Crise économique: l’urgence de réduire les dépenses publiques

Dans une note publiée le 12 avril dernier, l’Agence de notation S&P menace de baisser la note du Cameroun si son déficit budgétaire persistait, du fait de l’accélération des dépenses. A cette interpellation s’ajoutent les rappels à l’ordre du FMI et du ministre des Finances que certaines administrations continuent d’ignorer.

L’urgence de réduire les dépenses publiques.

«Je suis très choqué lorsque j’observe la manière avec laquelle nos administrations continuent de mener un train de vie princier, sans pour autant prendre conscience de la situation de crise dans laquelle le pays se trouve ». Ainsi s’exprimait, il y a quelques jours à Yaoundé, Martin Olivier P, cadre au ministère en charge du Contrôle Supérieur de l’Etat, non sans laisser transparaître son désarroi. La publication de l’Agence de notation S&P Global Rating du 12 avril dernier, dans laquelle elle fait passer la note du Cameroun de « stable » à la catégorie « B », négative, est venue donner raison aux craintes formulées par Martin Olivier. Et pour justifier cette décote du Cameroun, l’Agence avance l’argument de la persistance des « déficits budgétaires ». Autrement dit, le Cameroun dépense plus que ce qu’il ne dispose, notamment en termes de recettes fiscales et autres ressources budgétaires. Or, convient-il de le rappeler, dans la lettre d’intention envoyée à la directrice du Fonds Monétaire International, Christine Lagarde, le 16 juin 2017, l’Etat, avait clairement pris l’engagement de « réduire considérablement ses dépenses publiques ». Mais, dans les faits, estiment certains experts, « les résultats bien qu’encourageant des efforts jusqu’ici consentis, ne reflètent pas la détermination affichée par le gouvernement ». Et ce, malgré les nombreux rappels à l’ordre du ministre des Finances, du FMI, etc.

Qu’a-t-on fait de la circulaire du 11 mars 2019 ?

Dans la circulaire signée par le ministre des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze le 11 mars dernier, adressée aux ordonnateurs du budget, maîtres d’ouvrages et autres contrôleurs, il conviait ses collaborateurs, et par ricochet l’ensemble des administrations à : « éviter le gaspillage des ressources publiques, et ne dépenser qu’à concurrence de ce dont le Cameroun peut effectivement disposer comme ressources financières ». Le Minfi rappelait d’ailleurs que « le Cameroun est frappé de plein fouet par la crise économique préoccupante liée à la baisse des prix des matières premières, ce qui induit une baisse des recettes de l’Etat, tandis qu’au plan interne les défis à relever sont nombreux et exigent d’importantes ressources financières ». Bien plus, au moment de l’élaboration de la loi de finances 2019, les prévisions de recettes avaient été faites sur l’hypothèse d’un baril de pétrole à 65 dollars, explique un autre cadre du Minfi. Or, compte tenu de la fluctuation des prix sur le marché, les spécialistes de la prévision suggèrent d’anticiper sur une éventuelle baisse des recettes attendues. « Une consigne qui semble être mise aux oubliettes, au vu de la cadence avec laquelle certaines dépenses s’effectuent », regrettent un haut cadre d’une entreprise publique basée à Yaoundé. En outre, dans une note récente publiée par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, celui-ci prescrivait à l’ensemble des membres du gouvernement de « réduire les missions à l’étranger », et ne s’en tenir qu’au plus essentielles, martelait-il. Pour certains experts des questions de finances publiques, cet ultime interpellation devrait sonner la fin des missions « improductives » et constituait dans le même temps, un signal fort envoyé en direction des bailleurs de fonds du Cameroun, en l’occurrence le FMI.

Les alertes du FMI

De l’avis de certains experts, les dernières missions effectuées par les équipes du FMI au Cameroun, au titre du Programme Economique et Financier, ont révélé que le Cameroun a moins bien performé sur le critère réduction des dépenses publiques que sur d’autres. Le chef de mission Corinne Delechat interpellait d’ailleurs les pouvoirs publics à faire plus dans ce sens. Pour enfoncer le clou, la Banque Mondiale, à travers l’une de ses publications intitulées « revues des dépenses publiques », martelait la nécessité d’avoir des dépenses vertueuses, non sans conseiller à l’Etat de procéder à la « la réallocation des dépenses et les réformes structurelles », parce que, estime l’institution de Bretton Woods, cela « pourraient accroître l’efficience des dépenses publiques sans nuire à la stabilité budgétaire ». Pourquoi cela est-il nécessaire ? La Banque Mondiale notait en effet que : « l’analyse des dépenses courantes par catégorie fonctionnelle et économique montre clairement que la réduction de la part des dépenses de l’administration générale et financière dans les dépenses totales (en particulier les frais de représentation, de missions, de cérémonies, de carburant, de voyages et de services externes) pourrait générer des économies budgétaires substantielles ».

Les crises sécuritaires

A l’observation, sur les dix régions que comptent le Cameroun, quatre vivent des crises sécuritaires. C’est le cas des régions du Nord-Ouest, du Sud-ouest, de l’Extrême-Nord et de l’Est. Ces différents foyers de tensions, selon certains experts, « accentuent les pressions sur les ressources de l’Etat et obèrent ainsi sa capacité à se concentrer sur des projets d’investissement générateurs de croissance et donc de développement ». Mais, regrettent ces mêmes spécialistes, ces différents « fronts de guerre » semblent ne pas préoccuper l’administration camerounaise qui peine à réduire son train de vie, afin de permettre à l’Etat de disposer de plus de ressources.

Gabon, Tchad : ces cas qui devraient interpeller

D’après certains analystes, la situation dans laquelle le Gabon et le Tchad se trouvent, caractérisée par les coupes de certains avantages des fonctionnaires et la menace de la réduction des effectifs, devraient une fois de plus rappeler aux uns et aux autres, l’urgence d’observer et d’implémenter les mesures édictées par les autorités publiques au Cameroun en matière de dépenses publiques. Faute de quoi, estiment certains experts, le risque d’une crise économique sans précédent planerait sur le ciel camerounais. Pour les tenants de ce courant de pensée, « l’Etat et tous ses démembrements devraient plus que jamais prendre la peine mesure de la nécessité de veiller à une meilleure qualité des dépenses publiques, afin de permettre au pays, non seulement de sortir honorablement du programme signé avec le FMI, et dont la fin est prévue pour décembre 2019 ».

Par Junior Matock (Défis Actuels)

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