Le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a, dans un communiqué daté du 14 juillet 2025, annoncé la signature d’un accord de cession portant sur les 58,08 % de parts que détenait Société générale (SGC) dans sa filiale locale. « le Ministre des Finances, sur Très Hautes Instructions du Président de la République, Paul Biya a usé du droit de préemption de l’État du Cameroun, actionnaire dans ladite banque à hauteur de 25,6%, pour l’acquisition de l’intégralité des parts (58,08%) détenues par le Groupe Société Générale, en vertu des dispositions de l’article 10.2 des Statuts de Société Générale Cameroun« , peut-on lire dans ce document.
Cette opération permet à l’État du Cameroun de porter sa participation dans le capital de la banque à 83,68 %, contre 25,6 % auparavant. Le membre du gouvernement indique que la transaction s’inscrit dans le cadre des Très Hautes Instructions du président de la République, Paul Biya, et vise à renforcer un système bancaire « robuste, inclusif et performant, au service du développement économique et social du Cameroun ».
Dans un communiqué publié le même jour, Société Générale confirme la signature de l’accord de cession totale de sa participation dans SGC. « L’État camerounais, déjà actionnaire, détiendrait ainsi 83,68 % des parts de Société Générale Cameroun. Selon les engagements pris, l’État camerounais reprendrait la totalité des activités opérées par cette filiale, ainsi que l’intégralité des portefeuilles clients et l’ensemble des collaborateurs de cette entité », précise le groupe.
La finalisation de l’opération est attendue d’ici à la fin de l’année 2025, sous réserve de l’approbation des autorités réglementaires compétentes, notamment la Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC). Société Générale anticipe un impact positif d’environ 6 points de base sur son ratio de solvabilité CET1 à la clôture de la transaction.
Un retrait stratégique de Société Générale du continent
Cette opération s’inscrit dans un vaste mouvement de recentrage opéré par Société Générale, qui a annoncé son retrait de plusieurs marchés africains. Le Cameroun figure parmi les pays concernés, aux côtés d’autres comme le Congo, la Guinée équatoriale, la Mauritanie et le Tchad.
Dans ce contexte de désengagement, le gouvernement camerounais a décidé d’exercer le droit de préemption que lui confèrent les statuts de Société Générale Cameroun (SGC). Dans une correspondance datée du 16 janvier 2025, adressée au président du conseil d’administration de la banque, le ministre des Finances a officialisé la volonté de l’État de se porter acquéreur des parts du groupe français. Le droit de préemption, prévu à l’article 10.2 des statuts de la société, donne à l’État la priorité sur tout autre acquéreur potentiel.
Une valorisation supervisée par Grant Thornton
Avant de formuler son offre, le gouvernement camerounais a mandaté le cabinet d’audit Grant Thornton, à travers ses filiales en France, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, pour conduire une contre-valorisation de la banque. L’évaluation s’est appuyée sur le modèle dit « Discounted Dividend Model » (DDM), ou modèle d’actualisation des dividendes, jugé par l’État « adapté à Société Générale Cameroun et à son contexte ».
Cette analyse a abouti à une valorisation globale de la banque à 211,158 milliards FCFA, soit environ 321,9 millions d’euros. Sur cette base, les 58,08 % de parts détenues par Société Générale sont valorisées à 122,64 milliards FCFA (environ 187 millions d’euros).
En revanche, aucune information n’a filtré sur la valorisation de l’actif du point de vue de Société Générale. Le groupe n’a pas communiqué sa propre évaluation de sa filiale ni le niveau de plus-value ou de moins-value enregistrée dans cette cession.
Le ministère des Finances souligne que la signature de la convention de cession (Share Purchase Agreement – SPA) est l’aboutissement d’un processus rigoureux, marqué par plusieurs phases de négociation entre les parties prenantes. Les discussions ont notamment porté sur les conditions du retrait du groupe cédant, les garanties de stabilité financière et la protection des intérêts des clients de la banque.
Dans son communiqué, le ministre Louis Paul Motaze précise que l’État entend préserver la solidité et la performance de la banque, tout en renforçant sa contribution à l’économie nationale. Il s’agit, selon lui, de doter le pays d’un système bancaire capable de répondre efficacement aux priorités économiques et sociales du Cameroun, dans un contexte de transformation structurelle. »La signature de la Convention de Cession (SPA) de ce jour est l’aboutissement de diverses séances de discussions entre les différentes parties, dans le cadre du respect des exigences d’un audit préalable, des conditions de retrait du Groupe cédant, ainsi que de la préservation de la stabilité financière du Cameroun, et d’autre part à protéger et garantir les intérêts des clients et autres parties au sein du système bancaire camerounais« , souligne le ministre des Finances
Le gouvernement camerounais rassure par ailleurs les clients de la banque, ses partenaires, ainsi que les collaborateurs, en indiquant que l’ensemble des activités, portefeuilles clients et équipes seront intégralement repris par l’État. Aucun licenciement ni changement majeur dans la continuité des services n’est envisagé à ce stade, selon les informations disponibles.
Avec cette prise de contrôle majoritaire, l’État camerounais renforce sa position dans un secteur bancaire longtemps dominé par des groupes étrangers. Société Générale Cameroun, deuxième banque du pays en termes de parts de marché, rejoint ainsi le giron public, aux côtés d’institutions comme la Commercial Bank Cameroon (CBC)