Sous la chaleur de midi, à l’esplanade du Musée national de Yaoundé, le secteur agro-pastoral et halieutique du Salon du Génie et Talent de l’Étudiant Camerounais (Getec) attire l’attention des visiteurs. Ce 17 juin 2025, assise à l’ombre d’un stand, derrière sa table aux côtés de ses camarades, Ngo Libong Sipora Glwadys, étudiante à l’université de Yaoundé I, parle avec passion du dispositif de fabrication de biofertilisant à base de larves de mouche soldat noir. C’est le deuxième jour de la 7ème édition du Getec, sur le thème : « l’université entrepreneuriale, levier de la stratégie d’émergence du Cameroun à travers la politique d’import-substitution ». Avec un calme assuré, Sipora Glwadys déroule devant les visiteurs les secrets de l’entomoculture, cette méthode qui consiste à élever des insectes pour transformer les déchets organiques.
« Le projet que nous présentons aujourd’hui repose sur une approche écologique. Il permet à la fois de traiter les déchets et de produire un biofertilisant ainsi qu’un aliment riche en protéines pour la volaille et les poissons, à partir des mouches », explique-t-elle. Devant elle, une volière pédagogique capte l’attention : des mouches adultes vrombissent, des œufs fraîchement pondus s’accrochent aux parois, et des larves grouillantes s’activent dans un bac. Le cycle de vie complet de la mouche soldat noire y est reconstitué, à la fois fascinant et instructif. Ces larves, surnommées les « forasses de la matière organique », sont de véritables dévoreuses de déchets. En quelques heures, elles réduisent des kilos de matières en compost fertile, dans un ballet biologique aussi spectaculaire qu’efficace.
Pour Sipora, cette démonstration va bien au-delà de la science : elle incarne une réponse concrète aux défis de la gestion urbaine. Une ambition partagée par les États généraux sur la gestion des déchets, tenus les 6 et 7 mai 2025 à Yaoundé, et organisés par le gouvernement autour de la vision de faire des déchets une ressource et un levier de développement économique. « Cette perspective nouvelle permettra à notre pays, et à nos villes en particulier, de tirer parti des opportunités offertes par l’économie circulaire en matière de création d’emplois et de croissance », déclarait à l’ouverture des travaux Célestine Ketcha Courtès, ministre de l’Habitat et du Développement urbain.
UN CORDON OMBILICAL NUMÉRIQUE
A quelques mètres de Glawdys, Tabe Stéphane Boris, jeune bio-ingénieur camerounais en mécatronique et spécialiste de mécanique quantique quaternionique, attire l’attention avec un projet aussi ambitieux que vital, le « Mouboua Quantum », une couveuse interactive, pontique et hybride. Destinée aux nouveau-nés prématurés ou à faible poids, cette machine, apprend-on, assure la régulation thermique lorsque le cerveau du nourrisson n’est pas encore capable de produire ou d’évacuer la chaleur. Plus qu’un simple appareil, la couveuse « Made In Cameroon » se présente comme un cordon ombilical numérique entre l’enfant et sa mère.
Sa particularité ? Une intelligence artificielle intégrée qui détecte automatiquement les reflux ou vomissements pouvant obstruer les voies respiratoires, l’une des causes fréquentes de mort subite du nourrisson. « Nous évitons ainsi les morts subites du nourrisson, encore trop fréquentes dans nos hôpitaux », explique Stéphane Boris étudiant à l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé. En cas de danger, une alerte est instantanément envoyée aux médecins et aux parents. Connectée à une application mobile, la couveuse permet de surveiller en temps réel les paramètres vitaux tels que la température, l’humidité, la masse, et la fréquence cardiaque… Elle autorise aussi les parents à interagir avec leur bébé à distance : écoute, berceuse, visuel. A l’esplanade du Musée national, plusieurs étudiants, entrepreneurs en herbe, enseignants, bailleurs de fonds, ONG, collectivités locales et entreprises, publiques comme privées sont tous là pour valoriser l’innovation étudiante et promouvoir le « Made in Cameroon ».
Ce, jusqu’au 21 juin à Yaoundé. À chaque stand, des visages jeunes, des projets concrets et un discours confiant. Car pour ces jeunes, il ne s’agit pas seulement d’exposer. Il s’agit de convaincre, démontrer que l’université camerounaise peut être un moteur économique, un vivier d’entreprises innovantes et créatrices d’emplois. Les jeunes exposants ont présenté des projets concrets et diversifiés dans des secteurs tels que l’agroalimentaire, l’élevage, la communication, le BTP ou encore l’agriculture, certains étant opérationnels depuis plus de deux ans et employant déjà entre 5 et 10 personnes. C’est en effet, vingt-six PME, issues de l’incubateur d’entreprises qui ont été sélectionnées pour représenter l’innovation étudiante lors du Getec 2025 dans la capitale politique du Cameroun.

300 MILLIONS DE FCFA POUR LES JEUNES CRÉATEURS D’ENTREPRISES
A l’ouverture du Getec, le ministre d’État, ministre de l’Enseignement supérieur, le Pr Jacques Fame Ndongo qui présidait l’événement affirme que « l’université se positionne comme un des acteurs de premier plan en matière de création, croissance et développement des entreprises innovantes créatrices d’emplois décents dans le secteur formel. » Et d’ajouter, dans un appel à la transformation du modèle éducatif : « Les étudiants doivent être formés non seulement à chercher un emploi, mais à en créer. À devenir des catalyseurs d’innovation, des bâtisseurs d’entreprises, des porteurs de solutions. » Mais l’enthousiasme ne suffit pas.
Dans la foulée de la cérémonie, le Pr. Marcel Fouda Ndjolo, inspecteur général au ministère de l’Enseignement supérieur, n’a pas mâché ses mots : « L’engouement entrepreneurial des étudiants risque de s’essouffler si rien n’est fait pour lever les barrières financières. » Un message que le gouvernement a visiblement entendu. Le ministre des PME, de l’Économie sociale et de l’Artisanat, Achille Bassilekin III, a annoncé une enveloppe de 300 millions de FCFA pour soutenir ces jeunes créateurs d’entreprises. Un fonds initialement destiné au Programme d’innovation et de soutien à l’artisanat (PISA), mais désormais réorienté vers les projets étudiants. « Il s’agit de créer un dispositif concret d’accompagnement, capable de transformer l’idée en produit, le rêve en emploi », a conclu Achille Bassilekin III.