quel poids pèse aujourd’hui la filière avicole et quels sont les principaux bassins de production ?
Les grands bassins de production au Cameroun, c’est principalement à l’ouest du Cameroun. On en produit dans le littoral, dans le centre. Mais l’ouest du Cameroun représente pratiquement 70%. Et ceci justement parce que le climat y est favorable. Il y a de cela environ une quinzaine d’années, dans le littoral, on produisait autour de 30% d’œufs. Mais à cause du changement climatique, on produit de plus en plus dans l’ouest du Cameroun parce que le climat est assez favorable. Actuellement aussi, depuis quelques années, on observe des fermes qui s’installent aussi du côté de l’est. Nous comptons dans l’ensemble autour de 560 fermes agricoles. Mais c’est réparti inégalement. 70% à peu près, à l’Ouest et c’est dans cette région qu’on a aussi des fermes de très grande taille. Dans le nord, il y a des fermes de petite taille. Dans l’est du Cameroun aussi, il y a des fermes de petite taille. Dans le centre, il y a des fermes de taille moyenne, en général. Voilà à peu près comment c’est réparti.
Quelle est la capacité de production annuelle ?
En fait, je vais vous parler plutôt du cheptel. Parce qu’en 2018, nous avions près de 9 millions de poules. Le cheptel a baissé. Je crois qu’aujourd’hui, on est à moins de 5 millions de poules. Sur l’ensemble du territoire national. On parle de 5 millions de poules en production. C’est vrai qu’à partir de là, on peut faire des petits calculs pour avoir le nombre d’œufs.
De quel appui gouvernemental a bénéficié l’Ipavic ?
Au niveau des appuis des pouvoirs publics, depuis quelques années, nous n’avons pas eu d’appui, malheureusement. Nous avons fait des lettres, des démarches, si vous voulez. On a même tenu plusieurs réunions pour que l’État intervienne dans le secteur avicole, parce que, comme je l’ai mentionné, on a connu beaucoup de crises, même au niveau international, même au Cameroun, parce qu’il y a eu même des problèmes de changement climatique qui ont impacté sur la production du maïs dans le Grand Nord, comme vous connaissez. Nous avons donc demandé à l’État de nous appuyer, plusieurs fois jusqu’à aujourd’hui. On n’a pas encore eu un retour des pouvoirs publics, mais ça ne veut pas dire que l’État ne nous a jamais appuyé, parce que l’État a quand même appuyé la filière avicole.
Après la crise de grippe aviaire de 2006, vous vous souvenez que l’État nous a fait importer 4200 tonnes de maïs. Les 4200 tonnes sont passées par ici. C’est moi-même qui avais géré ces 4200 tonnes. Après toujours cette crise, en octroyant une subvention aux accouveurs pour repeupler les fermes parentales, parce qu’à l’époque, il était question de mettre à disposition des élèves des poussins pour redémarrer dans l’activité agricole. Il y a eu quand même des appuis, mais depuis 2018, nous sommes vraiment dans le besoin d’être encore appuyés à nouveau.
Quelles étaient réellement les attentes de l’interprofession ?
Après les différentes crises que j’ai citées tout à l’heure, le coût du maïs est passé de 170 à 350 francs. Une denrée qui entre à 60% dans la production d’aliments. Cette denrée est passée à 360 francs le kilo. Nous avons donc demandé à l’État de nous aider à avoir cette denrée. Notre demande était principalement axée sur l’apport en maïs. Il fallait que l’État nous mette à notre disposition près de 9000 tonnes de maïs.
Plusieurs fermes ont récemment mis la clé sous le paillasson. Comment appréciez- vous globalement l’environnement des affaires ?
Malgré les difficultés que les agriculteurs traversent, ils sont toujours sous la pression des agents des impôts. Ils ne comprennent pas que nous traversons, que nous avons, et que nous traversons encore une période très difficile due à ces différentes crises. Ils ne comprennent pas que l’activité a baissé. De grandes fermes de plus de 200.000 pondeuses ont fermé carrément les portes. Donc vous imaginez que, malgré tout cela, les agents des impôts viennent lui mettre la pression sur ceux qui ont été un peu résilients. Il y en a même qui ont réduit le cheptel, à 80%. Mais là, les 20% qui restent, on les met sous pression. Il faut le dire, c’est vraiment négatif. Ce que les agents des impôts font, c’est pour décourager tous ceux qui essaient encore de faire dans la filière.







