Alors que la nouvelle campagne cotonnière vient de démarrer, quel bilan tirez-vous de la précédente et quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
La Campagne 2024-2025 au Cameroun a été une campagne impactée par les aléas climatiques. Pour une prévision attendue de 360 000 tonnes, la filière coton camerounaise n’a pu produire que 284 000 tonnes de coton graine. Les raisons sont notamment les inondations, les jassides (un insecte piqueur-suceur qui se nourrit de la sève des plantes, en particulier des cotonniers, provoquant des dégâts aux cultures, Ndlr), la sécheresse, la cherté des intrants, les mises en place tardives des intrants. Les Impayés considérables et les crédits obligeant les producteurs à vendre leurs animaux, leurs vivriers pour rembourser ces crédits contractés à la CNPC-C et à la Sodecoton. L’insécurité ambiante en milieu paysan avec les multiples prises d’otages avec paiement de rançon. Ce qui oblige les producteurs à fuir les villages pour des zones plus sécurisées, par exemple les villes. Cet exode imposé par les malfrats aux producteurs de coton est un facteur favorisant la pauvreté dans nos contrées.
Quels les objectifs atteints, et quelles sont vos ambitions en termes de tonnage pour cette nouvelle saison ?
Pour la nouvelle campagne, nous espérons qu’elle sera meilleure par rapport à celle écoulée. Globalement tout se passe bien malgré quelques poches d’inondation dans certains secteurs de la zone cotonnière. L’une des fonctions de la CNPC-Cameroun est une fonction économique, qui consiste à faciliter l’accès aux intrants agricoles et aux équipements essentiels pour les producteurs. Elle assure l’approvisionnement en produits tels que les herbicides, fongicides, engrais, urée, insecticides, piles électriques et produits vétérinaires, tout en proposant des crédits adaptés pour leur acquisition. La CNPC offre également des financements pour l’achat de matériels agricoles — tracteurs, charrettes, charrues, semoirs, pulvérisateurs — ainsi que pour le stockage des céréales, contribuant ainsi à renforcer la productivité et la sécurité alimentaire.
Comment la CNPC-Cameroun organise-t-elle le crédit des intrants agricoles et quelles solutions propose-t-elle aux producteurs en difficulté de remboursement après récolte ?
Pour le fonctionnement du système de crédits intrants et la garantie de remboursement, la CNPC-Cameroun lance l’Appel d’offre pour la commande des produits destinés à la campagne agricole quelle met à la disposition des producteurs à crédit, par l’entremise de la Sodecoton chargée de la gestion de ces produits. Les produits sont conduits auprès des producteurs par les camions Sodecoton, déposés dans les magasins Sodecoton et sont distribués dans les différentes coopératives par la Sodecoton.
Quelles mesures la CNPC-Cameroun a-t-elle mises en place pour que les petits producteurs aient un accès équitable au Fonds de roulement engrais ?
C’est à la récolte et pendant la commercialisation que le producteur après tous les calculs faits, rentre en possession de son revenu net après la défalcation des montants relatifs à ses engagements vers la CNPC-Cameroun et la Sodecoton. Solutions proposées pour alléger la dette, je voudrais vous dire que ces mesures dont je viens de parler s’appliquent à tous les producteurs. Seulement, la faitière qui est la CNPC-Cameroun, chaque année, fait des mains et des pieds pour commander les intrants et les mettre à la disposition de ses membres producteurs à crédit. Les impayés à ce niveau imposent aux producteurs de faire des efforts supplémentaires pour rembourser, afin de continuer à pratiquer la culture de coton et à bénéficier d’autres crédits pour la campagne suivante. La prochaine campagne, un nettoyage, dit assainissement est fait au sein des coopératives et seuls les producteurs éligibles au crédit sont acceptés. Ce que nous appelons la liste bleue. Le fonds de roulement intervient lorsque le prix des engrais et du coton sont très mauvais. Baisse de prix du kilogramme de coton et augmentation du prix des engrais. Le gouvernement vise 50 % de transformation locale d’ici 2030.
Quelle sera votre contribution pour atteindre cet objectif, et comment envisagez-vous d’y participer concrètement ?
En ce qui concerne la transformation, elle revient à la Sodecoton. Mais la contribution de la CNPC-Cameroun se limite à une production de coton graine en quantité et en qualité. Et cela est possible lorsque les itinéraires techniques sont respectés par les producteurs de coton. Lorsque les accès aux produits sont facilités et lorsque toutes les conditions climatiques sont favorables à la culture du coton.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans la gestion du fonds de roulement destiné à l’achat d’intrants pour chaque campagne cotonnière ?
Les difficultés dans la gestion du fonds de gestion sont justement liées aux conditions de travail : prix régulièrement cher pour les engrais et lorsque le prix du kilogramme de coton baisse. Le fonds s’épuise et les difficultés se commencent. Quel a été le chiffre d’affaires ou la contribution économique de la CNPC-Cameroun sur les deux dernières campagnes, et quel pourcentage de ce chiffre est réinvesti dans les intrants ou les projets collectifs ? Nous investissons beaucoup d’argent dans la culture du coton. Ces investissements se chiffrent à des milliards de nos francs. Nous avons les intrants agricoles, le fonctionnement de la représentation, la prise en charge de nos personnels techniques sur le terrain pour accompagner les producteurs dans leurs activités. Nous avons également le matériel roulant pour les déplacements, la sécurisation alimentaire pour nos producteurs.
Quelles sont aujourd’hui vos principales sources de financement en dehors des revenus des producteurs et avez-vous entrepris des démarches pour obtenir un soutien structurel ou un allègement fiscal en l’absence de subventions étatiques sur les engrais ?
Comme vous le savez, nous sommes une organisation à but non lucratif. Nous ne faisons pas le commerce. Nos sources de financement proviennent de la marge sur les herbicides, les pesticides, les fongicides, les insecticides, conditionnés dans de petits sachets que nous mettons à la disposition des producteurs. Cette marge est insignifiante sur le prix d’un sachet de produit vendu aux producteurs. Je voudrais être clair, dans les années assez lointaines, notre Etat nous venait en aide pour soutenir le prix des intrants. Nous avions en ce temps-là, bénéficié de quelques subventions. La campagne passée par exemple, c’est l’une des rares catastrophes que les producteurs de coton ont connues. Nous avons perdu des hectares de coton, ravagés par les insectes appelés jassides qui sont sans pitié pour nos plantes. Les inondations ont secoué les producteurs de l’Extrême-nord en détruisant le coton et les vivriers des populations. Personne ne nous a tendu la main. C’est pourquoi la production a chuté drastiquement. Nous n’avons pas pu atteindre les prévisions. Nous avons écrit à notre gouvernement, nous n’avons pas eu de retour. Des plaidoyers ont été faits, c’est resté sans suite. Nous croyons que dans l’avenir l’Etat pensera à nous. Nous gardons espoir. Les producteurs ne se découragent pas.