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L’Etat face à la faillite silencieuse de ses politiques sociales

La santé, l’école et le logement sont notamment des secteurs en crise qui exposent l’urgence de replacer l’humain au centre des priorités du prochain septennat.

Un soir de décembre 2022, à Yaoundé, Nathalie, étudiante à l’Université de Soa, s’effondre chez elle. Transportée d’urgence dans un hôpital public de la capitale politique, elle y décède après plus d’une heure d’attente, faute de carnet médical et d’enregistrement administratif, apprend-on. Un décès qui aurait pu être évité, devenu le symbole d’un système de santé où la lenteur bureaucratique coûte des vies. Cette tragédie illustre un constat plus large dans les formations sanitaires du pays.

Malgré la mise en œuvre de la couverture santé universelle, le système de santé camerounais repose encore majoritairement sur le paiement à l’acte, c’est-à-dire que chaque patient assume le coût des soins. Dans un pays où près de 40 % des citoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté — soit moins de 813 FCFA par jour selon la cinquième Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM5) publiée par l’Institut national de la statistique en avril 2024 —, l’accès aux soins devient un luxe. Les zones rurales sont les plus touchées. Le manque d’infrastructures et de personnel qualifié oblige certaines populations à parcourir des dizaines de kilomètres pour atteindre un centre de santé.

 À cela s’ajoutent l’insécurité et le mauvais état des routes, qui retardent ou empêchent toute intervention médicale rapide. Cette situation accentue les inégalités sociales et interroge la pertinence d’un modèle de santé centré sur le paiement, au détriment de la solidarité nationale.

ÉDUCATION : UNE GRATUITÉ THÉORIQUE, UN COÛT RÉEL

 Depuis le décret présidentiel du 19 février 2001, l’école primaire publique est officiellement gratuite. Mais sur le terrain, cette promesse reste inachevée. Les Associations des parents d’élèves (APE) dans les établissements secondaires, censées soutenir la gestion des écoles, exigent des contributions parfois supérieures au plafond de 25 000 FCFA par an. À ces frais s’ajoutent des paiements informels pour les fournitures, la sécurité ou l’entretien des bâtiments.

 Les témoignages d’usagers, comme celui de Mathieu Soukeu, parent d’élèves à Yaoundé, révèlent un profond désenchantement : « L’école publique, c’est de la merde. Les enseignants viennent quand ils veulent et réclament de l’argent pour tout. » Au-delà des coûts, la pénurie d’enseignants et la vétusté des infrastructures traduisent une crise structurelle. Cette situation nourrit un malaise social qui s’exprime jusque dans la sphère politique. Léopold Bessiping, enseignant, a ainsi décidé de se porter candidat à la candidature présidentielle de 2025 pour dénoncer la précarité salariale et le mépris institutionnel envers le corps enseignant.

LOGEMENT ET BIEN-ÊTRE SOCIAL : DES POLITIQUES HORS DE PORTÉE

 Le 20 septembre 2024, un arrêté conjoint du ministère de l’Habitat et du Développement urbain et du ministère des Finances a fixé les plafonds de revenus pour l’accès aux logements sociaux : 350 000 FCFA par mois pour la location et 500 000 FCFA pour l’acquisition. Ces seuils excluent de fait une large partie de la population active. Une étude de l’Institut national de la statistique (INS) indique que 87,5 % des ménages camerounais ne peuvent accéder à un logement sans aide publique.

Pour contracter un prêt immobilier d’environ 20 millions FCFA, il faut justifier d’un revenu mensuel de 376 000 FCFA, un niveau inaccessible pour la majorité des jeunes actifs ou étudiants. Cette contradiction entre le discours social et la réalité économique renforce le sentiment d’exclusion. Les données de l’INS et les faits de terrain traduisent une même urgence : refonder les politiques publiques autour de l’humain.

PAR LA REDACTION

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