« le Chef de l’Etat a privilégié la transparence et le réalisme économique »

Le ministre des Finances apporte les clarifications sur les changements intervenus dans le budget 2020 à la suite du collectif budgétaire signé le 3 juin par le président de la république, Paul Biya.

« le Chef de l'etat a privilégié la transparence et le réalisme économique »

Monsieur le ministre, le président de la république a pris mercredi dernier une ordonnance modifiant et complétant la loi de finances pour l’exercice 2020. Qu’est-ce qui change fondamentalement ?

 L’épidémie survenue au début de cette année a affecté la terre entière avec des conséquences importantes au plan sanitaire et au plan économique. Et bien entendu le Cameroun n’a pas été épargné par cette crise. Les projections économiques que le gouvernement a réalisées, en accord avec nos partenaires notamment le FMI, tablent sur le fait que l’économie camerounaise est entrée en récession au cours de l’exercice 2020 et notre croissance va connaître une baisse d’environ 5 points et donc, au lieu d’une croissance projetée dans la loi de finances initiale de 4%, nous projetons, en fin d’exercice, une récession pour une croissance du PIB négative à -1,1%. D’où le “collectif budgétaire” que le président de la République a signé mercredi. C’est donc une ordonnance qui corrige la loi de finances. Ce qui change, c’est que les ressources publiques diminuent, les projections tablent sur une baisse d’environ 768 milliards de francs CFA et cette baisse affecte toutes les composantes de recettes, qu’elles soient fiscales. douanières ou non fiscales, Les recettes pétrolières, en particulier baissent de presque 70 % car nous avons fait une hypothèse dans la loi de finances d’un baril à 54,54 dollars mais aujourd’hui nous sommes pratiquement à 35 dollars, et il y a un mois nous étions pratiquement à 0 dollar le baril. Le deuxième changement que nous allons constater qui est la conséquence du premier c’est une diminution des dépenses programmées. Toutes les administrations ont subi pratiquement une baisse d’environ 20 % de leur dotation budgétaire, à part les ministères sociaux (santé, éducation, promotion de la femme et de la famille, Minefop, Minesup). Le troisième changement important c’est la création d’un compte d’affectation spécial dédié au Fonds de Solidarité Nationale pour la Lutte contre le Coronavirus et ses répercussions économiques et sociales, Le chef de l’Etat a donc voulu donner une matérialité budgétaire à ce fonds et ce compte reçoit une enveloppe conséquente de pratiquement 180 milliards de francs CFA, c’est un changement majeur. Le quatrième changement qu’on va noter dans les dispositions finales c’est qu’il y a des dispositions qui permettent d’organiser la gestion de ce fonds notamment les exceptions qui ont été levées, plus précisément, dans la loi sur le régime financier, il est dit qu’un fonds d’affectation spéciale ne peut pas recevoir plus de 10 % de son enveloppe du budget général. Cette clause a été levée afin que le Fonds dispose de suffisamment de ressources. Il y a aussi l’organisation des modalités de gestion du fonds qui disposent qu’il doit être géré de manière transparente pour le respect des principes de transparence et de redevabilité. Il s’agit là des exigences de nos concitoyens et surtout des partenaires qui accompagnent le gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Le chef de l’Etat a insisté sur la transparence dans la gestion du Fonds de Solidarité Nationale pour la lutte contre le Covid-19. Il y a quelques modifications mineures aussi. Il y a l’objectif de déficit. Nous projetions en loi de finances initiale 1.7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) maintenant on est à 4.5 % donc il y a un creusement du déficit parce qu’on est en crise.

Quels sont les objectifs visés par cette révision ?

Premièrement adapter la loi de finances au contexte économique du moment. Nous sommes en crise et il y a une baisse de l’activité économique et donc une baisse des ressources publiques attendues. Une loi de finances doit être calée au contexte. Il faut garantir un nouvel équilibre financier de l’Etat qui permet le bon déroulement des interventions de l’Etat, Il y a là un souci de sincérité. Le président de la République est pragmatique, il faut qu’on se conforme à la réalité économique. Il y a également un objectif de transparence, le chef de l’Etat après son discours du 19 mai pose des actes de transparence. C’est du respect pour les concitoyens pour leur dire voilà ce que l’Etat peut avoir, voilà ce que l’Etat peut faire. Deuxièmement, il fallait recentrer la loi de finances sur la lutte contre le coronavirus, la lutte contre le coronavirus devient donc le centre de l’action de l’Etat, le centre d’allocations des ressources publiques. En prenant cette ordonnance, le chef de l’Etat montre ce qui va constituer l’action de l’Etat au cours des six prochains mois et enfin le chef de l’Etat rassure nos partenaires et les marchés financiers. Il est important que notre budget soit crédible, conforme à la réalité économique. L’ordonnance avait aussi pour objectif de mettre dans la loi certaines mesures annoncées par le Premier ministre, chef de gouvernement.

A quoi vont concrètement servir les ressources allouées au fonds de solidarité ?

 Grossomodo le fonds de solidarité va prendre en charge les interventions de l’Etat qui sont contenues dans la stratégie globale de riposte contre le coronavirus validé par le gouvernement. Ce fonds prend donc en charge les dépenses sanitaires liées à la lutte contre la pandémie notamment celles relatives au dépistage, la prise en charge des malades et les mesures administratives de régulation sociale. Il prend également en charge les dépenses réalisées en faveur des personnes vulnérables affectées par la crise sanitaire à savoir la mise en place du fonds de solidarité de soutien des enfants de la rue, l’extension du programme de filets sociaux, le développement de l’enseignement à distance et les actions qui seront menées par les administrations publiques notamment les ministères du secteur de l’éducation pour conclure l’année scolaire et académique, des aides financières de l’Etat aux entreprises qui sont dans les secteurs d’activités affectés par la pandémie à travers entre autres l‘apurement de la dette intérieure, du stock des crédits TVA et l’acquisition d’intrants agricoles en vue de réduire la dépendance alimentaire. Il y a aussi le financement de la recherche et de l’innovation dans la lutte contre le coronavirus plus précisément le développement de la pharmacopée locale.

Est-ce à dire que les 116 milliards déjà consentis par l’Etat pour les allégements fiscaux sont compris dans le fonds de solidarité ?

 Le fonds de solidarité c’est 180 milliards en dépenses réelles, c’est- à-dire des dépenses qui vont entraîner des sorties en faveur des actions sanitaires que je viens de citer et autres. Maintenant, il faut donc ajouter les 116 milliards qui sont des facilités accordées par l’Etat pour aider les entreprises aussi. Si on veut apprécier l’effort global fait par l’Etat, il faut ajouter ces 116 milliards au fonds spécial pour avoir ce que l’Etat a consenti comme efforts pour soutenir la lutte contre le coronavirus pour l’exercice 2020,

Est-ce que l’ordonnance prend en compte les allégements de la dette accordée par les partenaires ?

Oui, cette ordonnance a pris en compte les allégements accordés par nos partenaires au développement en faveur du Cameroun. Cet allègement a été budgétisé à 118 milliards. Il y a donc un espace de trésorerie que nous gagnons du fait que nous n’allons plus payer ce qu’on devait payer d’ici la fin de l’année dans le cadre de la dette. C’est cet avantage qui nous donne la possibilité d’abonder le fonds de solidarité ; donc il y a un lien entre cet allégement et la capacité que le gouvernement a eu à mobiliser 180 milliards, Donc si on devait payer les 118 milliards on allait plus avoir autant de moyens pour abonder le fonds. C’est l’occasion pour moi au nom du gouvernement de remercier nos partenaires au développement qui nous viennent en aide dans la lutte contre cette pandémie non seulement sous forme d’allégement mais aussi avec les appuis exceptionnels. L’appui exceptionnel reçu de nos partenaires est évalué à 408 milliards de francs CFA (appuis frais plus 118 milliards d’allégement) sans compter les autres appuis financiers classiques qui sont attendus du programme économique et financier qui sont de 168 milliards. Ces fonds permettent d’amoindrir la baisse du budget, sur une baisse de recettes de 768 milliards de francs CFA, le budget ne baisse finalement que de 542 milliards de francs CFA.

 Le Cameroun devient coutumier des ordonnances. Cela fait trois années d’affilée qu’on y a recours…

Il peut arriver quand on souhaite à chaque fois coller à la réalité, qu’une Ordonnance vienne modifier les dispositions préalablement arrêtées. Il vous souvient qu’il y a quelques années, la création en cours d’année d’un nouveau ministère, à savoir le ministère de la Décentralisation et du Développement Local provoquait une redistribution des crédits qui n’avait pas été prévue au moment de l’élaboration du budget ; de même la signature des différentes conventions en vue de la construction du barrage de Nachtigal était conditionnée par les différentes cautions ou avals de l’Etat, ce qui nécessitait que le plafond de ces avals soit relevé par rapport au montant fixé dans le budget etc,. Je peux citer d’autres « évènements » comme l’incendie de la Société Nationale de Raffinage (Sonara) en Mai 2019 qui sont venus bouleverser des données fondamentales inscrites dans la Loi de finances initiale. Laisser cette Loi de finances telle que votée aboutirait en effet à afficher un budget qui n’a plus rien à voir avec la réalité, d’où les corrections que sont faites par voie d’ordonnance. Ceci dénote tout simplement du souci du chef de l’Etat de jouer la carte de la transparence et du réalisme en restant « collé » à la réalité économique qui est essentiellement mouvante et le budget doit refléter cette réalité.

Source: Cameroun-Tribune

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