« Le gouvernement a l’occasion de relancer l’industrialisation agricole »

JEAN MARIE BIADA, économiste

L’expert certifié Onudi en diagnostic et mise à niveau des entreprises analyse la décision du Groupement des Meuniers du Cameroun de suspendre la livraison de la farine de blé pour une période indéterminée, en explorant les pistes d’un basculement aux farines locales.

Quel commentaire faites vous de la mesure prise par les meuniers d’arrêter la production et la commercialisation de la farine de blé et quelles peuvent être les incidences économiques d’une telle décision ?

Cette décision m’inspire un commentaire multiforme. Je commencerai par dire que les meuniers sont dans une position extrêmement sensible sur la chaine de production alimentaire ou de ce qu’on peut appeler les produits de grande consommation au Cameroun. Pendant de nombreuses années, nous avons expérimenté la culture du blé mais sans grands résultats. Le Cameroun s’est donc retrouvé à importer de l’extérieur notamment de la Russie pour ce qui est de la farine bas de gamme et de la France et du Canada pour ce qui est du blé moyenne gamme. Quand les meuniers disent qu’ils vont suspendre leur production, cela devrait nous laisser craindre un chamboulement dans le marché de production des denrées de première nécessité car le blé entre dans la fabrication de certains aliments que nous consommons deux ou trois fois par jour. Mais par cette décision, les meuniers tiennent en réalité à interpeller le gouvernement sur leur sort. Parce qu’en fait les deux années de pandémie ont été très dures pour ce qu’on appelle, en économie, les price takers . Des gens qui vendent un produit dont ils ne fixent pas le prix et c’est le cas pour le groupement des meuniers. Car, leurs fournisseurs de blé à l’étranger fixent le prix sans avoir à les consulter. Si la dizaine d’entreprises qui constituent ce groupement venait à mettre la clé sous le paillasson, cela reviendrait à mettre 20 000 à25 000 camerounais dans la rue. C’est-à-dire ceux qui travaillent directement et indirectement avec ce secteur. Ça fait également 1000 à 2000 transporteurs qui portent le blé de la zone portuaire pour aller déposer dans le silo. Pour prendre le cas de la zone industrielle de Bonabéri où se trouvent l’essentiel de ces entreprises ou du Sud-Ouest où se trouve Olamcam, un des barons de ce secteur. Ce dernier produit en moyenne200 000 tonnes de blé l’an et injecte un peu plus d’un demi-milliard de francs pour le transport. Si vous considérez la TVA pour le compte de l’Etat, c’est au moins 20 % de ce montant soit au moins 100 millions. D’autre part, les grandes vitrines qui achètent la farine pour, soit faire des gâteaux, des commerçants de beignets haricots ou des cafétérias, tout ce beau monde sera affecté.

Pensez vous que cette rupture dans l’approvisionnement de la farine de blé puisse être une op-port unité de développer des farines tirées des matières premières locales ?

On ne pourra pas tout de suite développer en grande quantité des farines locales. La principale farine qu’on identifie le plus c’est la farine de manioc. Or, ça fait 5 ans que j’ai particulièrement travaillé sur un projet dénommé Unité de transformation industrielle de manioc de Sangmelima. Un projet qui a été modifié pour la société de transformation de manioc de Sangmelima impliquant cette fois la mairie de ladite ville. Mais ce projet n’a pas pu prospérer parce qu’il manquait de la matière première. Cette rupture ne peut sonner le glas pour le développement en interne d’autres farines. Nous n’en produisons pas en quantité suffisante. Que ce soit le macabo, le manioc, le sorgho etc Aussi l’agriculture n’est pas subventionnée

Quelle politique faudrait-il donc mettre en place pour développer des filières locales de sorte à augmenter la production ?

Le gouvernement a lancé en 2007 le programme d’Appui à la Création et au Développement des PME de production et de conservation de transformation des denrées de consommation de masse. Qu’est il devenu ? Pourtant c’était une bonne réponse au point où si on avait mis cela en marche, le Cameroun serait un exportateur net de beaucoup de denrées déjà transformées non plus à l’état brut. Le gouvernement gagnerait à mettre véritablement en œuvre une politique industrielle à l’échelle agricole pour toutes les filières. Il peut choisir trois spéculations agricoles en fonction de ce que consomme, le plus la population. Créer des champs industriels de manioc, de macabo ce qui va permettre d’avoir de la substance dont la transformation pourrait nous permettre d’avoir des substituts à ce blé. Donc pour moi c’est l’occasion pour le gouvernement de relancer l’industrialisation agricole. Par ce que l’État a des réserves foncières et peut même se passer de certaines études pour les faire à posteriori

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