Nord-ouest/Sud-ouest : Les risques d’un enlisement de la crise

Deux semaines après la fin du grand dialogue national et malgré la main tendue des autorités camerounaises, les groupes séparatistes ne désarment pas.

Les-populations-sen-mêlent.jpg / AFP PHOTO / STRINGER

Lors de sa visite le 10 octobre dernier à Lyon, Paul Biya a promis à Emmanuel Macron l’accélération de la mise en œuvre des résolutions prises lors du Grand Dialogue National visant à trouver une solution définitive à la crise anglophone. Malgré cette volonté affichée du chef de l’Etat, les groupes séparatistes ne désarment pas. Au contraire, l’on assiste à une nouvelle montée en puissance de la violence dans les régions concernées par la crise. En une semaine seulement plusieurs personnes ont été tuées, dont un officier de police, un militaire, un ex-combattant. Alors qu’un prêtre aurait été enlevé. Les affrontements armés se multiplient en effet. Dans le Sud-Ouest, « onze ouvriers de la plantation située sur la route Tiko – Douala, ont eu les doigts et les mains coupés avec des machettes par les séparatistes. Quatre autres hommes ont ensuite été enlevés et restent introuvables », a précisé le gouverneur Bernard Okalia Bilai. De l’avis d’analystes, le retour à la paix dans ces deux régions anglophones est loin d’être un acquis.

Le politologue Aristide Mono pense par exemple que malgré le dialogue, « l’ennemi reste actif, et tient encore des positions importantes dans les deux régions en crise ». Pour lui, cette situation amène à questionner « les incidences positives réelles des défections médiatisées sur le retour à la paix dans les deux régions anglophones. Parce que la défection des généraux ambazoniens tel que cela a été présenté devraient entraîner la baisse ne serait-ce que relative de la violence ». Avec cette situation qui perdure, est-ce à présumer que les résolutions du Grand Dialogue National (GDN) n’ont pas été bien accueillies ? « Les résolutions prises lors du Grand Dialogue National ne concernent que ceux qui y ont pris part. De même, l’absence de représentation à cette rencontre des factions qui s’affrontent dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest exclut qu’elles se sentent concernées par les «affaires de Yaoundé» », commente pour sa part le chercheur Guy Beaudry Jengu. Un point de vue que ne partage pas le politologue Stéphane Zanga, pour qui, il est encore tôt de faire une évaluation du GDN. Il propose « d’attendre encore pour mesurer l’impact des recommandations du Grand Dialogue National inclusif sur la situation sur le terrain ».

Lourdes conséquences économiques

La guerre dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest fait perdre beaucoup de ressources à l’Etat. Pour la seule année 2017, la crise a fait perdre un demi-point de croissance au Cameroun, indiquait un rapport du gouvernement cité par Jeune Afrique. Et si la situation perdure, « elle pourrait accroître le niveau de dépenses de défense et de sécurité, affectant ainsi les prévisions budgétaires », prévient la Banque Africaine de Développement (BAD). « Si la résistance de la violence se poursuit on assistera tout naturellement à l’amplification des conséquences économiques, humaines et sociales de cette crise. Ce qui va fatiguer les protagonistes qui se trouveront tous épuisés par les dépenses et les affres de la guerre. Au final l’un va capituler, seulement après combien de temps et à quel prix ? » se demande Aristide Mono.

Vers une nouvelle médiation ?

Alors que la situation d’insécurité perdure, plusieurs options se présentent. « L’Etat devra imposer la paix dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, si l’implémentation des mesures visant à ramener la sérénité dans ces deux régions fait l’objet de rejet par les entrepreneurs du chaos », tranche Stéphane Zanga. Guy Beaudry Jengu, propose à son tour, qu’« un dialogue incluant véritablement les factions sécessionnistes soit organisé, pour permettre que les élections à venir se tiennent ». Pour sortir de cette crise Aristide Mono a un avis mitigé. « En plus de la mise en œuvre rapide des solutions populaires du dialogue. Soit l’Etat renforce ses capacités de défense et de sécurité pour mieux résoudre la crise par les armes, soit il entame des pourparlers directs avec des leaders séparatistes sous l’égide d’une médiation internationale afin d’obtenir un dépôt des armes », analyse-t-il.

Par Joseph Essama

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