La conférence Africacrypt 2024 tenu à Douala, a abordé la question dans un contexte où le coût financier des nouvelles menaces technologiques au niveau mondial est en hausse de 15% ces 3 dernières années.
L’évolution technologique quoi que bénéfique pour le développement économique en est aussi un frein. La cybercriminalité selon les experts prend de plus en plus différentes formes. Ces dernières années, on parle de la naissance d'une nouvelle menace appelée Ransomware. Cette pratique basée sur la cryptographie consiste à utiliser des primitives de cryptographie sur les données et à exiger ensuite le paiement d'une rançon pour restituer la clé de décryptage.
Selon les rapports de Stormshield et Statista, en 2023, les ransomwares ont engendré des demandes de rançon atteignant un montant record de 80 millions de dollars (environ 48,5 milliards de FCFA).Il faut ajouter à ceci les pertes des Etats pour sécuriser leurs systèmes d’informations. C’est pourquoi la question de la cryptologie était au centre de la conférence Africacrypt tenue du 10 au 12 juillet dernier à Douala.
La cryptologie est définie comme « une science de protection des messages ou des secrets, et peut se subdiviser en deux grands domaines notamment : la cryptographie, qui se concentre sur la conception d’algorithmes et de méthodes permettant d’exécuter des fonctions cryptographiques, et la cryptanalyse, qui étudie la structure des algorithmes de chiffrement. pour comprendre leur fonctionnement et identifier les pannes potentielles qui pourraient conduire à la récupération des messages en texte clair », explique le DG de l’Antic, Enaw Ebot Ebot.
La 15 eme édition de cette conférence qui a réuni des experts venus du continent et du monde entier à l’instar des professionnels de Microsoft, a permis de mieux appréhender la notion de cryptologie et son importance. Il a notamment été question de voir comment ce domaine a servi ailleurs pour développer des outils afin de renforcer la cybersécurité et réduire le coût financier de la cybercriminalité. Ceci, dans au moment où selon un rapport de Sapians, le cout financier de la violation des données est en augmentation de 15 % ces trois dernières 3 années. Des chercheurs camerounais ainsi que des étudiants y ont également pris part. Parmi eux, les étudiants de l‘université de Bamenda où existe tout un centre dédié à la cyber-sécurité. « Nous avons au Centre de cybersécurité et cryptologie mathématique de l’université de Bamenda, un programme de doctorat dans le domaine de la cyber-sécurité et de la cryptologie. Nous espérons que cette formation va permettre de doter les apprenants, des aptitudes et attitudes indispensables dans ce domaine, et les rendre aptes à aider aisément à réduire les risques de cyberattaques dans notre pays et dans le monde entier, » a indiqué Emmanuel Fouotsa, le coordonnateur de ce programme à l’université de Bamenda.
Interview
Boris Tako Fouotsa, chercheur
« Il faut une expertise locale pour une souveraineté numérique »
L’expert en cryptographie post-quantique, chercheur post doctorant à l’Ecole polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse nous dévoile l’enjeu de ce domaine.
La 15ème édition de la conférence Africacrypt s’est penchée cette année sur la cryptographie et la cryptanalyse. En quoi est ce que ces notions sont importantes ?
La cryptographie et la cryptanalyse sont utilisées par tout le monde. Quand votre téléphone enregistre des données, au moment de les envoyer à un serveur, ces données sont d’abord chiffrées, et le serveur les déchiffre avant de les utiliser. Nous utilisons la cryptographie même à notre insu. Chaque fois que nous interagissons avec le numérique, chaque fois que nous allons sur internet, chaque fois que nous utilisons notre carte bancaire, nous l’utilisons.
L’expertise derrière ce bagage numérique déjà préfabriqué et que nous utilisons vient d’ailleurs. Nous avons aujourd’hui de nouvelles technologies qui se développent, que nous utilisons, que nos entreprises utilisent. Et donc, on a besoin d’une certaine expertise locale pour avoir une souveraineté numérique. Cela se fait avec des institutions gouvernementales comme l’Antic et depuis peu à l’université de Bamenda qui, ont été d’un grand support pour cette conférence.
Quel rôle joue la cryptologie pour protéger le cyberespace ?
La cryptologie n’est qu’une étape pour protéger le cyberespace. Le développement des experts en cryptologie permettra d’avoir des enseignants de plus en plus performants, de plus en plus à la pointe de la recherche pour enseigner les étudiants qui travailleront dans le domaine de la cybersécurité. La cybersécurité englobe plusieurs sous-branches. Elle puise ses connaissances dans plusieurs branches de la recherche et la cryptologie n’est qu’une partie de ces branches-là. Et donc, avoir des chercheurs à la pointe de la recherche, et des enseignants à la pointe des résultats scientifiques permet d’avoir des cours de plus en plus adaptés aux nouvelles attaques et aux nouvelles menaces qui paraissent chaque jour dans l’environnement de la cyber-sécurité. La cryptologie n’est qu’une petite composante de tout le grand espace qu’est le cyberepace. Son rôle est de chiffrer l’information, de s’assurer que l’information qui va d’un point A vers un point B ne soit pas accessible à une personne non autorisée. Et pour que cela marche, il faut de plus en plus former de nouveaux experts dans le domaine, de telle sorte que les étudiants qui travaillent dans la cyber-sécurité aient des enseignements adaptés aux nouvelles attaques qui sont reconnues. On parle par exemple de nos jours de cryptographie post-quantique. C’est parce que la plupart des protocoles quantiques que nous utilisons aujourd’hui sont traçables par un ordinateur quantique.
Quelles sont les résolutions qui ont été prises au terme de cette conférence sur la cryptologie ?
Africacrypt est une conférence scientifique. Le premier objectif est donc de présenter les résultats scientifiques ; de collaborer ; de discuter des questions de recherches ; et faire naitre des collaborations. Au niveau de l’université de Bamenda, cette conférence a été organisée par le Centre de Cybersécurité et de la recherche en cryptologie mathématique, récemment créée à l’université de Bamenda grâce à une coopération avec une agence Belge de la recherche. Cette conférence vient donc comme une activité du Centre. Elle permettra aux étudiants du Centre d’avoir une vue extérieure, mais aussi de créer de nouvelles collaborations avec des chercheurs basés aux Usa, en Europe, en Asie, au Moyen-Orient. Cela devrait donc les motiver à travailler encore plus pour davantage développer leur expertise dans le domaine afin qu’on obtienne une autonomie et qu’on ait des experts locaux dans les domaines qui peuvent aider les entreprises locales à se mettre au même niveau que les entreprises internationales.