vendredi, septembre 12, 2025
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Vers une nouvelle approche de la lutte antitabac au Cameroun

Alors que la lutte mondiale contre le tabagisme reste centrée sur la prévention et le sevrage, une stratégie complémentaire s’impose : la réduction des risques liés au tabac. Inspiré de l’exemple suédois, ce modèle propose d’encadrer et de différencier les alternatives comme le tabac chauffé ou la cigarette électronique, afin d’offrir aux fumeurs adultes des solutions moins nocives et de réduire les charges sanitaires.

Des alternatives plus sûres, des politiques plus intelligentes : l’avenir de la lutte antitabac au Cameroun

Depuis des années, la conversation mondiale autour de la lutte antitabac s’est concentrée sur la prévention et le sevrage. Ces dimensions demeurent essentielles. Cependant, une autre approche émerge pour compléter les stratégies existantes : la réduction des risques liés au tabac (Tobacco Harm Reduction, THR). Plutôt que la condamnation pure et simple, la THR plaide pour une voie pragmatique et fondée sur des données scientifiques, en offrant aux fumeurs adultes des alternatives plus sûres qui délivrent de la nicotine sans les sous-produits nocifs de la combustion du tabac.
Des organismes scientifiques et des revues indépendantes, notamment les recherches compilées par le Royal College of Physicians du Royaume-Uni et les données des autorités de santé publique suédoises, ont démontré que des produits tels que le tabac chauffé, le snus ou les cigarettes électroniques exposent les utilisateurs à beaucoup moins de substances toxiques que les cigarettes classiques. Bien qu’ils ne soient pas sans risques, leur profil toxicologique est nettement inférieur, ce qui constitue une avancée significative pour la santé publique.
Au Cameroun, les cadres réglementaires actuels ne différencient pas toujours les produits nicotiniques. Cigarettes, tabac chauffé et e-cigarettes sont souvent traités sous un même régime fiscal et réglementaire. Une telle approche prive le pays de la possibilité d’exploiter le potentiel des produits à risque réduit au profit de la santé publique. Elle comporte aussi le risque de pousser les fumeurs en quête d’alternatives vers des marchés parallèles ou des produits de substitution si les options plus sûres sont indisponibles ou inaccessibles.
L’exemple de la Suède fournit une preuve convaincante de ce qu’un cadre pragmatique et proportionné aux risques peut accomplir. Entre 2008 et 2022, le pays a réduit son taux de tabagisme de 15 % à seulement 5,6 %, frôlant le statut de pays « sans fumée » selon les critères de l’OMS, tout en maintenant une consommation globale de nicotine comparable à celle d’autres pays européens. Ce succès est largement attribué à la politique suédoise d’ouverture à la réduction des risques, qui a autorisé et encadré des alternatives comme le snus puis, plus récemment, les e-cigarettes et les sachets de nicotine. Résultat : une dissociation entre l’usage de la nicotine et les conséquences sanitaires graves liées à la combustion du tabac, avec à la clé une baisse de la charge sur le système de santé et une amélioration des indicateurs de santé publique.
Le Cameroun a l’opportunité d’explorer une voie similaire en intégrant la réduction des risques liés au tabac dans sa stratégie nationale. Cela implique de mettre en place des cadres réglementaires et fiscaux différenciés entre produits combustibles et non combustibles. Un tel dispositif garantirait que les produits à risque réduit respectent des normes strictes de sécurité et de qualité, soient commercialisés de manière responsable auprès des fumeurs adultes, et demeurent inaccessibles aux mineurs.
Des enseignements peuvent être tirés de la directive européenne sur les produits du tabac, qui encadre les e-cigarettes dans la catégorie des produits de consommation, et non exclusivement comme du tabac. Ce modèle favorise l’innovation et la disponibilité sur le marché, tout en assurant un contrôle rigoureux de la qualité et une protection des jeunes.
La politique fiscale doit également refléter la hiérarchie des risques. Des taxes uniformément élevées sur tous les produits nicotiniques pourraient, en pratique, saper les efforts de réduction des risques en rendant les alternatives plus sûres financièrement inaccessibles. Un système de taxation proportionné au risque, qui encourage le passage aux produits moins nocifs tout en garantissant des recettes fiscales, permettrait d’obtenir des gains de santé publique sans pertes budgétaires.
L’étape suivante consiste donc à élargir l’engagement de l’État en faveur de la réduction des risques liés au tabac. Il ne s’agit pas d’ignorer les dangers associés au tabac, mais de reconnaître que pour des millions de fumeurs adultes incapables d’arrêter, le passage à des alternatives scientifiquement validées et moins nocives peut réduire considérablement les risques sanitaires.
Si elle est mise en œuvre avec clairvoyance, l’approche camerounaise de la THR pourrait servir de modèle régional, démontrant qu’une régulation progressive et fondée sur la science peut ouvrir la voie vers un avenir plus sain pour tous.

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