Dans le cadre des grandes réalisations impulsées par le président de la République au lendemain de l’atteinte de l’initiative Ppte (Pays pauvres très endetté), la région du Sud aura été une des grandes bénéficiaires. A ce jour, la région natale de Paul Biya compte l’hôpital de Référence de Sangmélima, l’usine de manioc de la même ville, la route Sangmélima-Djoum-frontière du Congo, le Port autonome de Kribi, l’usine des tracteurs d’Ebolowa, le barrage de Mekin, le barrage de Memve’ele, le projet d’exploitation du fer de Mbalam, répertorie Achille Oyié Mvondo, fils du Dja et Lobo. « Qu’ont en commun ces projets pourvoyeurs de milliers d’emplois ? Réponse : ils ont été implémentés dans la région du Sud par le ministre Louis Paul Motaze », souligne-t-il.
Au-delà du fait que nombre de ces projets n’ont pas véritablement abouti, ou abouti dans les délais initialement impartis, il reste que Paul Biya n’a pas oublié la région du Sud dans les grands projets infrastructurels devant moderniser la vie de ses citoyens et accompagner le pas vers l’atteinte de l’émergence qu’il entrevoit à l’horizon 2035. De quoi faire dire à un activiste au plus fort de la crise post-électorale de 2018, que « Paul Biya a fait la part belle à sa région d’origine».
Mathurin Bindoua
Et pourtant, des voix continuent de s’élever pour réclamer mieux pur cette région. Ce qui se dit souvent sous cape ou à travers des attaques contre des allogènes, est désormais porté par le député Mathurin Bindoua, de la région du Sud. Au cours de la messe œcuménique organisée la semaine dernière pour les victimes de l’accident mortel de la route Yaoundé-Ebolowa, l’élu de la nation s’en est pris vertement aux élites ministres du Sud, et particulièrement à Louis Paul Motaze, actuel ministre des Finances (Minfi), et ancien ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat) : «Le président de la République a entrepris de placer des fils de ce département à la tête des ministères de souveraineté, qui sont le ministère des Finances, et le ministère de l’Economie. Nous avons tenu ces ministères pendant des décennies ; où es le bilan ? », s’est-il interrogé. Et de revenir à la charge, en affinant sa stigmatisation : « Ecoutez-moi bien : je ne fais pas de procès à qui que ce soit », mais les seuls précisions sont celles qui orientent vers Louis Paul Motaze. « Ceux qui ont vécu chez les Britanniques savent ce qu’on appelle ‘’joint venture. Cela veut dire en langage facile, ‘’tu me donnes, je te donne ; je suis, tu es’’. Qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis ministre des Travaux, tu es ministre des Finances, fils de ce pays. Quand il y a un acte à poser à l’Ouest, il faut en poser un dans le Sud, pour que moi le financier, je paie les deux actes, mais ce n’est pas tout à fait ce qu’on voit », s’explique-t-il. Prônant une république des clans. Avant d’enfoncer : « Nous ne voyons que de l’agitation politique, quand il faut qu’on alimente des jeunes pour combattre d’autres jeunes », a-t-il tancé ses frères devant une foule qui l’accompagne par des youyous. Et qui se satisfaisait de se faire servir un bouc-émissaire, pour ses multiples problèmes de subsistance.
Rassembleur
Achille Oyie Mvondo qui a vite vu en le déballage du député, Louis Paul Motaze, prend la défense de la victime : « Il faut être …particulièrement haineux comme certain député en perte de notoriété, pour tenter de minimiser l’apport immense du ministre Motaze au développement de la région du Sud », réagit-il. « Ne soyons pas ingrats à ce point», poursuit-il.
Louis Paul Motaze a été deux fois Minepat, avant d’hériter du département des finances aujourd’hui. Mais l’homme qui a piloté la plupart des grands projets structurants des vingt dernières années, ne semble pas toujours voir la fonction ministérielle comme le souhaite son contradicteur. Ponte du régime, militant du Rdpc, parti au pouvoir, le natif du Sud et proche familier du président de la République, sait plus être pompier face aux crises de sa région d’origine. On se souvient qu’à l’occasion des révoltes et autres manifestations des jeunes de cette région contre des allogènes, le Minfi s’est éloigné de la ligne frondeuse de ses « frères » dont certains, hauts commis de l’Etat, font la promotion d’une république des clans. Pour se montrer davantage équilibriste. « Ce sont quelques éléments égarés qui ont commis ces actes…Notre rôle a été d’appeler les chefs de toutes les communautés à contrôler davantage tous leurs membres », a souligné Louis Paul Motaze, au sortir d’une réunion de crise convoquée par le gouverneur du Sud à l’occasion des violences intercommunautaires de mai 2023. « Si des fois ils sentent qu’il y a quelques éléments incontrôlés ou incontrôlables, qu’ils donnent cette information aux autorités administratives qui vont agir de manière préventive parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir», a-t-il sensibilisé les uns et les autres.
Les deux hommes ne sont pas réputés être des amis. Lors de la célébration de l’an 38 de l’accession à la tête du pays par leur champion commun, Mathurin Bindoua avait fait fermer l’accès de la Maison du parti à l’aide de gros cadenas, alors que Louis Paul Motaze, chef de la délégation départementale du Rdpc pour le Déjà et Lobo, devait y tenir un meeting.