jeudi, décembre 25, 2025
spot_img
AccueilGouvernanceQualité de vie : Une pauvreté extrême dans le Grand-Nord

Qualité de vie : Une pauvreté extrême dans le Grand-Nord

Malgré 43 ans de pouvoir et trois derniers mandats marqués par des plans de développement répétés, les régions du Nord, de l’Extrême-Nord et de l’Adamaoua demeurent les plus pauvres du Cameroun. Selon les dernières données de l’Institut national de la Statistique et de la Banque mondiale, plus de six habitants sur dix y vivent sous le seuil de pauvreté. Enclavement, insécurité, manque d’eau, faible électrification et crise alimentaire rythment le quotidien des populations. Cette situation critique dans le Grand-Nord a contribué énormément à une prise de conscience et à radicaliser les populations contre le régime Biya qu’ils ont soutenu pendant de longues années.

Des statistiques alarmantes

L’arrière-pays des trois régions septentrionales du Cameroun, notamment les régions de l’Extrême‑Nord, du Nord et de l’Adamaoua s’enfonce dans une pauvreté endémique, malgré les promesses et les mandats successifs du président Paul Biya. Selon l’INS, le taux de pauvreté national était de 37,7% en 2022, soit environ 10,1 millions de personnes vivant avec moins de 813 Fcfa par jour. Mais dans les régions du Grand-Nord, les écarts avec le reste du pays sont considérables. En 2022, l’Extrême-Nord affiche un taux de 69,2%, le Nord 61,1% et l’Adamaoua environ 45,1%. Pour l’Extrême-Nord, un rapport de l’INS en 2016 indiquait un taux de pauvreté chronique allant jusqu’à 69,4% dans le département du Mayo‑Danay, tandis que le département du Diamaré affichait environ 48,2%.

Les raisons de ce gouffre sont multiples : enclavement géographique, déficit d’infrastructures de base, insécurité persistante, chocs climatiques répétés. Ces trois régions sont largement isolées : routes dégradées, absence de liaison fluide avec les grands marchés du sud du pays, ce qui limite les débouchés agricoles et l’industrialisation. L’accès à l’eau courante reste très limité dans nombre de localités reculées : selon l’INS, bien que l’accès à une source améliorée d’eau soit monté à quatre personnes sur cinq au plan national, les zones du Sahel reculées restent fortement déficitaires. Le taux d’électrification y est également insignifiant : par exemple, dans le rapport de la 3ème Enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam 3), la proportion de ménages possédant l’électricité dans certaines zones septentrionales est de l’ordre de 11,8% seulement.

Inondations

Ajoutons à cette situation d’arriération l’impact majeur des inondations extrêmes. Dans les départements du Mayo-Danay et du Diamaré (région de l’Extrême-Nord), des crues ont dévasté des centaines de kilomètres de rizières et détruit des milliers de têtes de bétail et acres de culture. Le rapport INS montre que le département du Mayo-Danay atteignait un taux de pauvreté chronique de 69,4%. Un article paru en 2024 sur le site d’Africanews indique que dans ces mêmes zones, « un total de 459 000 personnes ont été touchées par des inondations et des hectares de culture détruits ». Par ailleurs, la crise alimentaire est aiguë : en 2025, la World Food Programme (WFP) alertait sur près de 2,6 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë entre juin et août, avec l’Extrême-Nord parmi les régions les plus concernées. Dans les départements du Logone et Chari et du Mayo‑Tsanaga, l’activité récurrente de la secte djihadiste Boko Haram et les raids transfrontaliers ont encore aggravé la misère en paralysant toute dynamique économique et la confiance des populations.

Le gouvernement de Paul Biya, après sept mandats successifs, reste pointé du doigt : ces régions fragiles n’ont pas bénéficié de mesures structurelles suffisantes pour casser le cercle vicieux pauvreté-insécurité-vulnérabilité. La Banque mondiale elle-même, dans un rapport sur les régions du Grand-Nord, signalait que la pauvreté rurale dans l’Extrême-Nord se situait à près de 77% en 2019 contre 74% en 2014, soulignant que la centralisation de l’État, la faible gouvernance locale, l’insuffisance des services publics, et les chocs climatiques, étaient autant de freins à l’essor des peuples. En dépit des richesses potentielles (agriculture, élevage, pêche de lac Tchad), les habitants restent condamnés à l’économie de subsistance, sans filet de sécurité ni investissements publics à la hauteur.

Malnutrition

Du Nord à l’Adamaoua, l’accès aux soins pose aussi un défi majeur : dans l’Extrême-Nord, plus de 50 000 enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition aiguë en 2024 selon l’Unicef, tandis que de nombreuses zones sanitaires ont été fermées ou réduites à quelques postes de santé ; la prise en charge est en recul. A la faveur de mandats politiques sans transformation réelle, les régions septentrionales du Cameroun sont en train de perdre la bataille contre la pauvreté. L’isolement géographique, l’absence d’infrastructures, l’insécurité et les chocs climatiques s’additionnent pour condamner des milliers de ménages à une misère chronique. Ces situations connus de tous dans ces régions, ont contribué énormément à la chute du président Paul Biya en 2025.

Avec Saydou Sadjo

NB: Série : « Pourquoi Biya a perdu le Nord

spot_img
LIRE AUSSI
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x