Téléphonie mobile : L’arrivée de Camtel inquiète la concurrence

Les autres opérateurs de téléphonie mobile redoutent une concurrence déloyale de la part de l'entreprise publique qui a obtenu sa licence gratuitement. Un privilège pourtant reconnu aux opérateurs historiques à travers le monde.

Camtel veut ouvrir une nouvelle page

Le 12 mars 2020, le gouvernement par les mains du ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel) a remis à Camtel trois conventions de concession pour l’établissement et l’exploitation de réseaux de communications électroniques fixe, mobile et de transport, à couverture nationale et ouverts au public. Trois documents qui font de l’entreprise publique, le quatrième opérateur de téléphonie mobile au Cameroun. Avec ses nouveaux attributs en effet, l’opérateur historique des télécommunications régularise sa situation sur le plan juridique et réglementaire en sa qualité de fournisseur des services de communications électroniques. Une position qui suscite un certain émoi auprès des opérateurs existants, qui non seulement craignent une guerre des prix en perspective, mais surtout une concurrence déloyale de la part de Camtel, présentée comme «juge et partie».

La question a été soulevée le 20 juillet 2020, lors d’une session extraordinaire du Cercle de Concertation Permanente Public-Privé du Secteur des Postes et Télécommunications (Cppt) à Yaoundé. «Les opérateurs existants ont dû payer un droit d’entrée, fait remarquer Jean Melvin Akam. En ce qui nous concerne, MTN a payé un droit d’entrée assez élevé : 75 milliards de francs CFA». «Or Camtel a obtenu une licence sans payer le moindre frais. Nous considérons la gratuité de la licence sur les services mobiles comme un élément de concurrence déloyale. Nous avons payé 75 milliards qui apparaissent dans la structure de nos coûts. Camtel ne va pas supporter les mêmes dépenses dans la structuration de ses coûts. Donc, avant de commencer à courir, Camtel a un avantage sur les autres opérateurs. Du coup, elle peut avoir des prix beaucoup plus bas parce qu’elle n’a pas à supporter ces 75 milliards», s’indigne le General Manager Regulatory and Corporate Affairs de MTN Cameroon. Si certains spécialistes pensent que ce dernier a raison sur le fait que Camtel ne devrait rien payer en vue de l’exploitation des réseaux de communications électroniques fixe, mobile et de transport à couverture nationale, au sein du ministère des Postes et Télécommunications, l’on y voit au contraire un effet bénéfique sur la concurrence. «Le fait pour Camtel de ne pas avoir payer de droit, comme la loi le dit en parlant de concession de plein droit, est un avantage pour tous les opérateurs ; parce que cela permettra de déterminer les coûts d’accès à l’infrastructure à un niveau faible. Il n’y aura pas un coût à déterminer par rapport à la licence. Et donc, tous les opérateurs pourront en bénéficier», a expliqué un haut cadre de l’opérateur historique des télécommunications.

Toujours en guise de réponse aux craintes que suscite l’arrivée de Camtel sur le marché de la téléphonie mobile, la même source révèle que sur le segment de l’interconnexion, c’est l’opérateur public «qui demande auprès des autres opérateurs qui sont dans une position de force. Car Camtel arrive avec 20 ans de retard». Même l’opérateur historique des télécommunications garde un monopole naturel en ce qui concerne le segment de marché des infrastructures de transport. «Il n’y a pas d’exclusivité dans la loi camerounaise, explique le même interlocuteur. Il est dit que pour opérer sur le segment de transport, il faut une concession. Et pour attribuer cette concession, il existe des conditions bien établies ; soit c’est à travers un appel d’offres, soit c’est le gouvernement qui décide d’accorder la concession à un opérateur. Tout est prévu dans les textes. Mais, comme partout ailleurs, l’infrastructure est retenue par un monopole naturel». Au Minpostel l’on assure à cet effet qu’une bonne régularisation de l’accès de tous les opérateurs à l’infrastructure de transport permettra de porter les services de communication électronique à un coût abordable. L’un des éléments essentiels étant que Camtel respecte les cahiers de charges qui accompagnent les concessions à elle remises notamment les indicateurs de qualité de service contenus dans les cahiers des charges et conformes aux normes internationales.

Pour mémoire, les trois nouvelles concessions octroyées à l’opérateur public des télécommunications sont relatives à : l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques mobiles à couverture nationale ouvert au public, liés aux technologies d’accès 2G, 3G et 4G ; l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques fixes à couverture nationale ouvert au public par des accès filaires ; et l’établissement et l’exploitation d’un réseau de transport de communications électroniques, y compris des stations d’atterrissage de câbles sousmarins et des téléports vers les réseaux à satellites. Les concessions octroyées rentrent donc dans le cadre de la stratégie du gouvernement, visant à accompagner l’opérateur public dans sa mue vers la compétitivité et la sauvegarde des intérêts nationaux en matière de communication électronique.

Par Arthur Wandji

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