mardi, novembre 12, 2024
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Emmanuel Gustave Samnick : « Aucun journaliste n’a le droit de diffamer »

Ancien journaliste au quotidien Mutations, il parle de l’état de la liberté de la presse au Cameroun.

Depuis le mois de décembre dernier, au moins trois journalistes ont été condamnés et au moins un jeté en prison sans jugement, qu’est-ce qui peut expliquer cette recrudescence de plaintes et de condamnations contre les journalistes ?

Vous parlez de « recrudescence » comme s’il s’agissait d’une maladie ou d’une épidémie… Pour moi, il s’agit d’une simple coïncidence et non d’un plan malicieux orchestré par les tenants du pouvoir pour museler la presse. Les journalistes étant des acteurs sociaux susceptibles d’engendrer des conflits par leur activité, ils sont d’office des justiciables de droit commun. En plus, tous les mis en cause dans les cas que vous évoquez ne sont pas des journalistes. Je fais le distinguo avec l’affaire « Kalara» où cette publication sérieuse semble effectivement victime d’un complot. Mais, d’une manière générale il ne suffit pas d’intervenir régulièrement dans les médias pour être journaliste !

Selon vous est-ce le pouvoir qui devient trop répressif ou ce sont les journalistes qui ne respectent plus la déontologie ?

Je préfère parler des médias plutôt que des journalistes. Certains mis en cause ces derniers temps ne connaissent même pas la différence entre un reportage et une chronique, mais vous les affublez facilement du titre ronflant de journaliste. A mon avis, ce sont les médias qui vont de plus en plus à la dérive au Cameroun, en partie à cause du laxisme et même de la complicité des pouvoirs publics. Vous et moi nous connaissons des pontes du régime qui entretiennent en kiosque des journaux à gage et qui sollicitent souvent ces « justiciers du micro » qui ont investi les radios urbaines et détruisent des vies à longueur de journée avec un cafouillis de médisances diffusées en direct sur les ondes, très souvent en toute impunité.

Certains estiment que ces journalistes ne sont pas poursuivis pour leurs opinions, mais plutôt pour diffamation. Est-ce que ce n’est pas une façon pour les gouvernants de camoufler les atteintes à la liberté de la presse ?

Aucun journaliste n’a le droit de diffamer, au nom de la liberté de la presse. Chacun doit faire son travail mais le métier de journaliste a aussi ses règles ; et ce n’est pas parce qu’on laisse toujours faire les francs-tireurs qu’ils doivent se dire qu’ils sont sur le droit chemin, qu’ils ont le droit de vie et de mort sur des citoyens qui, eux, n’ont pas l’arme de la plume ou du micro. Les pouvoirs publics, avec leur concept de « tolérance administrative », ont plutôt favorisé le libertinage de la presse en vantant plutôt la pluralité (plus de 600 journaux, plus de 70 radios, une trentaine de chaînes de TV) au lieu d’encourager la qualité. Ce libertinage organisé est un cancer qui est préjudiciable non seulement à l’équilibre social du pays mais aussi à la bonne santé de la presse elle-même.

N’avez-vous pas l’impression que la presse va à la dérive ? Comment peut-on corriger cela ?

C’est ce que je vous dis depuis le début de cette interview : la presse camerounaise est dans la rue, envahie par des braconniers de la plume et du micro. La solution, c’est que tout l’espace public se normalise au Cameroun. On n’aura pas une presse libre et professionnelle tant que les feux de circulation ne sont pas respectés, qu’aucun chantier n’est livré dans les délais sans surfacturation, que l’on urine allègrement contre les murs des édifices publics, que des ministres d’un même gouvernement et d’un même parti politique ne s’étripent pas par radios et journaux interposés à leur solde… Vous voulez quelle presse responsable, dans un pays où l’unité de détournement de deniers publics c’est le milliard de francs CFA ; où chaque chef d’une moindre structure est un roitelet qui ne rend compte à personne tant qu’il est en fonction ; où la Conac, le CNC, la CNDHL, le Conseil économique et social, etc, sont plus des gadgets de la République que des agences de régulation ou des organes de promotion ?

Propos recueillis par Joseph Essama

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