Les lendemains de la présidentielle du 12 octobre 2025 sont agités dans les états-majors du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Donné largement favori avant le scrutin, le parti affichait même une certaine arrogance, une suffisance qui l’a conduit à mener une campagne électorale minimaliste, sans directeur de campagne, et avec une seule sortie publique du Candidat Paul Biya. Pourtant, à l’issue du scrutin, le parti au pouvoir a vu ses bastions historiques notamment du grand nord et de l’ouest et même du centre vaciller, et pour certains tomber dans l’escarcelle d’une opposition largement portée par une dynamique de rupture au sein de la population qui n’en peut plus des mille frustrations quotidiennes dans tous les domaines. Des figures locales du RDPC, des maires sortants et même certains parlementaires qui ont battu campagne pour le candidat Biya et qui ont perdu par des scores parfois humiliants, admettent en privé un “revers inattendu” qui rebat les cartes politiques à l’échelle nationale. Car les législatives et municipales prévues en février mars 2025 pourraient être fatales au parti présidentiel qui s’enorgueillit de sa majorité obèse au parlement et d’un contrôle d’une grande majorité de communes.
Dans ce contexte, la perspective des élections législatives et municipales prévues pour début 2026 suscite des remous internes. Selon plusieurs sources concordantes, des voix s’élèvent parmi les militants et cadres du parti pour plaider un report technique et politique du double scrutin. Ils arguent que ce report permettrait de “garantir une meilleure organisation” du parti, considérablement affaibli dans certaines circonscriptions à l’issue de cette présidentielle. À l’Ouest du pays, dans les régions septentrionales et dans le littoral, trois zones où l’opposition réalise ses meilleurs scores, des élections locales aujourd’hui seraient perdues par le parti au pouvoir, affirme un analyste.
Reconquérir une base électorale démobilisée
En réalité, en reportant les élections, confient certains cadres, il s’agirait surtout de gagner du temps : le parti doit analyser les causes de la défaite présidentielle, reconstituer ses équipes locales et reconquérir une base électorale démobilisée.
Le scénario d’un report n’est pas inédit. Le Cameroun y a déjà eu recours à plusieurs reprises, sous couvert de « calendrier institutionnel ». D’ailleurs le mandat encours des députés et conseillers municipaux devrait être achevé depuis février 2025, mais ils ont bénéficié d’une rallonge d’un an, un report qui selon le gouvernement visant à alléger le calendrier électoral 2025 déjà engorgé avec une présidentielle et les régionales prévues en décembre 2025.
Mais cette fois, les motivations du report souhaité par les cadres au RDPC paraissent plus tactiques au bénéfice du parti au pouvoir. Des responsables régionaux redoutent une nouvelle débâcle lors des scrutins locaux si le RDPC s’y engage sans introspection préalable. Dans certaines circonscriptions du Centre, du Littoral ou de l’Ouest, les instances et dignitaires du parti sont divisées et se rejettent la responsabilité de l’échec, et plusieurs élus en poste pourraient même jeter l’éponge pour éviter une nouvelle humiliation. D’autres responsables du pays, plus opportunistes, pourraient rejoindre les partis d’opposition les plus en vue pour tenter de garder leurs mandats. Des tendances qui menacent de fissurer davantage l’édifice RDPC.
RDPC : vers le rajeunisse ment de ses candidats
Par ailleurs, les résultats de la présidentielle ont mis en lumière une fatigue du corps électoral vis-à-vis du parti au pouvoir, accentuée par la crise économique et la défiance envers les institutions. Reporter les élections pourrait permettre au RDPC d’orchestrer une restructuration en profondeur, voire de procéder à un rajeunissement de ses candidats pour tenter de reconquérir la jeunesse urbaine et rurale.
Cependant, une telle option n’est pas sans risques. Elle sera sans conteste perçue comme une manœuvre dilatoire, destinée à préserver l’emprise du pouvoir plutôt qu’à renforcer la démocratie. L’opposition, déjà vent debout, y verrait une atteinte au calendrier républicain. Toutes choses qui pourraient irriter davantage une population déjà suffisamment en rupture avec le RDPC. Des observateurs redoutent que ce glissement électoral – s’il venait à se concrétiser – accentue la défiance politique et nourris davantage les tensions dans un contexte post-électoral déjà fragile.