samedi, octobre 12, 2024
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Port de Douala : un expert révèle les dessous de la bataille

Pour Dr. Adama Abdoulaye, Spécialiste en gestion moderne des ports/CNUCED et Consultant en Droit et Marketing Portuaire, les causes des déboires du Groupe Français au Cameroun, viennent d’un excès d’assurance qui lui donne l’impression d’être toujours en terrain conquis en Afrique. Malgré la suspension de la procédure d’attribution de la concession, rien ne sera plus comme avant, estime-t-il.

Il y a quelques semaines, le Président Paul a décidé de suspendre le processus d’attribution de la concession du Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri, en attendant que la Cour Suprême vide le contentieux qui oppose la Société APM TERMINALS BV-BOLLORE au Port Autonome de Douala. Selon le Dr. Adama Abdoulaye, Spécialiste en gestion moderne des ports/CNUCED et Consultant en Droit et Marketing Portuaire, conscient des erreurs commises en 2005 dans la mise en Concession du Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri au profit du groupement APMT-Bolloré, le Président Paul Biya va, en 2014, prescrire à son gouvernement d’engager une opération de normalisation de l’exploitation du Terminal à Conteneurs, afin qu’elle puisse enfin être davantage bénéfique au Port Autonome de Douala et à l’économie camerounaise.

Souvent critiqué à travers le continent pour des méthodes et se sentant en terrain conquis, le groupe Bolloré et son partenaire n’ont perçu que bien tard, la volonté et le patriotisme de certains camerounais décidés à placer les intérêts du pays au-dessus de toute autre considération. « En effet, souligne M. Abdoulaye, la perte du son vaisseau amiral en Afrique Centrale (c’est le Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri qui soutient toutes les activités de son groupe au Cameroun et au-delà) est tout simplement la conséquence d’un excès de confiance qui a toujours caractérisé les responsables du groupe Bolloré vis-à-vis des africains, aidé en cela par les africains eux-mêmes. Les illustrations sont légion ».

Selon l’analyste, jamais, le capitaine d’industrie n’aurait envisagé, ni même imaginé pouvoir être éliminé d’un Appel Public International à Manifestation d’Intérêt au Cameroun. Pourtant, le groupement qu’il a constitué avec APM Terminals été éliminé du processus, classé 7ème sur les dix candidats qui ont soumissionné, par la Commission Ad hoc chargée d’examiner les offres des candidats.

Il révèle par ailleurs que, d’après des informations obtenues à bonne source, le représentant du Ministère des Finances et d’autres membres à cette Commission, avaient exigés que l’offre d’APMT-Bolloré soit rejetée au dépouillement. Car, le groupe Bolloré n’a pas cru devoir produire comme l’exigeait la procédure, les comptes certifiés par un spécialiste agrée du domaine, arguant qu’il était côté en bourse et que les membres de la Commission pouvaient y obtenir ce qu’ils voulaient. C’est après moult tractations que le représentant du Ministère des Finances, outré par autant de négligence, va consentir à accepter, à la demande insistante des autres membres, que le dossier soit examiné, parce que le Danois APM Terminals avait pour sa part produit les états financiers exigés.  Et ceci pourrait aisément expliquer la suite.

Selon M. Abdoulaye, « La décision présidentielle de surseoir aux travaux de finalisation du projet de contrat de concession du Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri ne remet nullement en selle le groupement APMT-Bolloré. Contrairement à ce que peut penser l’opinion publique.  Même si celle-ci est perçue comme telle. A mon humble avis, elle retarde juste l’échéance. Il est vrai que l’enjeu est désormais politique au-delà de la rationalité technique et juridique. Nous sommes désormais dans la Realpolitik, les appareils d’État étant désormais entrés en scène ».

Plusieurs cas de figure sont néanmoins à envisager souligne le Dr. Adama Abdoulaye. Si au 31 décembre 2019, la Cour Suprême ne statue pas sur le différend susmentionné, le Port Autonome de Douala mettrait alors en application, les dispositions qui stipulent que : « à l’expiration de la concession et quelles qu’en soient les causes, le nouveau Concessionnaire, le concédant, est subrogé au présent Concessionnaire dans tous ses droits et perçoit notamment tous les revenus et produits constatés à partir de la date d’expiration » ; ou encore qu’: « En cas de faillite du Concessionnaire ou de cessation d’activité pour toute autre cause, le Concédant a un droit de préemption sur tout le matériel et équipement du Concessionnaire. En outre, le Concessionnaire est tenu de mettre à la disposition du concédant l’organisation et l’ensemble du personnel affectés à l’exploitation du service sur une période ».

Autre scénario esquissé par le spécialiste, en l’absence d’une décision de justice avant le 31 décembre 2019, l’État propriétaire et actionnaire unique, pourrait également procéder à une prorogation telle qu’espérée par le groupe APMT-Bolloré, du contrat de concession en cours. Une demande exprimée par Cyrille Bolloré dans une correspondance adressée, le 12 septembre 2019 au Président Paul Biya et tombée dans l’espace public: « …nous avons l’honneur de solliciter votre Haut arbitrage afin que l’accord signé le 4 octobre 2017 entre le Port de Douala et DIT soit mis en œuvre ; cette mise en œuvre permettrait de faciliter le lancement du port de Kribi en mettant en place une synergie entre les deux ports, de solder tous les différends opposant le PAD et DIT et enfin de relancer sereinement un appel d’offres  sur une base équitable ».

Une perspective qui n’est pour le moment pas certaine. Car, après les négociations entre le PAD et DIT, sanctionnées par un rapport du Comité Ad-hoc Bipartite que le gouvernement devait entériner avant la signature d’un avenant au contrat de Concession de 2004, le Directeur Général du PAD a plutôt reçu en réponse, une instruction du Secrétaire Général de la Présidence de la République, le 22 novembre 2017, lui intimant l’ordre entre autres « de s’abstenir de toutes initiatives visant la prolongation de la concession, et d’attendre, sur ce point, les très hautes instructions du Président Paul Biya ».  Mieux révèle l’expert, le SGPR demandait au DG/PAD de lancer rapidement l’appel d’offres pour la sélection d’un nouvel opérateur du terminal à conteneurs du Port de Douala Bonabéri.

Pour ce qui est de Terminal Investment Limited (TIL), adjudicataire provisoire, il va devoir patienter jusqu’à la fin du feuilleton judiciaire pour être déterminé. Selon Dr. Abdoulaye, « il est l’adjudicataire provisoire. Il le reste. Du moins encore pour le moment. Il est l’opérateur qui a proposé une offre ambitieuse épousant tous les contours de l’Appel International à Manifestation d’Intérêt. En quinze ans de concession, c’est 357 milliards de FCFA de redevances qu’on nous annonce que le Port Autonome de Douala gagnera ainsi que de nombreux investissements en infrastructures et super structures. Même si ces chiffres sont contestés par son prédécesseur APMT-Bolloré. L’Italo-Suisse, 7ème opérateur au ranking mondial de gestionnaire des terminaux dans le monde, peut se targuer d’avoir damé le pion à APMT 4ème, sur ce qu’il considérait déjà comme ses propres installations ».

Et l’expert de conclure que, « quel que soit le cas de figure, rien ne sera plus comme avant au Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri. La valeur du combinat portuaire de Douala Bonabéri a été revue à la hausse. Elle vient d’être révélée aux yeux de tous. Malgré la mauvaise publicité, l’opinion publique camerounaise s’est imprégnée des réalités chiffrées de l’un de ses ports, et se rend enfin compte de la vérité. D’ailleurs, après quinze années d’exploitation, et après avoir été éliminé de la sélection au profit d’un nouvel opérateur du Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri, le groupe APMT-Bolloré se propose maintenant sur le tard, à investir à la juste valeur de ce port aux nombreux atouts. Il accepte payer ses dettes vis-à-vis de l’Autorité Portuaire de Douala, des pénalités aux manquements observés tout au long du bail, de revoir à la hausse l’actionnariat des nationaux, de revisiter les contrats de travail des employés et même à payer rétrospectivement la valeur réelle du ticket d’entrée ».

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