Un après-midi de février 2022, le Palais des Congrès de Yaoundé vit au rythme de Promote, une foire des acteurs de l’économie nationale. Les allées bruissent de délégations, de discours et de signatures de partenariats. Cyrus Ngo’o, Directeur général du Port autonome de Douala (PAD), vient de quitter le stand institutionnel consacré à la première plateforme portuaire du Cameroun. Contre toute attente, il bifurque vers un autre stand, celui d’une entreprise de presse privée locale.
Sous la tente, le responsable du journal est saisi de surprise : on ne s’attend pas, dans ce genre de manifestations, à recevoir la visite impromptue d’un haut responsable public. Mais Cyrus Ngo’o ne se contente pas d’un salut poli. Il prend le temps de serrer des mains et de prononcer quelques mots simples, mais lourds de sens : « Nous voyons le travail que vous abattez à propos du Port autonome de Douala. » Le geste paraît anodin. Il ne l’est pas. Dans un univers médiatique souvent confronté à l’indifférence ou à la méfiance des grandes institutions, ces paroles sont perçues comme un signe de considération. C’est un baume, une reconnaissance inattendue. Et, au-delà du symbole, l’épisode éclaire une facette de l’homme : Cyrus Ngo’o n’est pas seulement un gestionnaire de chiffres et de grues portuaires. Il est aussi un dirigeant qui, au milieu des tempêtes qu’il a lui-même traversées à la tête du PAD, sait reconnaître la valeur du travail des autres.
Le 24 août 2016, un décret présidentiel nomme Cyrus Ngo’o, Directeur général du PAD, principale porte d’entrée du commerce extérieur camerounais. À 50 ans, l’administrateur civil prend les rênes d’une institution fragilisée par la congestion, les lenteurs administratives et un climat interne difficile. Membre du conseil d’administration avant sa nomination, il avait une idée des faiblesses. A sa prise de fonction, il impulse une « nouvelle dynamique ». Ce mot d’ordre se traduit par la transparence, la pédagogie et la rupture avec le statu quo.
Dès 2017, il initie une réforme majeure avec la création de régies autonomes pour reprendre en main des activités stratégiques — gestion des conteneurs, dragage, remorquage, immobilier. Cette réappropriation nationale des leviers portuaires marque une inflexion historique. Les résultats suivent rapidement. La régie du terminal à conteneurs, réinvestissant ses marges, enregistre de meilleures performances que l’ancien concessionnaire. La régie de dragage assainit le chenal, débarrassé de vingt-cinq épaves qui gênaient la navigation depuis des décennies.
Le temps d’attente des navires diminue, les coûts baissent et le port améliore son image d’efficacité. L’engorgement longtemps décrié est un triste souvenir. Parallèlement, des investissements massifs modernisent les infrastructures : plus de 44 milliards de FCFA sont injectés entre 2020 et 2024 pour acquérir grues, portiques et tracteurs portuaires. Pour la première fois, les dockers disposent d’équipements conformes aux standards internationaux. La digitalisation suit, avec la modélisation BIM, la dématérialisation des procédures et une meilleure circulation de l’information.
Au-delà de la technique, Cyrus Ngo’o impose une nouvelle culture organisationnelle : transparence, responsabilité et ouverture. Le port est désormais perçu comme un bien commun au service de l’économie nationale. Les grands projets en cours confortent cette ambition : réhabilitation du duc d’Albe pétrolier, nouveau quai polyvalent bois, terminal mixte de vrac de 280 milliards de FCFA, extension du terminal à conteneurs pour atteindre un million d’EVP d’ici 2030.
À Dibamba, une zone industrielle et portuaire de 517 hectares est développée avec ARISE, destinée à désengorger la ville et créer une plateforme logistique intégrée. Natif de Messamena dans le HautNyong, Cyrus Ngo’o, 59 ans, est un administrateur civil. Longtemps, conseiller technique auprès du Premier ministre, il a coordonné des grands projets de l’État, dans divers domaines : énergie, mines, travaux publics, eau, télécommunications.