Ghislain Fomou :« Le Cameroun a besoin d’une vraie politique d’industrialisation du bois ».

Ghislain-Fomou-expert forestier

Chargé des programmes à l’Ong Service d’Appui aux initiatives Locales et Développement (Salid) et par ailleurs expert à l’european Forest institute, Ghislain Fomou analyse la décision de reporter les exportations des grumes dans les pays de la Cemac.

Le Conseil des ministres de l’Union Monétaire de l’Afrique centrale (Umac), a annoncé le report sine die de l’entrée en vigueur de l’interdiction des exportations des bois en grumes par les pays de la Cemac. Quels commentaires faites-vous de cette décision ?

 C’est un report de trop. Pour le cas du Cameroun, la loi forestière de 1994 prévoit que l’arrêt des exportations de bois prenne effet à partir des années 2000. Près de 30 ans après, on se retrouve à spéculer sur une possible interdiction de l’exportation des grumes, veut dire qu’on a signé des textes qu’on est incapable de respecter. Cela ne nous a d’ailleurs pas surpris. Puisqu’étant dans ce secteur, on a déjà vu plusieurs re ports de cette décision. C’est vrai qu’on se disait que la décision qui avait été prise pour la fin d’année 2022, pouvait se matérialiser. On a déjà vu un certain nombre de pays emboiter le pas à cette décision. On se disait donc que le moment idoine était venu de l’appliquer.

Quelles seront les conséquences de ce nouveau report ?

 Il est clair qu’on va continuer à fonctionner avec un tissu économique du secteur forestier éternellement orienté vers l’extérieur. C’est-à-dire qu’on va continuer à freiner l’industrialisation du secteur forestier. Quand on observe la dynamique de ce secteur, on constate que plusieurs entreprises sont intéressées à investir dans le secteur de la trans formation du bois. Il faut voir les grandes métropoles où un nombre florissant de boutiques qui font dans l’ameublement se développe. On rate avec ce report une occasion de développer ce secteur d’opportunités qui s’ouvre à nous et qui offre un certain nombre d’opportunités pour résorber le chômage. On rate enfin une opportunité de promouvoir la consommation des produits fabriqués localement.

Au-delà des raisons officielles qui sont entre autres, le fait que cette mesure va entrainer des pertes économiques. Selon vous quelles peuvent être les raisons officieuses qui ont motivé cette décision ?

Je pense qu’il y a eu une impréparation. Développer l’industrialisation du secteur bois ne relève pas seulement du ministère des forêts. Cela nécessite une réelle politique du gouvernement dans l’industrialisation du secteur bois. Je pense que cela a été un coup d’annonce sans qu’il y ait eu un vrai travail de préparation. Pour avoir un tissu indus triel, il faut de l’énergie suffisante. Pourtant actuellement on connait de réels problèmes d’énergie.

Pour parler d’industrialisation, il faut parler de l’accès aux machines et aux équipements de transformation. On note que ce côté, il n’y a pas d’attraction en matière des baisses de cout des machines. Il y a certes un texte qui a été signé sous la pression des syndicats du secteur du bois, sur l’exonération d’un certain nombre d’équipements, mais il faut penser la chose un peu plus au-delà.

Certains pensent que ce re port a été décidé sous la pression des industries forestières. Qu’en pensez-vous ?

Qui a le pouvoir régalien sur la question des forêts ? Si on remet cette responsabilité aux entreprises, c’est donc dire que ces entreprises sont plus puissantes que l’Etat ? Il faut intégrer que les entreprises sont à la recherche du profit et sont prêtes à prendre toutes les options qui leur permettent de gagner. Et cela parce qu’elle-même ne se rendent pas compte qu’il y a un vrai travail à faire et qui leur permet de se garantir les mêmes rentrées financières.

Quelles sont les solutions pour arriver à une interdiction qui ne créerait pas de nouveaux problèmes ?

Il faut bien évidemment mieux se préparer en restructurant la vision de l’exploitation forestière au Cameroun. Il faut sortir de la vision d’exportation du bois pour une vision de transformation du bois. On a une politique qui est encore orientée vers l’extérieur Il faut mettre en place un cadre incitatif pour l’investissement dans la transformation du bois. Au Gabon on a par exemple créé une zone industrielle pour la transformation du bois ; il faut travailler l’accès à l’énergie et à l’acquisition des machines.

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