Dépenses publiques: Le train de vie de l’Etat en hausse continue  

En dépit du rappel à l’ordre du président de la République qui prescrit la réduction du train de vie de l’Etat, les dépenses de personnels et de biens et services vont se maintenir à la hausse, a en croire les prévisions qui figurent dans le rapport sur la situation et les perspectives économiques sociales et financières de la nation pour la période 2024-2026

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«il faut réduire le train de vie de l’Etat». Cette prescription présidentielle quasi annuelle a été ressortie par le chef de l’Etat le 31 décembre 2023, à l’occasion de son traditionnel discours de fin d’année à la nation. Le président de la République rappelait ainsi au gouvernement de rationaliser les dépenses publiques, jugées onéreuses pour le budget de l’Etat, plusieurs jours après l’adoption de la loi de finances (budget 2024). Le temps de cligner des yeux, le secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr), répercutant les « très hautes instructions » du chef de l’État, a écrit à son homologue des services du Premier ministre, pour lui faire part de la nécessité de mettre en branle des initiatives qui vont permettre d’atteindre l’objectif susvisé. «Faisant suite au message du chef de l’État à la nation le 31 décembre 2023, et dans le prolongement de ses directives antérieures relatives à l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de vous réitérer ses très hautes instructions prescrivant aux chefs de départements ministériels et aux gestionnaires de crédit de toutes les autres entités publiques, de limiter substantiellement la création des comités/groupes de travail et les dépenses y afférentes, les missions à l’étranger ainsi que les achats de véhicules de fonction et les dépenses de carburant », a-t-il écrit.

Une volonté manifeste de changement matérialisée par une autre correspondance rendue publique le 1er mars 2024, dans laquelle le Sgpr, répercutant de nouvelles «hautes instructions du président de la République», menaçait de sanctions les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints et présidents des conseils d’administration des entreprises et établissements publics du Cameroun, qui se rendraient en mission à l’étranger sans autorisation de la présidence de la République. «J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir réitérer aux ministres assurant la tutelle technique de ces entités publiques, les très hautes instructions du chef de l’Etat réglementant les déplacements à l’étranger des responsables susvisés. Vous voudrez bien préciser à leur intention, que des sanctions appropriées seront désormais prises à l’encontre de tout haut responsable qui s’aviserait de quitter le territoire national, sans l’autorisation préalable du chef de l’Etat », pouvait-on dans cette correspondance du plus proche collaborateur de Paul Biya.

Des initiatives mal planifiées

Cependant, la sincérité de ses actions est remise en cause par de nombreux experts, en raison du timing. En effet, ces dernières ont été enclenchées 1 mois après que le parlement ait adopté la loi de finances 2024, cadre de référence qui détermine de manière précise le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État. Logiquement, c’est de cet instrument de politique publique qu’aurait clairement pu transparaître l’ambition de réduire le train de vie de l’État du Cameroun. L’engouement provoqué par les sorties du Sgpr aurait d’ailleurs pu éclipser la dure réalité qui apparaît à tout lecteur qui consulte la Loi de finances 2024. En effet, contrairement aux ambitions affichées publiquement par ce dernier, les prévisions budgétaires relatives aux dépenses d’achat de biens et de services et de fonctionnement sont globalement en hausse. En effet, à la page 81 de la loi de finances 2024 promulguée par le président de la République, le 19 décembre 2023, sous le titre 3 intitulé (les dépenses de biens et services), code 611, l’on découvre que (les frais de transport et de mission) projetés par l’État en 2024 sont de 69,2 milliards de FCFA. Ces frais sont en augmentation de 14,3 milliards de FCFA (+26%) par rapport à la prévision de 54,9 milliards de FCFA inscrite dans la loi de finances 2023. «Dans le même temps, sous le titre 5 intitulé (les dépenses d’investissements), à la page 83, code 243, les prévisions de dépenses budgétaires relatives aux acquisitions du (matériel de transport ) au cours de l’année 2024 progressent de 2,7 milliards de FCFA par rapport à 2023, en hausse de 22,7% en valeur relative. En effet, après avoir culminé à 11,9 milliards de FCFA en 2023, celles-ci ressortent à 14,6 milliards de FCFA un an plus tard», indiquent nos confrères d’Investir au Cameroun.

Un trend haussier continu

Cette tendance haussière va se maintenir jusqu’en 2026. En effet, d’après le rapport sur la situation et les perspectives économiques sociales et financières de la Nation,  élaboré et publié par le ministère des Finances en 2024, les dépenses du personnel augmenteraient de 115,1 milliards de FCFA (8,8%) en 2024 pour se situer à 1 428,3 milliards  et 1 510,4 milliards de FCFA respectivement en 2025 et 2026. Dans le même temps,  les dépenses de biens et services passeraient de 901,2 milliards de FCFA en 2023 à 988,0 milliards de FCFA, soit une augmentation de 86,8 milliards. En 2025 et 2026, ces dépenses sont projetées respectivement à 1 044, 7 milliards de FCFA et 1 040,2 milliards de FCFA, peut-on lire dans ce document. Toutefois, même si les prévisions budgétaires susmentionnées n’augurent pas des lendemains meilleurs pour la politique de rationalisation des dépenses publiques prônée par Paul Biya, le gouvernement prévoit quand même d’implémenter différentes actions pour essayer de s’y conformer. Tout d’abord maîtrise de la charge locative de l’Etat et l’encadrement de la procédure d’attribution de logements administratifs. Selon un rapport du ministère des Finances (Minfi) publié en 2020, l’État paye des loyers qui sont soit inoccupés, bien que fonctionnels, soit carrément fictifs. Près de 170 ont été recensés dans le cadre cette étude pour un préjudice financier global estimé à 206 milliards de FCFA. A en croire le même rapport,  l’État perdrait en moyenne 4 milliards de FCFA chaque année à payer des loyers sans contrats de bail, pour des bâtiments déjà en ruine ou n’ayant aucune commune mesure avec la valeur de l’immeuble concerné.

Perspectives

En outre, le Cameroun compte également poursuivre entre 2024 et 2026, la rationalisation des  contributions versées aux organisations internationales ; la rationalisation de l’enveloppe des subventions versées aux entreprises et établissements publics ; la réduction de la facture des subventions due au soutien  du prix du carburant à la pompe, à travers la réhabilitation de la Société nationale de raffinage ; le renforcement des mécanismes de contrôle des dépenses salariales, la poursuite de l’assainissement du fichier solde de l’Etat, l’apurement progressif de la dette salariale et la mise ne place des mécanismes de réduction de son accumulation.

Pour L’économiste Celestin Tchakounte il est également impérieux de «réaliser des audits réguliers pour identifier et éliminer les dépenses inefficaces ou redondantes. Cela implique aussi de revoir les processus budgétaires pour éviter les surallocations. De mettre en place des mécanismes stricts et efficaces pour combattre la corruption, qui augmente considérablement les coûts pour l’État. Cela passe par la transparence, le renforcement des institutions de lutte contre la corruption et l’application stricte des sanctions. Évaluer et, si nécessaire, réformer les subventions, en particulier celles qui sont coûteuses et peu efficaces, pour s’assurer qu’elles ciblent adéquatement les populations en besoin et ne créent pas de dépendance etc. » a-t-il confié à Défis Actuels

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