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Dr. Ariel Ngnitedem, économiste : « Ce 5ème décaissement traduit la satisfaction du FMI »

L’enseignant à l’institut des Relations internationales énonce des mesures qui devraient être prises pour optimiser les effets positifs induits par le Programme économique et financier signé avec le fonds monétaire international.

Le fonds monétaire international a autorisé le 17 juillet dernier le 5ème décaissement qui vient ainsi clôturer la 4ème revue du Programme économique et financier signé en juin 2017. quel commentaire vous suscite cette actualité ?

Ce décaissement traduit la satisfaction du Fonds Monétaire International quant à la mise en œuvre du programme, c’est-à-dire l’exécution des recommandations qui avaient été émises par cette institution pour permettre au Cameroun de stabiliser ses indicateurs macro-économiques, et surtout refaire son retard en matière de déficit budgétaire et de couverture des importations. Cela veut dire que le Cameroun a honoré de façon satisfaisante ces recommandations, par rapport aux conditionnalités qui étaient fixées pour le déblocage de cette somme.
le doute a quelques fois plané sur la capacité du Cameroun à conduire ce programme. Y avait- il vraiment lieu de s’inquiéter quand on sait que la mise en œuvre de ce programme se déroule dans un contexte de crise économique ?

Il y avait lieu de s’inquiéter. Et ce d’autant plus que le Cameroun traverse une période assez difficile au plan économique en général et au plan des finances publiques en particulier. Avec la crise sécuritaire, la crise des cours des matières premières, et surtout l’aptitude de l’économie camerounaise qui, visiblement, n’est pas aussi résiliente comme on le pensait, parce que cette économie ploie sous le coup de ces deux chocs. On voit bien que le Cameroun à une économie qui est extravertie, c’est-à-dire qu’on importe davantage et on n’arrive pas à retourner la tendance en exportant plus. On a d’ailleurs vu ce que cela produit ces derniers temps, avec la crise des devises. Il y a lieu de s’inquiéter parce que certains fleurons de l’économie camerounaise ont été frappés de plein fouet par la crise sécuritaire dans le Sud-Ouest, à travers la Cameroon Développent Corporation (CDC) qui n’ont seulement est le deuxième employeur du pays, mais est également l’un des plus gros pourvoyeurs de devises parce qu’elle exporte sa production. Il y aussi les Plantations du Haut Penja (PHP), spécialisée dans la production de la banane. C’est aussi l’une des entreprises pourvoyeuses de devises. Même si elle n’est pas autant touchée que la CDC, elle connaît tout de même quelques soucis parce qu’elle détient des plantations dans la région du Sud- Ouest.

Le glissement de date qu’on a observé dans le cadre de ce cinquième décaissement était-il finalement si alarmant ?

Je pense que non. Simplement parce que finalement on y est arrivé, même si on va dire que c’est un peu un accouchement dans la douleur. Il y a eu ce déblocage, c’est déjà une bouffée d’oxygène en matière de devises. Car il faut le rappeler, les déblocages du FMI arrivent sous forme de devises, de ce point de vue, on peut dire sans ambages qu’il y a eu beaucoup plus de bien que de mal.

Quelle sera l’incidence du déblocage du fmi auprès des autres Partenaires techniques et financiers qui accompagnent le Cameroun dans ce programme ?

Le FMI est le wagon de tête qui conditionne l’accès aux autres sources de financement. Les autres partenaires attendent généralement que le FMI donne son accord pour qu’ils puissent contribuer au financement de l’économie camerounaise. Et c’est tout à fait une bonne chose. Mais il ne faudrait pas non plus s’endormir sur ses lauriers en se disant que c’est un acquis. C’est juste une étape, et il y a encore beaucoup à faire. Il faut aller en profondeur, en restructurant l’économie camerounaise. Les appuis du FMI et des autres partenaires ne sont que des actions conjoncturelles qui ne peuvent pas maintenir la stabilité macro- économique et assainir durablement les finances publiques.

Certains spécialistes estiment que ce décaissement témoigne la confiance et la crédibilité dont jouit le Cameroun auprès de ces partenaires techniques et financiers. êtes-vous du même avis ?

Cela peut être perçu de cette façon, mais comme je l’ai indiqué plus haut, ce n’est qu’une étape qui rend compte de ce que le Cameroun a mené de façon satisfaisante les réformes qui étaient liées à cette étape. Ce n’est pas encore tout le programme. Il y avait un certain nombre de conditionnalités qui étaient liées à cette phase. Et ce, dans un processus qui se veut un peu plus long.

Au terme de ce programme, les ressources mises à la disposition du Cameroun pourront-elles permettre de sortir complètement de cette situation ?

Ces ressources ne peuvent pas être suffisantes pour sauver l’économie camerounaise des affres causées par la crise anglophone. Et si on arrive pas à résoudre cette crise économique du fait de la persistance des crises sécuritaires, le FMI sera bien obligé de soumettre le Cameroun à un programme d’ajustement structurel. En nous imposant des conditionnalités bien plus contraignantes que celles des années 1990. Période au cours de laquelle on s’était vu obliger de compresser les effectifs de la fonction publique, privatiser à tour de bras, etc. On ne souhaiterait pas y revenir.

Le programme arrive bientôt à son terme, qu’est-ce qui devrait être fait pour maintenir les effets positifs de ce programme ?

Le programme a été signé en juin 2017 pour trois ans, cela suppose qu’il arrive à son terme en mai 2020. Dans ce cas, ce que le programme aura apporté au Cameroun, c’est une certaine discipline dans le pilotage de la politique économique, dans la gestion des finances publiques. Il faudra donc maintenir cette discipline, en allant au- delà pour apporter une véritable réforme à l’économie camerounaise, pour la rendre plus résiliente. Il faut d’ailleurs souligner que cette résilience est relative. En fait, elle n’est perçue que par rapport aux autres pays de la sous-région, qui sont majoritairement tournés vers l’économie pétrolière. Si on compare le Cameroun aux pays de l’Afrique de l’Ouest, cette résilience devient suffisamment relative. C’est dire qu’il va falloir s’engager dans une réforme profonde de la structure de notre économie, il ne faudrait pas qu’on soit tout le temps en train d’exporter les matières premières, il faut aller vers la transformation, la promotion des chaîne de valeurs et surtout la promotion du made in Cameroun. Cela suppose produire plus, afin de créer plus d’emplois et générer plus de ressources.

Quelles autres solutions pourraient être envisagées ?

Il faut également poursuivre avec l’assainissement des finances publiques camerounaises, cela passe par un certain nombre de mesures. Les textes qui ont été pris ces deux dernières années sur la gouvernance de nos entreprises d’Etat doivent être appliqués à la lettre. Il faut que l’entreprise publique camerounaise soit gérée de manière efficience, qu’elle cesse de s’alimenter sur le budget, bref, qu’elle cesse d’être cette vache à lait qui pompe le budget de l’Etat, d’année en année. La dernière chose sur laquelle je souhaite insister, c’est la crise anglophone qui est devenue une crise camerounaise. Etant donné que l’économie camerounaises en pâtit. Si l’on reste dans cette crise à l’état actuel, pendant deux années de plus, l’économie camerounaise va entrer dans une crise sans précédent. Il faut très rapidement résoudre cette crise avant qu’elle ne continue à déstructurer l’économie. En d’autres termes, pour des raisons économiques, il devient urgent de résoudre ce problème anglophone. C’est ainsi que nous pourrons repartir vers une croissance à deux chiffres, car, on ne le dira jamais assez, pour être émergent en 2035, il faut une croissance à deux chiffres.

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