Dans son Bulletin Économique et Statistiques N°025 de juin 2025, publié le 10 septembre 2025, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) préconise une révision de la fiscalité appliquée à la filière cacao camerounaise. Cet appel intervient dans un contexte où les exportateurs dénoncent des prélèvements excessifs qui rognent leurs marges, déjà sous pression à cause de la hausse des prix d’achat aux planteurs. Parallèlement, le secteur affiche des performances record avec des recettes d’exportation en forte hausse et des revenus inédits pour les producteurs.
UN CADRE FISCAL JUGÉ ÉTOUFFANT
La BEAC relève une fiscalité et une parafiscalité devenues « beaucoup trop fortes » pour les exportateurs. Le dispositif en vigueur impose, par kilogramme de cacao exporté, un prélèvement de 225 FCFA, auquel s’ajoutent 200 FCFA de droits de sortie et une avance sur l’impôt sur les sociétés (IS) fixée à 2,2% du chiffre d’affaires. La banque centrale estime que le maintien de ce taux d’avance sur l’IS, standard pour les secteurs formels, « apparait très exagéré au vu de la faiblesse des marges des exportateurs ». Elle recommande de « revoir la fiscalisation de la filière, en particulier la fixation de l’avance sur IS, pour prendre en compte le taux de marge des opérateurs et leur permettre d’avoir moins de tensions de trésorerie ».
Outre la révision de l’avance sur l’IS, la BEAC formule plusieurs recommandations précises à l’endroit des pouvoirs publics. Elle préconise d’ « améliorer la qualité des infrastructures routières qui desservent les bassins de production, pour faciliter l’évacuation des produits, en renforçant les moyens d’action de la SODECAO ». La banque centrale appelle également à « mettre en œuvre les actions nécessaires pour une amélioration des rendements, en dotant la SODECAO de moyens pour accompagner le renouvellement des vergers vieillissants et assurer l’encadrement des producteurs ». Concernant le système de traçabilité, la BEAC recommande d’ «améliorer la couverture du réseau téléphonique dans ces bassins de production, pour assurer le bon fonctionnement du système de traçabilité des transactions en cours de test ». Elle insiste sur la nécessité d' »intensifier la lutte contre le détournement frauduleux d’une partie de la production vers le Nigéria, dont le manque à gagner est réel, aussi bien pour l’Etat que pour les exportateurs et broyeurs locaux ». Enfin, la banque centrale souligne la nécessité de « travailler à une réduction des tracasseries administratives subies par les acteurs de la filière ».
DES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES RECORD MALGRÉ TOUT
Cette pression fiscale n’a pas empêché la filière d’afficher des résultats exceptionnels pour la campagne 2024-2025. Le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a annoncé que les producteurs de cacao avaient « engrangé un revenu record de 1 200 milliards de FCFA ». Cette performance a été principalement portée par la flambée des cours mondiaux. Les prix payés aux planteurs se sont situés « dans une fourchette de 3 210 à 5 400 FCFA le kilogramme », ce qui conforte leur position « parmi les mieux rémunérés au niveau mondial ».
Les données du Rapport sur l’économie camerounaise 2024, publié le 18 juillet 2025, confirment cette dynamique. Les exportations non pétrolières ont progressé de 33,1% pour atteindre 1 827,8 milliards de FCFA, « tirées par les produits de la filière cacao ». Le cacao brut en fèves a vu sa valeur à l’exportation passer « de 359 milliards FCFA en 2023 à 683 milliards FCFA en 2024, soit une hausse de 90% », malgré un recul des volumes de 1%. Les produits transformés ont également connu une croissance spectaculaire : les exportations de pâte de cacao ont plus que doublé pour atteindre 210 milliards FCFA, et celles de beurre de cacao ont bondi à 99 milliards.
UN ACCOMPAGNEMENT PLUS LARGE
Au-delà de la question fiscale, la BEAC estime que « la filière cacao devrait bénéficier d’un suivi et d’un accompagnement particuliers de la banque centrale ». Elle propose que le dispositif de régulation des changes, actuellement axé sur le contrôle des sorties de devises et le rapatriement des recettes, intègre une « meilleure prise en compte de la nécessité d’accompagner les secteurs exportateurs ». La banque centrale recommande également « un soutien aux entrées de capitaux » et « l’optimisation des mesures administratives » pour stimuler la performance des filières exportatrices. Ces propositions s’inscrivent dans un contexte de forte croissance du secteur primaire, qui a affiché une progression de 3,6% en 2024 contre 2,3% en 2023, contribuant à 0,6 point à la croissance nationale, selon le rapport 2024 sur les Comptes nationaux publié par l’Institut national de la statistique (INS) le 10 septembre 2025.