Yaoundé : la poste centrale, otage des vendeurs

Malgré l’interdiction de vente en plein cœur de la capitale politique, les commerçants de nuit continuent tout bonnement leurs activités en espérant une indulgence du gouvernement.

La nuit commence à tomber à la poste centrale, en plein cœur de la capitale Yaoundé, ce vendredi 5 avril 2019. Un jeune homme étale rapidement une étoffe devant la bâtisse de la poste. Il y installe des sous-vêtements, ceintures et chaussettes en fredonnant : « 500- 500 francs caleçons et 800 bermuda. Ne marchez plus sans caleçon. Voici l’authentique boutique au prix de rien. Venez prendre vos ceintures. Je suis papa cadeau… ». Et en quelques minutes, Gauthier est encerclé par de nombreuses femmes. Cette nuit semble prometteuse pour lui. D’un geste rapide, il tente de satisfaire tous ces clients. Non loin, de lui, un autre accroche minutieusement des chemises et T-shirt sur une corde qu’il a pris soins d’attacher à son arrivée. Il n’est pourtant pas le seul à avoir pris d’assaut la devanture de la Poste. Plusieurs autres petits commerçants y sont installés.

De l’immeuble de l’émergence, à l’entrée de la cathédrale en passant par la Camtel, le Trésor pour déboucher à la Sonel centrale, la chaussée est inondée d’étals de marchandise ou de comptoirs. Entre vendeurs ambulants, vendeurs à la crié et pick-pocket…Il est difficile de se frayer un chemin dans cette cohue. Il est pratiquement impossible marcher sans toutefois piétiner les marchandises anarchiquement installées. Dans ce qu’on pourrait qualifier de caverne d’Ali Baba, on y retrouve principalement, les callboxeurs, les vendeurs de chaussures, vêtements, sous-vêtements, fruits, vivres frais, accessoires de téléphone, montres, produits ménagers et la liste est loin d’être exhaustive.

Et pourtant, en début de semaine dernière, le ministre de l’Habitat et du Développement Urbain, Célestine Ketcha Courtes, dans le cadre de l’embellissement et l’assainissement de la ville de Yaoundé, a interdit à la vente à la sauvette en plein cœur de la capitale politique du Cameroun. Le ministre avait, à cet effet, demandé aux vendeurs de se déployer dans les marchés. Mais, cette instruction semble être entrée dans les oreilles des sourds. « Comment le ministre veut nous faire quitter la poste centrale ? Depuis que j’ai appris cette information, je suis perdu parce que c’est un point stratégique pour nos affaires. En journée, je vends au marché centrale et je descends ici le soir pour faire recette », fait savoir un commerçant. « La poste centrale est comme un grand point de vente. C’est un centre commercial un peu comme en Asie. On y retrouve tout et c’est l’endroit où on fait le plus de recette. L’Etat ne peut pas nous interdire de nous débrouiller. Quand le marché est dur en journée, on a espoir qu’on pourra vendre quelques choses ici le soir. Mais si on nous chasse où irons-nous ? Les marchés ont les heures de fermeture et ceux qui n’ont pas pu faire leurs achats en journée viennent s’approvisionner ici », poursuit un vendeur à la sauvette. « En tout cas, moi c’est un Caterpillar qui va m’enlever d’ici. Que l’Etat soit indulgent avec le bas peuple. S’ils font la force, on va tous riposter », lance un autre.

Quoi qu’il en soit, le ministre de l’Habitat en collaboration avec la Communauté Urbaine de Yaoundé s’apprêtent, conformément à la note de Célestine Ketcha Courtes, à déguerpir ces commerçants dans les prochains jours. « La loi interdit la vente à la sauvette en pleine cité capitale. Cette activité est punissable. Il faut que les vendeurs prennent conscience et suivent les instructions de la Communauté urbaine. Il est vrai qu’on a laissé faire pendant plusieurs années et il sera maintenant difficile de les déguerpir sans violence mais force reste à l’Etat », fait savoir un urbaniste.

En attendant, les vendeurs entendent faire une pétition pour implorer non seulement l’indulgence du ministre de ne pas les déguerpir mais aussi de les aider à encadrer leurs activités à la Poste centrale.

Par Ghislaine Ngancha
Source : Défis acutels

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