La Chambre d’Agriculture, de Pêche et d’Élevage (CAPEF) s’est engagée depuis quelques mois à moderniser une filière porcine longtemps artisanale pour la rendre compétitive sur le marché national et la zone du libre-échange continental africain (ZLECAf). Le dossier Proporc prévoit, d’ici 2026, la construction de 500 fermes modernes et la mise en service de plusieurs abattoirs industriels — une architecture destinée à faire basculer la production vers une logique d’échelle et d’exportation.
Sur le plan financier et opérationnel, le projet s’appuie sur des partenaires étrangers notamment avec la société française I-TEK qui a annoncé un apport technique et financier d’environ 5 milliards FCFA pour la construction des unités, tandis qu’un volet génétique confié à des acteurs comme Axiom doit améliorer les performances zootechniques des élevages. Le pilote est programmé à Bankim (Adamaoua) et la phase de déploiement s’étend sur plusieurs régions. Le calcul économique motive l’urgence, le Cameroun accuse un déséquilibre structurel entre offre et demande.
Les estimations publiques et professionnelles varient — une production nationale souvent citée autour de 30 000 tonnes contre une demande évaluée entre 50 000 et 75 000 tonnes selon les sources — ce déficit structurel nourrit l’argument central du Proporc : combler le marché intérieur puis convertir l’excédent en recette d’exportation. Sur le plan technique, le modèle retenu est calibré et chiffré : chaque ferme-type comptera 28 truies pour une production estimée à 1 500 porcelets par an — hypothèses fournies par la CAPEF — et, à terme, la capacité cumulée des fermes projetées doit permettre d’atteindre une masse critique de production.
La stratégie de développement de la filière porcine repose sur quatre leviers étroitement liés : moderniser les infrastructures et les abattoirs pour répondre aux normes internationales, lancer des programmes d’amélioration génétique combinant races adaptées au climat et lignées plus performantes, sécuriser l’approvisionnement en intrants tels que les aliments et produits vétérinaires, et enfin élargir l’accès aux marchés nationaux comme régionaux. L’ambition affichée est claire : faire évoluer l’élevage porcin d’initiatives dispersées vers une véritable chaîne de valeur intégrée, capable de peser dans l’économie camerounaise et au-delà. L’orientation vers la ZLECAf est stratégique. La zone continentale offre un marché potentiel d’environ 1,3 milliard de consommateurs et, selon la Banque mondiale, l’accord continental peut accroître significativement les échanges intra-africains — des projections évoquent des gains substantiels pour les filières industrielles intégrées.
Pour le CAPEF, la ZLECAf représente la débouchée naturelle d’un surplus camerounais industrialisé. Mais un défi de taille subsiste : la résilience sanitaire et climatique, condition sine qua non de la réussite industrielle. Experts et partenaires insistent sur l’urgence d’introduire des races porcines adaptées aux fortes températures, de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en intrants, et de renforcer les dispositifs de surveillance zoosanitaire. Ces exigences techniques, dictées par la fréquence des chocs épidémiques qui affectent la porcherie mondiale et africaine, sont cruciales pour éviter que la montée en puissance du projet ne soit fragilisée dès ses fondations.
Pour les acteurs nationaux — éleveurs, transformateurs, distributeurs — Proporc ouvre une fenêtre d’opportunité d’emplois avec une estimation d’environ 2 000 emplois directs, apprend-on, de formation dans le centre pilote en cours d’implantation à Bankim, dans la région de l’Adamaoua et l’intégration des chaînes de valeur. Mais la réussite passera par trois conditions politiques et économiques : sécurisation du financement privé/public, mise en conformité sanitaire et traçabilité, et construction d’un corridor logistique compétitif pour l’export intra-africain.