Pour un équilibre financier dans le secteur, les industriels sont invités à court terme, à moduler leur consommation d’électricité tout en tirant profit des opportunités d’affaires dans le secteur.
Les acteurs du secteur de l’électricité, autour du ministre de l’Eau et de l’Energie étaient au Gicam à Douala le 22 juillet dernier. L’enjeu de la rencontre, obtenir une implication du secteur privé pour contenir l’évolution de certaines charges dans le secteur. En effet, l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (ArselL) dit craindre une répercussion des charges des opérateurs sur le tarif de l’électricité. Ces charges, précisément celles liées au combustible, ont évolué plus vite que prévu au premier trimestre 2021. D’après Eneo, une augmentation de près de 40 milliards est à noter par rapport à 2020. L’achat du combustible s’est imposé à cause de la surcharge du réseau de transport nécessitant le recours aux centrales thermiques de Dibamba et de Limbé, la faible disponibilité de la centrale de Memve’ele ou encore du barrage de Lagdo. Celui-ci a par exemple nécessité le transfert de 27 groupes électrogènes qui demandent une dépense mensuelle de trois milliards de FCFA pour le carburant. Or, le coût du combustible a augmenté sur le marché international. Pour un équilibre financier du secteur, le gouvernement sollicite donc la contribution des grandes entreprises pour la baisse de la facture.
RENONCER AUX CONSOMMATIONS EN SOIRÉE
A court terme, le gouvernement propose un ajustement programmé des activités de certains clients industriels HT et MT spéciaux à la pointe. Car, les centrales thermiques sont généralement activées en soirée pour pouvoir alimenter à la fois les industries et les ménages qui le soir consomment plus d’énergie. Il est question que ces industries acceptent de se déconnecter le soir afin de permettre l’alimentation uniquement des ménages, cette fois via l’hydraulique. Ce qui induira une baisse de la demande aux heures de pointe et une diminution de la sollicitation des centrales thermiques. En revanche, le gouvernement souhaite voir un accroissement de la demande industrielle à moyen terme avec l’offre qui augmentera via l’aboutissement de certains projets comme le barrage de Nachtigal. Il a donc été demandé aux opérateurs économiques de faire basculer à l’énergie électrique, ceux de leurs équipements notamment les chaudières qui fonctionnent actuellement au thermique. Car d’après une enquête menée auprès d’une centaine d’industriels, l’énergie thermique est la plus consommée pour 400 MW, tandis que l’électricité via réseau est de 120 MW. Bien plus, il est noté que l’offre de production a augmenté entre 2014 et 2020 pendant que la consommation des industries n’a pas bougé. Ce qui risque d’accentuer le déséquilibre financier avec l’arrivée de Nachtigal, en occasionnant une quantité oisive d’énergie d’environ 350 MW si cette mutation n’est pas faite. Pour les convaincre de faire le basculement, le directeur de l’électricité au Minee, Lionel Omgba Oyono indique que cette formule va « stabiliser les charges énergétiques des industries car la majorité des chaudières fonctionnent au fioul qui est importé et soumis aux aléas du marché international ».
POTEAUX EN BÉTON, UN POTENTIEL MARCHÉ DE 110 MILLIARDS
Les acteurs ont également fait comprendre aux opérateurs économiques qu’ils peuvent gagner de l’argent dans le secteur. L’environnement étant encore dominé par les entreprises étrangères, le gouvernement a indiqué qu’il est temps pour les entreprises locales de saisir les opportunités d’affaires créées notamment par la pandémie face à laquelle on ne peut importer les intrants. L’une d’elles est la production des poteaux béton. « Il nous faut pratiquement 700 000 poteaux bois. Nous ne les avons pas et le gouvernement a trouvé une solution alternative celle de poteaux béton. Malheureusement, les capacités de production demeurent insuffisantes. Nous ne pouvons produire que 55 000 poteaux par an. Nous invitons donc les opérateurs économiques à venir investir dans le secteur. Cette nouvelle demande induit un marché potentiel de 110 milliards de FCFA. », a déclaré le ministre Gaston Eloundou Essomba.
Réactions
AUGUSTE NANA, Consultant énergie Prometal
« Que les garanties nous soient servies »
« Nous avons avec Eneo un contrat qui court sur 32 MW et à côté nous avons des sources d’énergie d’appoint dont le thermique qui vient suppléer ou remplacer le manque d’énergie Eneo. Nous sommes disposés à ripper totalement sur l’énergie électrique mais à la seule condition que les garanties qui vont avec nous soient servies. C’est-à-dire, la disponibilité de l’énergie électrique, la qualité et surtout le coût de cette énergie. Nous sommes en concurrence aujourd’hui avec la Chine concernant les métaux que vous avez dans vos ménages ; en nous vendant l’énergie cher, vous nous mettez en difficultés par rapport au client final qui a certainement une bourse limitée. Le coût est élevé et quand il faut ajouter à cela la qualité qui n’est pas bonne, avec des cas comme à Bafoussam où on a des retours qui abîment des machines, c’est une somme de phénomènes qui vient plomber le développement de notre nation. »
CÉLESTIN TAWAMBA, président du Gicam
« Faire valoir notre patriotisme économique »
« On a noté déjà une sati s faction de la qualité de nos échanges et la transparence avec laquelle le ministre a bien voulu partager les informations du secteur. Je crois que les acteurs du secteur privé ont noté l’engagement de régler le problème à court terme du déficit et on a effectivement vu la main tendue des pouvoirs public au secteur privé pour contribuer et être un acteur majeur, pas seulement un consommateur parce que l’on s’est rendu compte que la plupart du business dans ce secteur est tenu par les firmes étrangères. Il est donc question pour nous, de faire valoir notre patriotisme économique, un développement inclusif afin que la croissance soit plus partagée, appeler les acteurs du secteur privé à prendre leur part de responsabilité dans le marché de l’énergie qui est un marché porteur pour notre économie. »