Par Ferdinand Haiwang Djamo, Coordonnateur National & Analyste de Recherche Cameroon Economic Policy Institute (CEPI)
Introduction
L’administration Trump a décidé d’introduire une série de droits de douane inédits visant plusieurs pays africains. Ces mesures tarifaires, allant de 30% à 50%, affectent directement les produits textiles, agricoles, métallurgiques et automobiles exportés vers les États-Unis. Cette décision, perçue comme une rupture avec la politique de coopération économique mise en place depuis les années 2000, met en péril les acquis de l’African Growth and Opportunity Act
(AGOA), un programme clé de partenariat commercial entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne. Le secteur du textile est parmi les plus touchés, notamment au Lesotho, où 12 000 emplois sont aujourd’hui menacés. En Afrique du Sud, les exportateurs automobiles et agroalimentaires dénoncent une décision unilatérale qui neutralise les bénéfices offerts par l’AGOA.
L’AGOA : un pilier du commerce afro-américain menacé
Adoptée en 2000, l’AGOA a permis à plus de 35 pays africains d’exporter plus de 6 500 produits vers les États-Unis sans droits de douane. Le textile, les produits agricoles transformés, les pièces automobiles, mais aussi certains produits artisanaux en ont largement bénéficié. En 2019, les exportations africaines vers les États-Unis dans le cadre de l’AGOA représentaient environ 6,7 milliards USD. Mais la montée du protectionnisme américain sous Trump, notamment à l’égard de pays à faible revenu, a remis en cause l’avenir de ce partenariat. Le retrait partiel de l’AGOA pour certains pays africains et l’imposition de tarifs punitifs ont provoqué une perte de confiance et vont entraver une baisse des exportations.
Le Lesotho sous le poids des tarifs
Le cas du Lesotho est emblématique. Ce petit pays, enclavé dans l’Afrique du Sud, dépend fortement de ses exportations textiles vers les États-Unis. Grâce à l’AGOA, de nombreuses usines s’étaient installées, employant principalement des femmes. En 2024, 95 % des vêtements
exportés du Lesotho étaient destinés au marché américain. Mais l’imposition inattendue et brutale de droits de douane de 50% sur ces produits a provoqué un effondrement des commandes. Des milliers d’emplois sont aujourd’hui en suspens, avec des risques sociaux majeurs : paupérisation, instabilité, et hausse du chômage chez les jeunes.
Quelles sont les réactions des pays africains ?
Face à cette situation, les réactions africaines sont restées timides et hétérogènes. L’Afrique du
Sud, principal partenaire commercial des États-Unis sur le continent, a dénoncé une politique commerciale « injuste et destructrice », tout en explorant des voies diplomatiques pour obtenir
une exemption. Cependant, pour la plupart des pays africains, le rapport de force est défavorable. Le continent reste fragmenté, et l’absence d’un cadre commercial continental unifié réduirait la capacité de négociation collective. C’est ici que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait jouer un rôle décisif.
La ZLECAf constituerait une solution africaine face au choc extérieur. Entrée en vigueur en janvier 2021, la ZLECAf vise à créer un marché unique de 1,4 milliard de personnes, en supprimant progressivement 90 % des droits de douane entre pays africains. Si elle est pleinement mise en œuvre, cette initiative pourrait accroître le commerce intra-africain de plus de 50 % d’ici 2030, selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).
Dans le contexte actuel, la ZLECAf offre une alternative stratégique aux marchés extérieurs instables, en réduisant la dépendance des pays africains vis-à-vis des grandes puissances. Le développement des chaînes de valeur régionales, l’amélioration des infrastructures et la coordination des politiques industrielles pourraient permettre au continent de gagner en résilience face aux chocs externes comme celui provoqué par les tarifs de Trump.
De la dépendance à l’autonomisation
Les tensions commerciales avec les États-Unis doivent inciter les États africains à accélérer la mise en œuvre de la ZLECAf et à investir dans l’industrialisation locale. Le développement des capacités de transformation sur le continent permettrait non seulement de créer des emplois, mais aussi de mieux capter la valeur ajoutée. « Les lois et mécanismes de commerce sont bien simule à travers l’initiative du Commerce Guide, il est donc temps de former les officiers douanières et mettre en œuvre des approches opérationnelles propice à l’implémentation », Sonia Kouam, Chercheur Associe CEPI.
Par exemple, au lieu d’exporter du coton brut vers les États-Unis ou l’Europe, les pays africains pourraient transformer ce coton localement en textiles finis destinés aux marchés régionaux. Ce
type de logique, encouragée par la ZLECAf, réduirait les risques liés aux décisions politiques imprévisibles des partenaires commerciaux traditionnels.
Les femmes et les PME : principales victimes ?
Il est important de souligner que les PME et les femmes entrepreneures sont souvent les premières victimes de ce type de chocs commerciaux. Le secteur textile, largement féminisé dans de nombreux pays africains, souffre de manière disproportionnée des ruptures de contrats et de la fermeture des usines. La ZLECAf offre une opportunité de soutien ciblé à ces acteurs vulnérables, notamment à travers des mesures spécifiques de financement, de formation et d’accès au marché. Une attention particulière à l’inclusion économique sera essentielle pour faire de cette zone de libre-échange un levier de développement équitable.
Dans le cade de la ZLECAf, il est important d’implémenter et accentuer le Protocol des femmes et jeunes qui seront impacte par des nouvelles tarifs douanières des Etats-Unis. Il est important de favoriser une approche qui facilitent l’inclusion des femmes et jeunes a traves des politiques, formations et financement ciblée pour créer des nouvelle marche en Afrique.
Conclusion
La décision de l’administration Trump d’imposer des droits de douane élevés sur les produits africains exportés vers les États-Unis constitue un signal fort et aurait un impact dévastateur sur le commerce et le développement inclusif en Afrique. Elle rappelle à l’Afrique la nécessité de bâtir une autonomie commerciale et d’assurer sa résilience économique. Le CEPI réitère que le libre-échange à cause des bénéfices pour les consommateurs du monde entier et à favoriser le développent de l’Afrique et les pays en développement. Le leadeurship et la crédibilité des états unis ont pris du recul – sans doute – mais il est important maintenant de favoriser un débat constructif dans le cade du commence internationale. La ZLECAf représente aujourd’hui l’une des réponses les plus prometteuses à ces défis. En misant sur l’intégration régionale, la montée en gamme industrielle et la diversification des marchés, l’Afrique peut tourner cette crise en opportunité. L’urgence est désormais à la coordination, à la mise en œuvre rapide des réformes et à la construction d’un modèle commercial africain par et pour les Africains. Face à ce grand choc extérieur, l’Afrique doit plus que jamais repenser sa stratégie commerciale en misant sur la ZLECAf, par exemple.