Le Port de Douala-Bonabéri, qui célèbre en 2025 son cent cinquantenaire, est une infrastructure dont l’histoire se confond avec celle de l’économie camerounaise. Selon le discours prononcé le 26 septembre 2025 par le directeur général du Port autonome de Douala (PAD), les « premiers jalons » de cette plateforme furent posés en 1868 par les Allemands, présents sur le fleuve Wouri depuis 1851.
Leur objectif était de créer un débouché stratégique pour l’exportation du cacao, du café, du bois et de l’huile de palme, tout en important les équipements nécessaires à la colonie. Durant 45 années d’occupation allemande, Douala devint un centre névralgique du commerce colonial. Dès 1904, l’infrastructure est administrée par le Service officiel de navigation fluviale et de cabotage et dispose déjà de quais, de jetées et d’ateliers modernes.
La compagnie Woermann-Linie, fondée en 1885, relie Hambourg à Douala en seize jours. En 1911, la côte du Cameroun accueille 536 navires, dont 170 à Douala transportant près de 493 000 tonnes de marchandises. Après la Première Guerre mondiale, la France hérite du site. Dès 1922, un premier projet d’extension est lancé, estimé à trois millions de francs français, centré sur le dragage et l’amélioration des superstructures.
Une seconde phase suit au lendemain de la Seconde Guerre. En 1947, un avant-projet est adopté et confié à la Société des Grands Travaux de Marseille. Les chantiers menés entre 1948 et 1954 offrent au port 1 800 mètres de quais en eau profonde et 25 000 m² de magasins-cales, dimensionnés pour un trafic d’un million de tonnes. À l’indépendance, en 1960, le Cameroun hérite de six ports d’État et deux privés, mais Douala concentre entre 1966 et 1968 près de 87 % du trafic.
Les entreprises françaises conservent alors une position dominante, les syndicats d’acconiers et sociétés de transit continuant à opérer. Pour accroître les capacités, trois programmes d’investissement sont initiés. Le premier, lancé en 1969 avec l’appui de la Banque mondiale (778 millions FCFA), permet la construction d’un quai minéralier et l’aménagement d’un parc à bois. Le second, inscrit dans le quatrième plan quinquennal (1977-1981), est lancé en 1976 par Paul Biya, alors Premier ministre, et exécuté par Boskalis sous la direction de Simon Ngann Yonn.
Estimé à 120 millions de dollars, il confère au port sa configuration actuelle. Le troisième, financé en 1983 par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (22,5 millions de dollars), complète l’équipement avec de nouveaux quais, entrepôts et installations pour les conteneurs. La réforme de 1998, créant le Port autonome de Douala, visait à transformer le PAD en instrument de souveraineté économique. Mais les injonctions des institutions de Bretton Woods « en faveur du désengagement de l’État provoquent un délitement du patrimoine foncier et immobilier, et une chute de compétitivité ». Le port vit alors « au rythme des congestions », selon les mots du directeur général, jusqu’à la reprise en main décidée par l’État.
Depuis 2016, conformément aux instructions présidentielles énoncées en 2011, un programme de normalisation et de modernisation est engagé. Les activités renationalisées, les investissements récents et les nouvelles infrastructures replacent le PAD dans une dynamique de croissance. À l’occasion de son 150e anniversaire, l’institution rappelle que cette infrastructure n’est pas seulement une installation commerciale, mais un « patrimoine commun et une fierté nationale », au cœur du commerce extérieur du Cameroun et de l’intégration régionale.