Massacre de Kumba : un tournant dans la résolution de la crise ?

Depuis l’attaque ayant coûté la vie à sept jeunes élèves à Fiango dans le Sud-ouest, leaders séparatistes et société civile anglophone multiplient les appels pour un retour à la paix.

Kumba reveille les consciences

24 octobre 2020, quartier Fiango, Kumba, région du Sud-Ouest du Cameroun. La matinée touche à sa fin au Mother Francisca International Bilingual Academy. Dans l’une des salles de classe de cet établissement privé, Victory Camibon Ngamenyi et d’autres élèves se sont retrouvés pour étudier. Pour les gamins, tout se passait bien jusqu’aux environs de 11 heures, lorsqu’une bande de séparatistes autoproclamés a débarqué dans leur salle de classe. Et a ouvert le feu. Victory Camibon Ngamenyi, 11 ans, et six autres élèves ont perdu la vie dans cette attaque. Les autres écoliers, une douzaine, ont été blessés. L’onde de choc s’est étendue sur l’ensemble du pays et même au-delà des frontières camerounaises. Cette tuerie qui n’est pas la première commise par les sécessionnistes anglophones, est inédite de par son ampleur et sa nature. «Elle a choqué parce que les cibles et les victimes sont des élèves de 9, 10, 11 ans», lâche un analyste. Alors que «le gouvernement et la société civile anglophone ont mis beaucoup de pression sur les groupes séparatistes pour que leurs enfants retournent à l’école», a expliqué à l’AFP, Arrey Elvis Ntui, analyste senior à International Crisis Group au Cameroun.

Appel à la paix

Les images de l’horreur ont fait le tour de la toile, provoquant un flot d’indignations. Et pour l’une des rares fois depuis le début de la crise, leaders séparatistes, société civile anglophone, gouvernement et Camerounais dans leur ensemble sont d’accord sur un point : il faut que la crise cesse. Sur les réseaux sociaux ou par communiqués interposés, les appels sont lancés en faveur d’un retour à la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. «Les Camerounais du Sud dans leur grande majorité veulent voir la fin de la guerre, a twitté Mark Bareta, l’un des leaders séparatistes autoproclamés. Nous voulons voir un cessez-le-feu». Pour cela, il faudrait notamment que les leaders sécessionnistes planqués en Europe et en Amérique cessent de «manipuler les populations locales ».

La diaspora anglophone interpellée

C’est ce que semble avoir compris Tibor Nagy. Souvent très dur vis-à-vis du régime de Yaoundé, et parfois aperçu en compagnie de certains leaders séparatistes vivant aux Etats-Unis, le sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines a changé de ton. Et appelle la diaspora anglophone camerounaise à plus de responsabilité en vue de la résolution de la crise. «La diaspora camerounaise [vivant] aux Etats-Unis peut et doit jouer un rôle essentiel pour mettre fin à la violence au Cameroun», a indiqué le diplomate américain dans un communiqué signé le 6 novembre 2020. Une sortie bien accueillie par la majorité des leaders sécessionnistes, au rang desquels Sisiku Julius Ayuk Tabe. Depuis sa cellule à la prison principale de Yaoundé, celui qui se considère comme le numéro un du mouvement indépendantiste anglophone approuve l’idée de Tibor Nagy. «Nous apprécions les appels du sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines et d’autres pour que la diaspora travaille de manière constructive à mettre fin aux conflits au Cameroun », a-t-il publié sur Tweeter le 7 novembre. «Nous nous félicitons de la déclaration du sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines sur le rôle de la diaspora. L’intégrité territoriale du Cameroun n’est pas contestée», renchérit sur Tweeter, Ayaba Cho, un autre leader séparatiste.

La paix conditionnée

Favorables aux appels lancés en vue d’un retour à la paix, les leaders sécessionnistes, membres de la diaspora anglophone posent cependant quelques conditions. Notamment la médiation des Nations Unies. «Une première étape clé consiste pour le Conseil de Sécurité des Nations Unies à mandater une mission d’enquête pour établir les responsabilités et construire un chemin vers une paix durable», a indiqué Sisiku Julius Ayuk Tabe. Pour son compère Mark Bareta, «les Nations-Unies doivent commencer par envoyer une mission d’enquête, déclarer des zones tampons et des zones d’exclusion aérienne. Et puis adopter des résolutions qui amènent les deux parties à un règlement consensuel. Le cessez-le-feu devrait être l’un des premiers accords et cela s’accompagne généralement d’arrangements détaillés sur ce qu’il implique».

De son côté, le gouvernement camerounais poursuit la mise en œuvre des résolutions du Grand Dialogue National parmi lesquelles l’accélération du processus de décentralisation avec l’élection annoncée des conseils régionaux. Le scrutin prévu le 6 décembre prochain devrait notamment déboucher sur l’attribution d’un statut spécial aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Par Arthur Wandji

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