Dans sa note de conjoncture publiée le 7 novembre 2025, Fitch Ratings a reconduit la note souveraine du Cameroun à B, mais en adressant au gouvernement un message clair. Cette évaluation, qui accompagne traditionnellement une appréciation détaillée des risques budgétaires, place cette fois les interventions directes de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) au cœur de ses préoccupations.
L’agence écrit explicitement que « la gestion des finances publiques (GFP) du Cameroun reste un point faible pour la notation ». Mais c’est surtout la question des dépenses parallèles de la SNH, exécutées hors budget, qui alimente les inquiétudes des analystes.
LES INTERVENTIONS DE LA SNH, CŒUR DU PROBLÈME
Dans sa note, Fitch consacre un passage entier à ces opérations. « La faiblesse de la GFP est également mise en évidence par la hausse continue des ‘interventions directes’ (activités quasi fiscales, 0,7 % du PIB en 2024) de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), que nous prévoyons de rester élevées en 2025, et par une accumulation nette continue d’arriérés intérieurs en 2024 », souligne Fitch. En langage simple, Fitch reproche à la SNH de financer — pour le compte de l’État — des dépenses dites « quasi fiscales », c’est-à-dire des dépenses publiques financées en dehors du budget officiel.
Elles concernent souvent des questions considérées comme urgentes ou sensibles, mais elles ne sont ni planifiées, ni inscrites en loi de finances, ni présentées clairement dans les rapports de dépenses. Ces pratiques échappent aux règles normales. Elles ne passent pas par les vérifications administratives habituelles, ne sont pas soumises au contrôle parlementaire, et ne figurent pas dans les tableaux budgétaires. C’est pour cette raison que Fitch insiste. Et c’est précisément ce que la circulaire présidentielle de juillet 2025 veut corriger.
PAUL BIYA DIT STOP !
Face à plusieurs années de critiques — notamment celles du FMI — la présidence de la République a décidé, dans une circulaire datée du 18 juillet 2025, d’imposer un encadrement strict à ces interventions. Ce document affirme sans ambiguïté « qu’un terme devra être mis, dès 2026, à la pratique des interventions directes au niveau de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH).
Les opérations y relatives suivront dorénavant la procédure normale d’exécution de la dépense, au même titre que les autres dépenses du budget de l’État ». En d’autres termes, toutes les dépenses financées par la SNH pour l’État devront suivre la chaîne budgétaire classique : engagement, validation, contrôle du ministère des Finances, mise en paiement dans les règles. Cette décision constitue un tournant, car jusqu’ici ces opérations étaient gérées de manière dérogatoire.
La présidence et la direction de la SNH en décidaient directement, dans un cadre opaque, parfois en dehors de toute inscription préalable en loi de finances. La circulaire prévoit néanmoins une exception. Certaines dépenses dites « urgentes » disposeront d’un mécanisme spécifique de paiement, toujours sous l’autorité du ministère des Finances.
POURQUOI FITCH INSISTE MAINTENANT
Si Fitch insiste avec autant de force en novembre 2025, c’est parce que ces interventions ont continué de croître — au lieu de diminuer — au cours de l’année. Le rapport économique et financier annexé à la loi de finances 2025 note une hausse de 105,8 milliards FCFA des dépenses en biens et services, en partie due à un renforcement des interventions directes de la SNH dans le domaine sécuritaire. Ces dérives ne sont pas nouvelles. Elles ont été dénoncées à plusieurs reprises par le FMI dans les années récentes.
Entre 2021 et 2024, le Cameroun n’a pas respecté plusieurs des cibles indicatives du programme économique appuyé par le FMI. En 2021, les interventions directes atteignaient 138 milliards FCFA à fin juin, pour un plafond initial de 100 milliards. En 2022, elles dépassaient encore les plafonds, atteignant 91,9 milliards FCFA à mi-année.
Les autorités ont expliqué ces dépassements par les besoins sécuritaires, les subventions au carburant ou les tensions dans le secteur de l’électricité. Elles ont même créé un comité ad hoc entre la SNH et le ministère des Finances pour en assurer le suivi. Mais ces efforts n’ont pas suffi. Le FMI relevait encore en novembre 2024 que ces dépenses continuaient à dépasser les limites convenues et qu’elles « évinceraient » d’autres priorités, notamment l’investissement public.






