Cemac : les préalables à la réforme du franc CFA

Tel un effet domino, le vent de la réforme du franc CFA qui souffle au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine (Uemoa) s’étend à la zone de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). Des rumeurs persistantes font état de ce que les négociations auraient eu lieu entre les dirigeants français et les responsables des Etats des six pays de l’Afrique centrale. Lesquelles auraient abouties à la conclusion d’un accord pour passer du franc CFA à l’« Eco ».

Si cette nouvelle a suscité un regain d’optimisme au sein de l’opinion, il n’en demeure pas moins vrai, de l’avis de certains experts, que des préalables devraient être remplis. Et c’est la conférence virtuelle organisée par l’Association des journalistes économiques, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung qui a servi de cadre à la proposition de ces conditions. En effet, d’après certains experts, le préalable majeur consiste à l’appropriation, par les dirigeants de la sous-région, de la réforme de cette monnaie. « L’appropriation de la réforme du franc CFA, par les dirigeants de la zone Cemac va donner à ces pays plus de contrôle sur leurs monnaies et leurs économies » explique Bertrand B, expert du franc CFA. Pour lui, « il n’est pas question que cette réforme soit abandonnée aux responsables français, car ceux-ci peuvent privilégier leurs intérêts au détriment de ceux des pays de la Cemac ». Ainsi, ajoute-t-il, « si cette réforme est pilotée de l’extérieur, il est évident qu’on n’aura pas beaucoup avancé dans le combat de la réforme de cette monnaie. Les dirigeants de la Cemac sont censés maîtrisés, mieux que quiconque, les intérêts de leurs peuples, ils se doivent donc de prendre ce sujet à bras le corps et faire preuve de plus d’audace dans les négociations », martèle Martial B, autre expert du franc CFA. Pour le Dr Dieudonné Mignamissi, enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé II, la question de l’appropriation est nécessaire parce que « si la réforme est menée en comptant intégrer les pays de la Ceeac, on n’est pas sûr que les autres Etats membres hors Cemac accepteraient la dénomination CFA ».

Par ailleurs, pour le Dr Dieudonné Mignamissi, bien d’autres préalables semblent indiqués pour encadrer la réforme. Tout d’abord, a-t-il souligné, « il faudrait définir un cadre disciplinant en adoptant un ensemble de critères de convergence, c’est-à-dire un ensemble d’indicateurs favorisant le rapprochement des pays dans l’optique d’éviter des dérapages monétaires et budgétaires, sources d’instabilité et de désordres monétaires. Les critères de convergence servent à se lier les mains, en s’engageant à respecter de manière coercitive un minimum de déontologie dans la gestion macroéconomique des États ». Ensuite, a ajouté l’expert, « il faudra finaliser, dans le cadre de l’Afrique centrale notamment, le chantier de la rationalisation ». Pour ce spécialiste, « c’est une question importante au regard de la balkanisation observée dans la sous-région, qui compte pas mal de communautés économiques régionales (Cemac, Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, Communauté économique des pays des Grands Lacs), les pays membres appartenant parallèlement aux communautés des autres sous-régions voisines telles que la Censad, le Comesa, la Cae et la Sadc ». Car argue Dr Mignamissi, « la rationalisation contraint les pays à n’appartenir qu’à une seule sous-région à la fois, gage de stabilité et d’économie des ressources ». Pour d’autres experts, « il faudrait penser à la mise en place d’un programme économique dans la sous-région, définissant les objectifs de développement à long terme en adéquation avec la réforme monétaire, pour permettre à la monnaie et à l’économie réelle de se soutenir mutuellement ».

Il convient de souligner que de plus en plus, des voix se lèvent à la fois au sein du continent que dans les zones qui ont en commun le franc CFA, exigeant la suppression de cette « monnaie coloniale », qui, de l’avis de nombreux spécialistes, demeure la preuve de la dépendance des pays qui ont cette monnaie en partage à la République française. Martial Ze Belinga, économiste-sociologue, affirme mordicus que « la fin du CFA est un passage obligé vers une émancipation plus générale ».

Par Junior Matock

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