Partis politiques : pas de démocratie sans démocrates !

Par Moussa Njoya, Politologue

L’article 3 de la Constitution du Cameroun dispose que : « Les partis et les formations politiques concourent à l’expression du suffrage ». Faisant de ceux-ci les acteurs majeurs du pluralisme politique, et par conséquent, de la démocratie en construction au Cameroun. Et à juste titre, ces partis politiques ont fait de la promotion de la démocratie leur raison d’être. Mais, au regard de leur fonctionnement quotidien, les formations politiques sont elles-mêmes très loin d’être des modèles de démocratie. Comme l’ont une fois de plus démontré les dernières consultations électorales. Des partis confisqués par les états-majors Maroua, Douala, Yaoundé. Alors que la disposition du nouveau Code général des Collectivités Décentralisées instituant l’élection des maires de villes, en lieu et place de la nomination des délégués du gouvernement, était censée ouvrir une nouvelle page heureuse dans le mode de désignation des responsables locaux, force a été de constater que, comme à l’accoutumée au Cameroun, tout change pour que rien ne change. Car en lieu et place des élections libres et transparentes, et surtout de compétition pure et saine entre tous ceux qui auraient prétention à la direction de ces localités, les militants en particulier et les populations en général ont été dépités de se retrouver face à des directives du secrétariat général du Comité central qui imposaient des candidats et excluaient toute concurrence. Résultat des courses, il aura fallu des jours de négociations et de tractations, et au cours desquelles l’intimidation aura été l’argument massue, pour que les exécutifs soient désignés. Avec à la clé un grave déficit de légitimité de ces responsables, qui pour la très grande majorité auront été davantage nommés qu’élus. Cependant, cette situation assez choquante pour les citoyens soucieux de voir leur pays avancer démocratiquement est très loin d’être isolée. En fait, l’autocratie est la chose la mieux partagée dans le landerneau des partis politiques au Cameroun. En effet, lors des dernières élections municipales et législatives, les partis politiques ont dans leur totalité opté pour des investitures sans primaires. Et les différentes circulaires précisant les conditions à remplir pour être candidat ne devraient pas faire illusion quant à une quelconque compétition. Car dans la quasi-totalité des cas, l’élément déterminant pour être candidat la capacité n’était ni la durée du militantisme, ni l’activisme pour la promotion des idéaux du parti encore moins la popularité, mais surtout son niveau de connexion dans les réseaux de l’establishment du parti. C’est ainsi que des personnalités totalement inconnues ou honnies par la base ont été imposées comme candidats. Alors que d’autres potentiels candidats, aux états de services avérés et attestés ont été écartés. Avec à la clé des graves crises au sein des formations politiques, même en cas de victoire. Cela a été très visible non seulement au sein du Rdpc, mais également au sein des partis d’opposition. C’est ainsi que l’élection du maire de la commune de Foumban a donné lieu à une tension mémorable entre les militants et les responsables de l’UDC, et qui se sont soldées par des bagarres. Une situation similaire a été vécue au sein du Pcrn où un militant, Joseph Song Manguelle, suite à la mise sur pieds d’une cellule de veille et de suivi, témoigne sur sa page Facebook de son courroux et du malaise qui prévaut désormais au sein de cette formation politique et renseigne sur le déficit de démocratie qui habite son directoire : « Makak et Matomb, la suite de l’histoire : La Gestapo est créée au sein du Pcrn.

Des faits

Makak et Matomb ont refusé de recevoir l’ordre de la hiérarchie du parti, suite à l’entière nomination du maire et de ses adjoints dans les 2 communes. A Makak, il y a eu 12 conseillers municipaux qui ont refusé de participer au vote, parce qu’il y a eu 13 autres qui ont refusé d’accepter la nomination venant de la direction du parti. Cette dernière a donné l’illusion de faire à Yaoundé un vote interne ds les différentes communes où le Pcrna eu la majorité absolue, le parti refusant de publier les résultats du vote interne, pour leur sortir des nominations (voilées derrière les mécanismes PROPOSITION + MARTEAU DE LA DISCIPLINE DU PARTI, ha ha ha !!!). M. Nouga, avocat, déposa donc au nom du Président, une plainte en justice. A l’intérieur du parti, les récalcitrants qui décidèrent d’exercer leur droit de vote au détriment des injonctions de leur hiérarchie furent sanctionnés. Les gravités des sanctions étant inversement proportionnelles au degré de corruptibilité des conseillers rebelles: on te donne une petite sanction quand on estime que tu pourrais t’aligner aux directives du parti. Quelle perversité ! Il faut rappeler qu’on a vu le SDF, parti mourant, aussi calquer ce type de dictature en punissant ses conseillers qui ont refusé de voter les maires selon les injonctions de la direction du parti. Tous, des piètres copies du Rdpc qu’ils prétendent combattre. En politique, tant que les représentants élus par le peuple auront le dernier mot avec leurs votes, il y aura toujours incompatibilité entre les injonctions de la direction du parti, le désir supposé du peuple, et, les aspirations individuelles. Ce n’est pas à coup de sanctions, d’intimidations, de punitions qu’on pourra trouver le point d’équilibre, mais par des négociations préventives. Se fâcher contre la direction du parti qu’on n’a pas suivi les Très Hautes instructions de la Très Haute hiérarchie n’engendra ke des fissures au détriment du peuple. Parce qu’à la fin, c’est bien du peuple qu’il s’agit. On a vu que Makak et Matomb ont mené et gagné leur rébellion, échappant ainsi aux commandements de leur direction du parti.

Aux conséquences

Que fait donc le parti? Eh bien, il crée une Gestapo d’autosurveillance, d’espionnage entre partisans, afin de rapporter au plus haut sommet, toutes velléités de rébellion: VIVE LES INDICS, un nouveau métier vient d’être créer… Et comme dans le système actuel du R qui a conduit à ce Cameroun qu’on a, il y aura des récompenses/nominations pour les « dénonciateurs », certains travailleront pour les plus proches collaborateurs du président, eh bien. Cette tactique avait été déjà pratiquée par les maquisards de l’UPC, qui revenaient punir de manière tonitruante, pour ne pas dire exemplaire, ceux restés aux villages, et qui étaient dénoncés par d’autres individus… J’ai un oncle, Albert Lindjeck, qui échappa à une telle punition grâce à sa carte d’étudiant à Yaoundé. Revenu se ravitailler, un voisin l’accusa de crimes commis quand il était à Yaoundé, heureusement… Les Ambazoniens font également le même type d’expédition punitive dans les villages. MAIS ÇA, CE SONT DES REBELLIONS. Cette petite cellule qui vient de voir le jour, parce que certains ont refusé d’exécuter les ordres du Messie, sera transformée, si le messie prend la force de l’Etat, en une véritable machine d’extermination et de disparition des récalcitrants… Ce petit serpent que vous nourrissez petit à petit, deviendra le monstre qui vous dévorera tôt ou tard… » (Sic). Un courroux qui n’est pas sans rappeler celui de Célestin Djamen à la suite de la décision du MRC de ne pas participer à ces élections. Pour lui, la base et même le bureau du parti n’avaient pas été consultée par Maurice Kamto, qui avait pris tout seul une décision aussi grave.

 Intolérance grave contre toute divergence

Suite à cette prise de position divergente de celle de la haute direction, Célestin Djamen avait été invité à quitter purement et simplement le MRC par certains militants et responsables, y compris Maurice Kamto qui l’a dit en des termes à peine voilés lors de sa tournée en Occident. Alors que Maurice Kamto déclare lui-même dans l’avant-propos de son ouvrage, L’urgence de la pensée, que : « J’ai voulu y montrer le préjudice irréparable que trente ans d’unanimisme et de monolithisme ont causé aux peuples et aux Etats africains ; montrer que l’absence de pensée ou plus exactement d’une pensée libérée est la cause première de notre dérive collective ; que l’expression tolérante des idées divergentes dans un contexte de démocratie est, pour l’Afrique comme ce l’est déjà pour d’autres régions du monde, la seule véritable chance de survie ». Cette intolérance interne a son pendant externe qui est plus qu’agressif. Ainsi, les militants du MRC sont réputés pour leur violence contre toute personne qui exprimerait une once d’opposition quant à leurs positions. Criminalisant toute position contraire à la leur, ils insultent à tout va, fouillent les squelettes dans les placards et profèrent des menaces. Ce qui leur a valu des appellations telles que « la meute » ou encore « les talibans ». Toute chose qu’ils assument, mais qui effraie très durement tout partisan de la démocratie qui n’est rien d’autre que le règne de la persuasion et de la délibération Avec eux, ce n’est plus l’Etat qui se « criminalise » en Afrique comme le disait Achille Mbembe et Toulabor, mais bel et bien l’opposition. Une phase de criminalisation qui a été allègrement franchie par les militants de l’UDC, qui ont ni plus ni moins que décapité des personnes accusées d’appartenir au Rdpc et venues frauder le jour du dernier scrutin.

Le culte de la personnalité des leaders

Cette intolérance a pour principal fondement le culte de la personnalité qui entoure les chefs des partis politiques au Cameroun. Ils sont quasiment tous des « candidats naturels » de leurs formations politiques et les congrès d’investitures ne sont que des folklores sans aucun suspens quant à l’issue. Leur « stature » présidentielle passant par les divers titres dont ils se font affublés : « Docteur » par-ci, « Professeur » par-là, le nec plus ultra étant « Excellence » bien sûr. Mais le plus préoccupant étant le « mythe d’infaillibilité » dont ils sont nimbés. Ainsi, la parole ou les instructions du président national tiennent lieu de parole d’évangile. Exposant quiconque la conteste à ni plus ni moins que l’excommunication. Comme cela a été le cas de dizaines de militants du SDF tombés sous le coup du fameux article 8.2 qui aura fait tant de ravages.

Par Moussa Njoya, Politologue (DA 463)

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