jeudi, novembre 6, 2025
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   Impéritie, Incurie, Arrogance : ces poisons lents qui tuent le régime Biya de l’intérieur

Malgré ses moyens financiers et humains colossaux, le régime de Yaoundé a enregistré un score en recul par rapport aux précédentes élections. Une contre-performance symptomatique d’un mal plus profond : l’impéritie, l’incurie et l’arrogance d’un système épuisé, incapable de se réformer et de répondre aux attentes d’un peuple qu’il refuse obstinément de comprendre.

Qui peut croire qu’il a fallu trente ans au régime pour enfin offrir aux Lions indomptables de l’équipée historique de 1990 les maisons qui leur avaient été promises ? Pourtant, c’est bien en août 2020 que cette récompense, alors promise par le président Biya, a été attribuée aux valeureux Lions de cette épopée italienne (trois d’entres eux n’ont jamais pu en profiter car décédés entre temps : Louis Paul Mfédé, Tataw Stephen et Benjamin Massing). Trente longues années durant lesquelles la bureaucratie camerounaise a fait ce qu’elle sait faire le mieux : tourner en rond, compliquer les choses les plus simples, bloquer les initiatives et chercher les intérêts individuels de quelques fonctionnaires. Il aura donc fallu trois décennies au gouvernement camerounais pour mener à terme une procédure qui se règle en quelques mois dans la plupart des autres pays. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que de nombreux grands projets piétinent — autoroutes, péages automatiques, complexes touristiques, etc. — lorsqu’ils ne disparaissent pas tout simplement de l’agenda gouvernemental.

Cette forme achevée d’incurie est précisément ce contre quoi de nombreux Camerounais se sont levés le 12 octobre dernier, infligeant au RDPC une défaite historique dans plusieurs grandes villes. Certes, les résultats officiels donnent le président Paul Biya vainqueur, mais la dégringolade de son score national — de près de 20 points — traduit une rupture profonde de confiance entre la gouvernance actuelle et les populations. Le parti au pouvoir, pourtant nanti de moyens financiers, logistiques et humains colossaux, s’est montré incapable de transformer cette puissance, autrefois redoutée, en atout électoral.

En somme, l’impéritie, l’incurie et l’arrogance qui caractérisent nos hauts dignitaires se sont transposées sur le terrain électoral, à travers une multiplication de maladresses et de preuves d’incompétence. Ainsi, cette puissante machine aura même été incapable de réceptionner et de distribuer les gadgets de campagne à temps — exactement comme elle gère les affaires de l’État. Depuis des années, le régime Biya est rongé par trois poisons lents : l’impéritie, l’incurie et l’arrogance.

Trois mots qui résument la lente mais sûre décomposition d’un système qui ne travaille plus que pour lui-même, abreuvant les populations de justifications farfelues là où elles attendent des résultats concrets. Des justifications bancales déclamées avec aplomb, comme si les Camerounais n’étaient qu’un peuple d’abrutis capables de gober toutes sortes de boniments.

L’INCOMPÉTENCE DEVENUE NORME

 Le RDPC n’a jamais manqué de cadres, mais il manque de compétences réelles. La sélection des élites obéit désormais à des logiques d’allégeance, non de mérite. L’accès aux grandes écoles dépend aujourd’hui davantage de l’épaisseur du portefeuille et du tissu de relations haut placées que des aptitudes intellectuelles. Normal, donc, qu’au bout du compte, l’administration soit tenue par une chaîne d’incompétents dont bon nombre ont acheté leur place dans les grandes écoles, puis leurs postes dans la hiérarchie administrative. Dans les structures du parti comme dans celles de l’État, les plus zélés supplantent les plus compétents. Résultat : une direction politique souvent déconnectée du terrain, incapable de lire les signaux faibles de la société.

 Dans le quotidien des Camerounais, cette impéritie se manifeste dans les nombreux projets inachevés, les villes insalubres et l’incapacité de l’État à faire face aux demandes sociales en matière d’emploi, de santé ou d’éducation. Sur le terrain politique, cette incompétence généralisée s’est encore révélée au grand jour durant la campagne électorale : messages brouillons, absence de stratégie de communication cohérente, incapacité à mobiliser la jeunesse urbaine — pourtant jadis pilier des mobilisations. Les « ténors » du régime ont multiplié les meetings sans âme, les promesses ressassées pour la énième fois devant un public aussi maigre qu’incrédule, pendant que l’opposition investissait les réseaux sociaux et réveillait les consciences, tirant parti du ras-le-bol et de la détresse d’une majorité bâillonnée.

L’INDIFFÉRENCE À LA SOUFFRANCE DU PEUPLE

 L’incurie du régime Biya, c’est aussi — et surtout — la négligence érigée en gouvernance. Dans un pays où la vie quotidienne est une épreuve — routes défoncées, hôpitaux délabrés, chômage endémique, corruption omniprésente — le pouvoir semble vivre dans une bulle. Quand l’insécurité monte, les hiérarques du régime élèvent un peu plus leurs clôtures, doublent la garde devant leurs résidences et recrutent des gardes du corps pour leurs familles. Le RDPC, en quasi parti d’État — qui n’a d’ailleurs pas tenu de congrès depuis une décennie — s’est enfermé dans une routine bureaucratique où la victoire électorale est considérée comme un droit acquis, non comme une mission à reconquérir. Or, les Camerounais, qui n’ont jamais été dupes, ont manifestement perdu patience. Dans les grandes villes, notamment Douala, Yaoundé, Bafoussam ou Garoua, une partie de la population urbaine a sanctionné cette incurie par le vote. Le message est clair : on ne gouverne plus un peuple qu’on n’écoute pas. Un message que le régime ferait bien d’entendre et de comprendre avant les élections locales prévues dans quelques mois.

L’ARROGANCE : LE MÉPRIS DES SIGNAUX DU RÉEL

Le troisième poison, peut-être le plus destructeur pour le régime RDPC, c’est l’arrogance. Celle d’un pouvoir qui se croit éternel, qui confond stabilité et immobilisme. Celle d’une élite administrative et politique persuadée que le peuple camerounais lui doit gratitude et obéissance. Cette élite déboule périodiquement dans les villages à bord de véhicules cossus payés par l’État, plus pour exhiber sa « réussite » et chanter les louanges du président, leur bienfaiteur, que pour écouter les populations et chercher des solutions à leurs problèmes. Cette arrogance a conduit à une déconnexion complète entre la base et le sommet. Quand le peuple gronde, on parle de manipulation, dressant les Camerounais les uns contre les autres, avec des arguments ethniques. Quand la jeunesse revendique, on répond par le mépris ou la répression. Quand l’opposition progresse, on se réfugie derrière le déni, voire les discours triomphalistes. Mais cette façade se fissure, et les fissures deviennent des brèches.

 UN AVERTISSEMENT DE L’HISTOIRE

Ce qui s’est passé lors de cette présidentielle est plus qu’un accident électoral : c’est un avertissement historique. Le RDPC, machine politique redoutable dans les années 1990 et 2000, se délite de l’intérieur, minée par l’incompétence doublée de l’arrogance de ses cadres. Sa puissance financière et son maillage territorial ne suffisent plus à masquer sa déconnexion totale des préoccupations populaires. Sa discipline de parti ne compense plus la perte de légitimité. Le RDPC semble avoir oublié que gouverner, c’est servir, non se servir. Que le pouvoir n’est pas un héritage, mais une un charge quasi-sacerdotale au service des populations, surtout les plus démunies. Si le régime Biya veut encore écrire son nom dans l’histoire autrement que comme une longue agonie du pouvoir, il doit changer — non par des slogans, mais par un profond renouvellement moral et politique : rendre la parole au peuple, restaurer la compétence et le sens du devoir, bannir l’arrogance. Faute de quoi, les poisons d’aujourd’hui deviendront les causes certaines de sa chute demain.

PAR LA REDACTION

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