Le 31 juillet dernier, des milliers d’abonnés Blue, la marque mobile de Camtel, ont reçu un laconique SMS. « Cher client, les offres blue mo (S, M, L) et blue go (night, S, M, L, XL, XXL) sont temporairement indisponibles. Merci pour votre fidélité ». Depuis, plus rien. Pas d’annonce officielle, pas de campagne d’explication. Les forfaits journaliers — allant de 100 à 500 FCFA — ont tout simplement disparu, remplacés par une unique offre à 1000 FCFA pour 2 Go utilisables sur une semaine.
Pour beaucoup de clients, cette suppression a sonné comme un abandon. « Les forfaits ont disparu, il ne reste que ceux de 1000 FCFA et plus », déplore Lionel K. visiblement courroucé. Plus grave, même ce forfait unique est fréquemment inaccessible. À la souscription, certains abonnés reçoivent ce simple message : « System Error ». De quoi accentuer la colère des usagers, qui se sentent piégés. La disparition des forfaits d’une durée de 3h, 24h et 48h touche particulièrement la clientèle quotidienne, celle qui, faute de revenus réguliers, recharge au jour le jour. « Au Cameroun, comme dans d’autres pays de la sous-région, les micro-recharges constituent pour beaucoup, la porte d’entrée de l’internet mobile. Supprimer ces offres, c’est couper l’accès à une frange essentielle de la population », explique un expert basé à Douala. Pour lui, Camtel commet une erreur stratégique. « En se détournant des petits consommateurs, l’entreprise renonce à son socle le plus large. C’est une politique d’exclusion qui profite directement à la concurrence. »
RÉSEAUX SOCIAUX EN ÉBULLITION
La page Facebook de Camtel et de sa marque Blue sont devenues, depuis début juillet, un exutoire pour les clients en colère. Sous chaque publication promotionnelle – qu’il s’agisse d’une invitation à un concert ou d’une offre fibre optique – se succèdent des dizaines de plaintes. Exemple : sous un post Facebook datant d’à peine 2 jours, dans lequel la marque Blue fait la promotion d’une offre qui combine l’internet, SMS et la possibilité de passer des appels tous réseaux, tout ceci en illimité, la quasi-totalité des 26 commentaires dénoncent les forfaits supprimés ou la qualité médiocre du réseau. Un internaute a même transformé sa frustration en lettre ouverte. « Cela fait désormais quatre jours que je suis privée de connexion internet. Ce qui est encore plus révoltant, c’est l’absence totale de communication de votre part. Aucun message, aucune assistance. C’est inadmissible et témoigne d’un profond manque de respect et de professionnalisme. » Son commentaire, comme tant d’autres, n’a reçu aucune réponse.
Au-delà des forfaits disparus, les critiques convergent majoritairement vers le service client. Nombre d’abonnés dénoncent un réseau qui disparaît parfois plusieurs jours sans explication, des forfaits activés mais inopérants, ou encore l’obligation de redémarrer son téléphone à répétition pour espérer capter une connexion. « Dans le secteur des télécoms, la qualité de l’expérience client est un facteur clé de fidélisation. Si les usagers doivent se battre pour accéder au service, ils partent », tranche Patrick O. consultant en marketing commercial. Il rappelle que Camtel a lancé la marque Blue en 2020 avec la promesse d’une rupture. « Rapidement, la réalité a rattrapé la communication. Les plaintes récurrentes sur la qualité du réseau n’ont jamais été réglées. Aujourd’hui, avec la suppression silencieuse des petits forfaits, Camtel confirme une tendance inquiétante »
SILENCE RADIO DES DIRIGEANTS
Interpellée par plusieurs médias, dont Défis Actuels, la direction de Camtel n’a pas souhaité réagir. Seule réponse visible, quelques messages génériques sur les réseaux sociaux, évoquant « des mises à jour techniques en cours » et promettant un retour rapide des forfaits. Mais les semaines passent, et rien ne change. Pour le Patrick O, cette décision illustre un défaut de positionnement. « Camtel cherche peut-être à développer des offres plus attrayantes. Mais elle oublie que son image reste ancrée dans l’accessibilité nationale, dans le service universel. En coupant le lien, même si cela est temporaire, avec les petits consommateurs, elle sape son capital de marque et accélère la fuite des clients vers MTN et Orange. »
Paradoxalement, au moment où ses clients s’indignent, Camtel multiplie les partenariats culturels. Le dernier message promotionnel, envoyé le 16 août, invite les abonnés à participer à l’Olembe Golden Week (semi-marathon, course cycliste et grand prix motos). « Ce décalage est désastreux en termes de perception. L’entreprise communique sur des événements festifs alors que ses abonnés n’arrivent même pas à activer un forfait. C’est l’exemple typique d’une politique de communication déconnectée du terrain », commente Nadine K. experte en communication de crise.
Dans le secteur télécoms, la confiance est un actif immatériel majeur. Une fois durablement brisée, elle est parfois difficile à regagner. « Blue accumule les signaux négatifs depuis des années : lenteur du service client, promesses non tenues, qualité de réseau inégale. Mais la suppression des petits forfaits touche directement le quotidien des ménages modestes, qui représentent la majorité du marché », analyse un autre expert. Lancée en fanfare, Blue devait incarner la modernisation de Camtel et sa conquête du marché mobile. Quatre ans plus tard, l’initiative ressemble à une promesse trahie. La marque, censée séduire la jeunesse connectée, croule sous les plaintes et peine à fidéliser. « Si Camtel ne réintroduit pas rapidement des offres accessibles et n’investit pas dans un service client réactif, Blue pourrait devenir un cas d’école d’échec de repositionnement », prévient Patrick O.







