La vidéo circule en boucle sur les réseaux sociaux. Un sous-préfet donnant des directives aux invités au cocktail de fin du défilé de la 53ème édition de la Fête de l’Unité. C’est Jean Pierre Ndoumbé Ndika, sous-préfet de Dembo, un arrondissement du département de la Bénoué, région du Nord : « Tous les chefs ici présents n’ont pas atteint le niveau de la contribution qui leur a été demandé… Quand c’est pour demander de l’aide, ils sont champions. Monsieur le commandant de brigade, il faut prendre les noms de ces messieurs, vous les entendez sur procès-verbal… J’ai déjà envoyé tous vos noms au Préfet, au Gouverneur et même au Minat. Nous ne pouvons pas continuer dans ces conditions. Le 11 février, la fête de vos enfants, vous ne voulez pas contribuer ; le 20 mai, vous ne voulez pas contribuer. Mais vous voulez le développement, l’eau, l’électricité », se lance le Chef de terre contre les Lawans, chefs traditionnels de 3ème degré. L’homme ne s’arrête pas là. Excepté le lamido qui visiblement a contribué à ma hauteur des exigences du sous-préfet, doivent passer devant une cour martiale version Ndoumbè Ndika : instruction a été donnée au Commandant de brigade d’entendre sur procès-verbal, tous les chefs de 3ème degré de son territoire de commandement. Les services de renseignement y sont mêlés. « Celui qui ne sera pas là, nous allons le ramasser, il va dormir au parquet, même s’il part se cacher au Nigeria », prévient-il.
Le sous-préfet saisit l’occasion devant le parterre d’invités, pour humilier les autorités traditionnelles : « Quand c’est pour porter de beaux gandouras et épouser plusieurs femmes, vous êtes champions. Vous ne faites pas avancer la République. Vous connaissez seulement vous asseoir, on vous tape le tam-tam, les femmes vous font les salamalecs… vous faites des enfants multiples et beaucoup vadrouillent dehors. Je vous dis, faites extrêmement attention. Ça doit finir », hausse-t-il le ton. En soulignant que « cette même semaine, deux d’entre eux sont venus dans mon bureau me demander de l’argent pour aller se soigner au centre de santé». L’homme leur interdit l’accès à ses services désormais : « À partir d’aujourd’hui, ne venez pas demander de l’aide financière dans mon bureau. Même pour venir faire signer vos papiers, réfléchissez à deux fois avant de venir », extrapole celui qui est commis à cette tâche gratuitement, au bénéfice de tout citoyen, qui qu’il soit.
Interdiction du Minat
Ce n’est pas que les chefs traditionnels n’ont rien apporté au sous-préfet pour l’organisation des festivités du 20 mai. Selon des sources crédibles à Dembo, « les chefs ont contribué à hauteur de 10 000 Fcfa chacun, comme ils ont l’habitude de le faire lors des célébrations antérieures ». Ce qui n’est pas du goût du sous-préfet qui « cette fois-ci, a demandé une somme de 20 000 Fcfa par chef ». De quoi choquer le sous-préfet. Et pourtant, en février 2024, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), a formellement proscrit cette habitude qu’avaient développé les autorités administratives dans l’organisation de fêtes été cérémonies officielles pour lesquelles l’Etat leur octroie un budget. « Mon attention a été appelée de manière régulière sur des pratiques peu orthodoxes consistant à recourir à des quêtes et à solliciter des contributions auprès des prestataires et des promoteurs du secteur privé pour l’organisation des cérémonies officielles. De telles pratiques, du reste répréhensibles, procèdent des dérives qui sont contraires à l’éthique et à la déontologie professionnelles. Elles participent, en outre, à la fragilisation de l’autorité des chefs des circonscriptions administratives, et par ricochet, de l’autorité de l’État. Aussi, ai-je l’honneur de vous demander de bien vouloir enjoindre les chefs de circonscriptions administratives de vos ressorts de commandement respectifs, de surseoir dorénavant à de telles pratiques avilissantes pour le corps préfectoral », peut-on lire dans la lettre de ), Paul Atanga Nji à ses collaborateurs de la préfectorale. Jean Pierre Ndoumbè Ndika qui est sous-préfet de Dembo depuis 2021, n’en a cure.
Aucune réaction officielle du Minat jusqu’à présent. Mais sur place à Dembo, l’on est outré par cette attitude de cette autorité « qui a cette habitude d’être indécent et irrévérencieux envers les collaborateurs et les subalternes». Mais déjà, l’on apprend qu’aucun des chefs humiliés n’a fait le déplacement de la résidence du maire où avait lieu la réception après le défilé. De même, aucun d’entre eux ne s’est présenté à la brigade de gendarmerie. Le commandant en question, n’a jusqu’ici rien entrepris dans le sens de les y contraindre.