FONDS COVID : 12 poursuites pénales en vue

La seconde mouture du rapport d’audit de la juridiction sur les fonds Covid met à nue 14 dossiers de fautes de gestion.


Aucun nom n’a été cité, mais les personnes concernées sont aisément identifiables. Et les magistrats de la Chambre des Comptes de la Cour suprême voudraient les envoyer comparaître devant les tribunaux Compétents. La synthèse du rapport d’audit qui a fuité le 28 juin dernier révèle qu’un minimum de 12 dossiers mériteraient d’être traités comme des affaires pénales. Les magistrats estiment que les faits reprochés à ces gens relèvent de détournement de fonds publics. Ni plus ni moins.

En comparaison à la synthèse du rapport général diffusé le mois dernier, il s’agit bien d’une évolution majeure. Le premier document qui a fuité revendiquait l’ouverture de 30 procédures pour fautes de gestion. La Chambre ne prévoit désormais plus que 14 procédures de cet ordre tout en maintenant l’unique procédure pour gestion de fait. Dans les faits, les conséquences dans le fond des deux documents ne peuvent pas être les mêmes, eu égard aux objectifs qu’ils poursuivent chacun. Le premier rapport visait à « vérifier la mise en œuvre des 26 activités prévues par le décret de répartition du Premier ministre et leur performance ». Il s’en est logiquement tenu à l’analyse approfondie de la gestion de chaque poste de dépenses. Il se contente ainsi de faire un inventaire exhaustif des chapitres de l’« Attribution des marchés spéciaux et lettres de commande spéciales à l’acquisition des médicaments de prise en charge en passant par l’aménagement des locaux pour l’isolement des patients détectés. Le second document qui est une synthèse du rapport général semble plus complet. Dans tous les cas, il se propose d’aller un peu plus loin. Son objectif est d’étudier « la régularité de l’emploi des fonds publics et la performance de l’action publique, c’està-dire son économie, son efficience et son efficacité ».

Le Premier ministre au Centre

La toute première fuite s’en tenait à donner des conseils aux ministères de la Santé publiques, des Finances, de la Recherche scientifique et à celui du Commerce. Le nouveau document replace les services du Premier ministre au centre du jeu avec pas moins de dix points à prendre à bras-le-corps et à améliorer. Et contrairement au premier rapport de synthèse où les recommandations n’avaient pas singulièrement été détaillées, il est demandé au Premier ministre d’« inscrire régulièrement à l’ordre du jour des réunions de l’instance interministérielle chargée du pilotage stratégique de la pandémie instituée auprès [de lui] , l’examen des CAS-Covid-19 et de la performance de chacune des actions financées ». D’une manière générale, le plus récent document sorti par inadvertance des tiroirs de la Chambre des Comptes n’est pas seulement plus complet. Il est aussi plus impersonnel. On y retrouve très peu de noms indexant directement des particuliers tandis qu’on peut y lire d’intéressants graphiques. C’est par exemple le cas du tableau des opérations budgétaires 2020 du Compte d’affectation spéciale Covid -19. On peut aussi y consulter l’évolution du nombre de patients hospitalisés au Cameroun.

Mais le signe le plus patent du resserrement méthodologique du dernier document est l’« Avertissement » en début du document. On y lit qu’il s’agit d’une synthèse dont l’objectif est de faciliter la lecture du rapport en lui-même. La juridiction financière précise par ailleurs que « seul le rapport et non la synthèse » l’engage en tant que tel. Les rédacteurs du rapport de synthèse n’hésitent par ailleurs pas à stigmatiser les difficultés auxquelles ils ont été confrontées au cours de leurs enquêtes. On y lit par exemple que « la Chambre a été contrainte de se livrer à un travail complexe de recherches des dépenses imputables au fond spécial parmi l’ensemble des dépenses du Minsanté ». Ces points de différences établis n’effacent toutefois pas les lignes de continuité qui se dégagent des deux documents. Dans tous les cas, on remarque que l’entreprise Mediline Medical Cameroon s’est taillée la part du lion dans les marchés attribués dans le cadre du fonds spécial. On retrouve aussi à gauche et à droite des conflits d’intérêts impliquant le président du Groupe de travail du ministère de la Santé. Ici, précisément, les magistrats de la Chambre des comptes n’hésitent pas à évoquer un « risque élevé de qualification pénale attaché à l’attribution des marchés ».

Par Jean Omb Njéé

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