En 2016, le gouvernement camerounais avait de grandes ambitions pour le secteur numérique. Elle s’est traduite à travers le plan « Cameroun numérique 2020 » ; qui visait à faire du numérique un levier majeur de l’industrialisation et du développement économique du pays. L’objectif était de doubler la contribution du numérique au PIB, la faisant passer de 5% à 10% en quatre ans. De même, les recettes fiscales issues du secteur devaient passer de 136 milliards de FCFA en 2016 à 300 milliards de FCFA. Minette Libom Li Likeng, ministre des Postes et Télécommunications qui affirmait à ce titre, dans une interview accordée le 26 janvier 2016 au quotidien public Cameroon tribune : « Ce plan permet de jeter les bases de la migration de notre pays vers une économie numérique, véritable levier de croissance et créateur d’emplois. Ce plan, dont la vision est de ‘’faire du Cameroun un pays numérique à l’horizon 2020’’, est axé sur le développement des infrastructures larges bandes, l’accroissement de la production de l’offre des contenus numériques, la transformation numérique de l’ensemble des secteurs d’activités, la promotion de la culture du numérique par la généralisation de l’usage des TIC dans la société de l’information, le renforcement de la confiance numérique et le développement d’une industrie locale du numérique entre autres ».
UN CLASSEMENT PEU HONORABLE EN AFRIQUE CENTRALE
Cependant, huit ans après la mise en œuvre de ce plan ambitieux, les résultats sont loin des attentes. La contribution du numérique au PIB stagne à 5%, comme l’a confirmé la ministre des Postes et Télécommunications, lors de la première édition des Journées scientifiques de l’économie numérique en juin 2024. Un résultat qui se vérifie avec le classement de l’Indice de développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) publié en décembre 2023 par L’Union internationale des télécommunications (UIT). Le Cameroun obtient un score de 36,8 points, et se classe au 6e rang des pays d’Afrique centrale en termes de développement des TIC parmi les 10 pays évalués de la sous-région.
En plus, l’étude, intitulée « Measuring digital development: The ICT Development Index 2023 », analyse les progrès réalisés dans le domaine des TIC dans 169 pays et territoires en évaluant sur une échelle de 0 à 100 points en se basant sur 10 indicateurs, tels que le pourcentage d’utilisateurs d’Internet, la pénétration de la téléphonie mobile à large bande, le trafic Internet mobile (en gigaoctets par abonnement), le coût des données mobiles et des services vocaux, ainsi que le taux de possession de téléphones mobiles, ne dira pas moins. Selon cette étude, le Cameroun se situe en dessous de la moyenne dans la plupart des indicateurs. Par exemple, en ce qui concerne la couverture des réseaux 3G et 4G, le Cameroun obtient un score de 18,4 sur 100, tandis que le Gabon atteint 98 sur 100 et Sao Tomé 37,6 sur 100. En ce qui concerne le prix des données mobiles et des services vocaux, le Cameroun obtient seulement 0,8 %, tandis que le Gabon affiche 85,2 %.
L’IA UN IMPORTANT CHANTIER DU GOUVERNEMENT
Malgré ce constat peu reluisant, le gouvernement ne baisse pas les bras et continue de croire au potentiel du numérique pour le développement du Cameroun. En juin 2024, il a organisé des Concertations nationales sur l’intelligence artificielle (Conia) afin de réfléchir aux moyens de booster le secteur. Spécifiquement, il veut tirer profit des opportunités qu’offre l’IA. Parmi les principales recommandations issues de ces concertations figurent: l’élaboration d’une stratégie nationale de développement de l’IA ; le renforcement des infrastructures numériques ; le développement des compétences en IA ; la promotion de l’innovation et de la recherche en intelligence artificielle ; l’élaboration d’un cadre juridique et réglementaire adapté pour l’IA et l’adoption de l’IA dans les secteurs de la Santé, de l’éducation, l’agriculture et autres secteurs à fort impact de transformation sociale et la promotion de l’éthique et de la responsabilité en IA.
Ces recommandations constituent une feuille de route ambitieuse pour le développement du numérique. « Dans un contexte, qui nous impose une remise en question permanente pour l’efficacité de nos actions, il nous revient dès lors de veiller à ce que les initiatives de l’ensemble des acteurs contribuent, dans les proportions espérées, à la mise en œuvre des recommandations issues de nos concertations nationales sur l’intelligence artificielle. Ceci afin de garantir plus de performance, avec des solutions adaptées aux préoccupations majeures de la transformation numérique. Il s’agit là d’un important chantier pour le gouvernement », a indiqué Minette Libom Li Likeng à la clôture de la Conia.
LE CAMEROUN PEUT-IL RATTRAPER SON RETARD ?

Le défi est immense, mais pas impossible. Le Cameroun dispose d’atouts importants, tels qu’une population jeune et connectée. Avec notamment 3,9 millions d’utilisateurs et un taux de pénétration de 13,8% selon le rapport annuel sur le digital proposé par MeltWater et We Are Social apporte des données sur les chiffres des réseaux sociaux au Cameroun en 2023. Le gouvernement affiche une détermination à développer le secteur numérique et un environnement des affaires en amélioration. « À ce jour, notre pays dispose de près de 15 000 km de câbles à fibre optique, de 4 câbles sous-marins d’une capacité de 32 To, de boucles optiques urbaines, de deux points d’échange Internet, de plusieurs centres de données, et une couverture réseau nationale de près de 90 %. » ; avait indiqué le Minpostel en août 2023 en reconnaissant lors du Forum sur la gouvernance Internet en Afrique Centrale la nécessité de développer les infrastructures numériques.
D’après les experts, le gouvernement devra également s’assurer que le secteur privé joue un rôle moteur dans le développement du numérique. Le programme numérique de la SND-30 dont le calendrier de mise en œuvre va de 2021 à 2030 consiste notamment à la réduction considérable de la fracture numérique par la poursuite de l’expansion du réseau fibre optique ; à la construction des Datacenters (installation physique conçue pour héberger les applications et données critiques d’une ou de plusieurs organisations) et la mise en œuvre du système de gouvernance électronique (E-Government). Le budget alloué à ce programme s’élève à 250 milliards de FCFA, apprend-on. L’on note également le Projet d’accélération de la transformation numérique au Cameroun (Patnuc), qui bénéficie d’un appui de la Banque mondiale d’une valeur de 60 milliards de FCFA. Lancé en août 2023, ce programme vise l’inclusion numérique et l’utilisation des solutions agricoles numériques par des petits exploitants agricoles, acteurs des chaînes de valeur. Ceci en vue d’accroître la contribution du PIB du secteur.