Depuis plus de quatre ans, la capitale camerounaise est engluée dans une crise d’insalubrité qui enlaidit ses rues et exaspère ses habitants. À la suite de nombreux appels à l’action, notamment celui du président Paul Biya en décembre 2023, la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) a lancé un appel d’offres international en juin 2024, avec un budget prévisionnel de 61,8 milliards de FCFA. Objectif : trouver des solutions pérennes à l’accumulation des déchets dans la capitale.
Après plusieurs mois de procédures, le verdict est tombé : Hysacam, acteur historique de la gestion des déchets au Cameroun, a remporté les quatre lots mis en compétition. Ces lots couvrent une grande partie des missions de collecte et de traitement des ordures dans la capitale.
UN RETOUR EN FORCE
Les contrats attribués à Hysacam s’étendent sur cinq ans, avec une première tranche ferme d’un an et quatre tranches conditionnelles d’un an chacune. Concrètement, cela signifie qu’au moins pendant un an, les travaux à réaliser vont faire l’objet d’un accord définitif entre Hysacam et la CUY. Pour les quatre autres années restantes, les travaux peuvent être réalisés ou pas. En outre, leur volume et leur rythme peuvent tout aussi bien être modulés en fonction des demandes de la Communauté urbaine de Yaoundé.
C’est certainement pour s’assurer de la justesse de son choix, notamment en ce qui concerne les tranches conditionnelles, que la CUY a engagé les cabinets d’étude Crea Consult, Integ-Sitram et Era Cameroun-Cerid. Ces derniers seront chargés «de la maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire qu’ils vont s’assurer que le cahier de charges prévu par le contrat du nouvel opérateur chargé de la collecte, de transport des ordures ménagères, de balayage, de nettoyage des rues, places publiques et marchés de la ville de Yaoundé est respecté», souligne une source à la CUY.
Le contrat peut donc subir des modifications ou même être annulé en raison de la défaillance constatée des futurs prestataires. Par ailleurs, Il couvre des zones stratégiques de la ville : les communes de Yaoundé 1er et Yaoundé 5 pour le lot 1 (17,3 milliards de FCFA), celles de Yaoundé 2 et Yaoundé 7 pour le lot 2 (16,7 milliards de FCFA), et Yaoundé 4 pour le lot 4 (11,7 milliards de FCFA).
Ces missions incluent la collecte des ordures ménagères, le balayage des rues et le nettoyage des marchés publics, des tâches cruciales pour restaurer la propreté urbaine et désengorger les espaces publics. En remportant ces quatre lots, Hysacam reprend de facto le monopole de la gestion des déchets dans la capitale.
Pourtant, la communauté urbaine avait cherché à briser cette exclusivité en ouvrant le marché à de nouveaux opérateurs, comme la société Thychlof Sarl, recrutée en 2023. Toutefois, l’ajout d’acteurs n’a pas suffi à résoudre les problèmes d’insalubrité, souvent liés à l’insuffisance des financements. «Le problème n’est pas lié au nombre d’opérateurs qui interviennent. Si les questions de fonds ne sont pas adressées, qu’on ait Hysacam aujourd’hui et que demain on ait 3, 4,5 ou 6 entreprises, toutes ces entreprises feront face aux mêmes difficultés.», soulignait Jean Pierre Ymele, directeur général de Hysacam en mars 2024.
UNE BATAILLE FINANCIÈRE NON RÉSOLUE
Ce haut responsable a souvent dénoncé le manque de moyens financiers mis à disposition par l’État et les collectivités locales pour assurer les missions dévolues à l’entreprise qu’il dirige. Selon, «le coût annuel minimum pour garantir une gestion efficace des déchets à Yaoundé s’élève à 15 milliards de FCFA». Pourtant, «le gouvernement n’en débourse que 4 milliards», avait-il révélé.
Il existe pourtant une solution pour pallier ces lacunes. Il s’agit du droit d’accises spécial sur les importations, destiné à financer le traitement des déchets. Ce prélèvement, restructuré par le Premier ministre en 2023, est centralisé par le Feicom, qui redistribue les fonds aux collectivités territoriales. Cependant, les montants collectés restent insuffisants pour garantir la pérennité des services.