Le 12 juillet 2024, Gaël Bodénès, patron de Bourbon, un groupe maritime français basé à Marseille (spécialisé dans les services de support à l’exploration, au développement et à la production des champs pétroliers et gaziers), et Laurent Renard, ancien directeur adjoint de la même compagnie, ont été condamnés à 24 mois de prison avec sursis. Le même jour, Christian Lefèvre ancien directeur général de Bourbon a écopé d’une peine de 30 mois de prison avec sursis. Les trois hommes qui doivent en outre s’acquitter chacun d’une amende de 80 000 euros (52,4 millions de FCFA) ont été reconnus coupables de faits de corruption au Nigeria, au Cameroun et en Guinée Equatoriale. En tout et pour tout, 7 hauts responsables de Bourbon ont déjà été condamnés dans cette affaire de corruption, pendante devant la justice française depuis 2012.
Selon le réquisitoire lu par le représentant du ministère public, des employés de Bourbon, Sous la houlette de Gaël Bodénès, qui a d’ores et déjà fait appel de cette décision par le biais de ses conseils qui estiment que «le tribunal a relativisé beaucoup de choses», ont versé aux agents du fisc de ces trois pays, d’importantes sommes d’argent. Au Nigeria, 2 millions de dollars (1,2 milliard de FCFA) ont été versés au directeur des services fiscaux, pour que ce dernier fasse passer le redressement fiscal de l’entreprise de 227 millions de dollars (136,6 milliards de FCFA) à 4 millions de dollars (2,4 milliards de FCFA). Des pots-de-vin d’un montant consolidé de 700 000 dollars (421,3 millions de FCFA) ont également été distribués à des contrôleurs fiscaux nigérians pour les mêmes fins.
Au Cameroun, l’enquête menée par la justice française a révélé que des pots-de-vin de 150 000 euros, soit environ 100 millions de francs CFA, auraient été versés à deux inspecteurs des impôts. Ces sommes auraient servi à faire disparaître une dette fiscale de 11 millions d’euros (7,2 milliards de francs CFA) due par la firme française Bourbon. Pour Akere Muna, avocat et homme politique qui se bat depuis au moins deux ans pour que les officiels camerounais ayant participé à ce scandale de corruption soient trainés en justice, ces accusations ne devraient plus revêtir le manteau du doute. Selon lui, si la justice française a condamné des corrupteurs en France, il est temps qu’au Cameroun les corrompus soient jugés. «Si nous avons des inspecteurs d’impôts véreux, puisque à Marseille on a dit que la corruption était avérée, très rapidement au niveau du Cameroun on devrait commencer les poursuites contre ces inspecteurs. Il faut que la volonté politique de lutter contre la corruption se ressente de façon concrète. Pas de façon timide. L’action ne doit pas seulement se concentrer sur la récupération des prébendes que devaient verser cette société à l’administration fiscale. Et les corrupteurs alors ! C’est cette réticence de poursuivre les camerounais qui ont sollicité ces prébendes qui est incompréhensible. C’est promouvoir l’impunité. C’est ça qui me désole», a-t-il confié à nos confrères de RFI.
L’ire d’Akere Muna est compréhensible. Comme Défis Actuels vous l’expliquait dans sa parution en kiosque du 24 au 26 juin 2024, une équipe de conseils camerounais missionnée par le ministère des Finances après avoir obtenu l’accord de la présidence de la République, s’est faite admettre comme partie civile dans l’affaire Bourbon. La mission qui leur a été confiée est claire: récupérer les 7,2 milliards de FCFA détournés au détriment du trésor public camerounais et obtenir des dommages et intérêts pour réparer intégralement le préjudice subi. Pourtant, au niveau national, la justice demeure muette.