Gaston Eloundou Essomba, ministre de l’Eau et de l’Énergie, a révélé les derniers chiffres relatifs à la dette croisée entre l’État et Eneo, le distributeur exclusif d’électricité au Cameroun. Selon lui, la dette d’Eneo s’élève à date à 489 milliards de FCFA, tandis que les créances de l’entreprise sur l’État sont estimées à 120 milliards de FCFA. Ces montants sont issus d’évaluations en cours au ministère des Finances. Le ministre a également précisé que ces chiffres sont encore en phase de validation, sur la base de justificatifs probants tels que les procès-verbaux et les décisions du régulateur, l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel).
DES ÉCARTS NOTABLES DANS LES DÉCOMPTES RÉCENTS
Les données sur la dette croisée présentées par Gaston Eloundou Essomba à la chambre basse du parlement sont en nette évolution par rapport à celles dévoilées par la Commission technique de réhabilitation (CTR) en avril dernier. En se basant sur des chiffres non encore validés par l’Arsel, la CTR avait estimé que les entités publiques devaient 66,7 milliards de FCFA à Eneo au 31 décembre 2023, alors qu’Eneo était débiteur de 328,5 milliards de FCFA envers les entreprises locales du secteur électrique, dont 223,5 milliards de FCFA étaient dus à des entités publiques.
En outre, d’après la même structure, le ministère des Finances a effectué des paiements directs de 8 milliards de FCFA à Eneo au 11 avril 2024, au titre des consommations des administrations publiques, et accéléré le rythme des paiements hebdomadaires, passant de 1 milliard à 2 milliards de FCFA. « Cette dynamique a été renforcée par un engagement de 25 milliards de FCFA comme avance sur la compensation tarifaire prévue pour 2024, estimée à 44,4 milliards de FCFA », peut-on lire dans le document susmentionné. Par ailleurs, sur la période allant de janvier 2021 à décembre 2023, l’État a « effectué des paiements en cash à Eneo totalisant 300 milliards de FCFA, hors compensations fiscales ou autres mécanismes indirects », souligne le ministère des Finances.
LES REVENDICATIONS D’ENEO, UNE AUTRE RÉALITÉ
Un véritable Ping-pong. C’est certainement la description qui sied le mieux aux incessantes péripéties qui ponctuent la situation de la dette entre l’Etat du Cameroun et Eneo. En effet, bien que les estimations relatives à la créance d’Eneo à l’égard de l’Etat du Cameroun, dévoilées par le ministère de l’Eau et de l’Energie ont connu une évolution certaine, cette dernière ne sera certainement pas assez suffisante pour contenter le concessionnaire de la production, de la vente et de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun.
En effet depuis le début d’année Homman Amine Ludiye, directeur général d’Eneo n’a de cesse de répéter qu’il subsiste depuis au moins 2022, des arriérés d’un montant de 266 milliards de FCFA que le gouvernement n’a toujours pas validé. «La situation s’est empirée. La dette des entités publiques envers Eneo a presque doublé, passant de 167 milliards au 31 décembre 2022 à 266 milliards de FCFA au 31 décembre 2023» En février 2024, le directeur général d’Eneo a révélé que les discussions achoppaient sur la compensation tarifaire.
«Nous nous fournissons les informations et les justificatifs nécessaires. Ensuite, la validation se fait notamment au niveau du régulateur. D’ailleurs, sur ce sujet, nous avons lu des choses ici et là (Eneo est souvent accusée de maquiller ses comptes pour spolier l’État, NDLR). Ce que nous souhaitons souligner, c’est notre engagement envers une gestion orthodoxe. Eneo est une entreprise régulée, dotée d’une gouvernance solide, et dont les comptes sont audités par deux commissaires aux comptes : l’un désigné par Actis, l’autre par l’État. Et les comptes de l’année 2022 ont été certifiés sans la moindre observation. Il est également important de noter que même les montants validés ne sont pas nécessairement versés immédiatement. Pour l’année 2024, dans le cadre de la compensation tarifaire, le régulateur a approuvé un paiement de 44 milliards de FCFA à Eneo. Nous sommes déjà en avril, et nous n’avons encore reçu aucun paiement», a-t-il confié à nos confrères d’Investir au Cameroun.
ECLAIRAGE PUBLIC
En ce qui concerne l’éclairage public, dont la facture impayée s’élève à près de 60 milliards de Fcfa, selon des chiffres dévoilés par Eneo, Amine Homman Ludiye révélait en février dernier que le point de discorde réside sur les moyens de comptage servant à mesurer l’électricité qui a servi à alimenter les points lumineux qui éclairent les voiries.
«Le problème qu’on a aujourd’hui c’est que cette consommation est estimée. Puisqu’on pas des points de comptage, puisqu’on n’est pas sur un réseau d’éclairage public orthodoxe. Évidemment quand on fait des estimations, ça donne lieu à des discussions. Est-ce que les caractéristiques et les paramètres qui ont été retenus pour faire ces estimations sont partagés par tout le monde? Le régulateur a considéré que les hypothèses qui ont été retenues par Eneo, n’étaient pas en accord avec les paramètres que lui il prenait en considération. Ce qu’il a fait, c’est qu’il a dit que tant que pas d’accord, on ne vous paie pas».
Afin de rendre ses prétentions un peu plus crédibles, Eneo a engagé un consultant qui a réalisé un inventaire. Ce dernier a, selon l’entreprise, sillonné les rues de Douala et de Yaoundé, répertoriant les lampes allumées toute la nuit, leurs caractéristiques en fonction desquelles il a évalué leur niveau de consommation. Ledit inventaire qui a été signé par les super maires de ces deux villes est en attente de validation par l’Arsel. Toutefois, d’après le document de la CTR, Eneo évaluait cette dette à 19 milliards de FCFA pour l’exercice 2023, dont 8,3 milliards de FCFA ont déjà été réglés.
Toutefois, dans son rapport d’activités pour l’année 2023, Eneo annonce avoir enregistré un encaissement global de 427 milliards de FCFA à fin décembre, atteignant ainsi 100 % de l’objectif fixé. Une performance notable que l’entreprise attribue en grande partie à la récupération d’impayés accumulés les années précédentes, compensant le déficit des encaissements de l’année 2023, qui, eux, n’ont atteint que 87 % des montants facturés. Une répartition des recettes diversifiée
Détaillant la provenance des fonds, Eneo précise avoir collecté 256 milliards de FCFA auprès des particuliers en région, plus de 71 milliards de FCFA auprès des grands comptes privés et 57 milliards de FCFA auprès des administrations publiques. À ces montants s’ajoutent des recettes issues des travaux remboursables, qui ont rapporté 5 milliards de FCFA, ainsi que la régularisation d’un reliquat de 14 milliards de FCFA datant de 2022. Par ailleurs, la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) a contribué à hauteur de 9 milliards de FCFA. Pour expliquer ces performances, l’entreprise met en avant plusieurs leviers stratégiques. Les opérations de recouvrements forcés, par exemple, ont permis de mobiliser 31 milliards de FCFA, un montant cependant inférieur à l’objectif initial de 44 milliards.