Etoudi 2018 : Ceux qui empêchent la coalition de l’opposition

Alors que certains continuent de nourrir le rêve d’une coalition inédite des candidats de l’opposition, la bataille de leadership fait rage, tandis que le Sdf bloque les négociations.

Alors que certains continuent de nourrir le rêve d’une coalition inédite des candidats de l’opposition, la bataille de leadership fait rage, tandis que le Sdf bloque les négociations.
A une semaine de l’élection présidentielle au Cameroun, le projet de rassembler les huit challengers du président sortant, autour d’une candidature unique de l’opposition semble irréalisable. Si certains analystes et autres leaders politiques ont longtemps estimé que « l’unique » chance pour l’opposition de vaincre le candidat Paul Biya à ce scrutin est de constituer une coalition, plusieurs événements se sont enchaînés, et le rêve de certains, de voir les huit représentants de l’opposition former un seul bloc pour faire face au champion du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc) s’est estompé. Au moins quatre raisons expliquent cette thèse.

Le facteur temps

Le premier facteur qui rend impossible le projet de rassemblement des candidats de l’opposition autour d’une seule et même candidature, est incontestablement le facteur temps. Si Maurice Kamto du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et Akere Muna de l’Alliance pour la Fraternité et le Progrès (AFP) se sont souvent rencontré pour discuter de leur intérêt pour une candidature unique et inédite, reste qu’ils sont tout aussi unanimes sur le fait qu’elle aurait dû se faire avant le lancement de la campagne, le 22 septembre dernier. « J’entends beaucoup parler d’égos, même s’il en faut pour entreprendre quelque chose », confie Maurice Kamto à RFI. « Me Akere Muna et moi avons certaines convergences, mais est-ce qu’à deux semaines de l’élection nous pouvons encore aboutir à quelque chose ? ». Et d’ajouter au micro de la Crtv : « Moi je ne veux pas entretenir un faux espoir chez les Camerounais. On ne peut pas continuer pour attendre la veille de l’élection ou la période de campagne électorale pour dire qu’on n’est pas parvenu à s’accorder. Les Camerounais risquent de se fâcher ». Les candidats favorables à une union ne parviendraient pas à allier leurs projets de société respectifs. « Les questions de fond qui se posent en ce moment portent sur l’harmonisation des projets de société », assure Serge Espoir Matomba, candidat du Purs (Peuple uni pour la rénovation social). Entre temps, la campagne est ouverte. Chaque candidat a constitué son équipe respective et communiqué son plan de campagne. Tous se sont lancés dans une véritable opération de charme en électron libre. Une attitude qui cache mal leur détermination à s’unir derrière une seule et même candidature.

Bataille de leadership

C’est que, selon certains observateurs de la scène politique camerounaise, l’autre facteur qui favorise la division chez les huit challengers de Paul Biya, c’est la bataille pour le leadership. « Tous ces candidats savent au fond d’eux que dispersés », explique un expert, « ils n’ont aucune chance de gagner devant un Paul Biya qui cumule déjà six élections remportées et qui dispose d’un parti implanté dans tout le pays. Du coup, certains candidats se battent pour terminer deuxième à cette élection afin de se voir attribuer le statut de leader de l’opposition. Et on sait qu’au Cameroun, il y a un certain nombre d’avantages à être leader de l’opposition ». Cabral Libii avait pourtant émis deux (brillantes) propositions. D’abord, celle pour les huit candidats de l’opposition de se retrouver à l’effet « d’élaborer une stratégie commune pour sécuriser le vote ». Ensuite celle pour les huit candidats de se retrouver « dans une salle et que nous procédions à des primaires entre nous. C’est-à-dire que nous sommes huit autour d’une table, chacun prend un bout de papier et écrit le nom de celui qu’il pense pouvoir être notre leader. Chacun ne vote pas pour soi-même, mais pour l’un des sept autres. Après, nous dépouillons ensemble. Celui qui a la faveur de ce dépouillement est notre candidat unique et nous nous mettons à son service », expliquait le candidat du parti Univers. Sauf que, son idée n’a été publiquement acceptée par aucun autre candidat que lui. « Une candidature unique de l’opposition n’est pas possible. Parce que chacun des candidats des formations politiques de l’opposition se considère comme étant la solution, celui par qui se fera l’alternance. Il est donc difficile d’avoir une convergence », explique un commentateur politique.

Le blocus du Sdf

S’il y a un autre facteur qui soutient cette thèse, c’est la division qui est née autour de la question liée au profil du candidat unique. Si Cabral Libii est le seul à avoir publiquement indiqué être prêt à battre campagne pour un autre candidat, les autres font fi de la question. Presque tous les partis de poids sont convaincus d’être très bien implantés sur le terrain et commencent à se convaincre que s’il y a une coalition à faire, c’est leur parti qui devra la conduire. Au Social Democratic Front (SDF) par exemple, c’est l’hypothèse la mieux partagée. Si un parti veut s’associer au parti de Ni John Fru Ndi, ce sera pour soutenir Joshua Osih, le candidat du parti de la balance. « J’aimerais ici, dissiper tout doute, que les gens peuvent égrainer, au passage pour l’élection qui arrive. En 1992, John Fru Ndi a gagné l’élection présidentielle, devant les traitres de l’opposition. Il ne faut pas que l’on vienne vous tromper en vous faisant croire que pour gagner l’élection présidentielle, il faut un candidat unique de l’opposition », a déclaré Joshua Osih, affirmant sa prééminence sur les autres leaders des partis de l’opposition, en meeting le 30 avril dernier à Mbouda, région de l’Ouest. Mais l’idée de ne faire aucune alliance avec les autres partis politiques a été adoptée près d’une semaine plus tôt, lors d’une session du Comité exécutif national (NEC), le 21 avril 2018. Au cours de cette réunion élargie à l’ensemble des élus dudit parti, le SDF a écarté l’option d’une coalition avec d’autres candidats. « Le SDF est la principale formation politique de l’opposition et il n’acceptera aucune coalition avec un candidat d’une autre formation politique qui viendrait avec l’intention d’être le candidat de la coalition. Et donc, c’est soit vous vous alliez au SDF et soutenez son candidat, soit vous ne demandez aucune coalition », dit-on dans les rangs du parti de Ni John Fru Ndi. « Si d’autres veulent nous accompagner au pouvoir, ils sont les bienvenus », poursuit Joshua Osih.

Le mutisme de Ndam, Garga et Ndifor

Pendant que certains candidats continuent d’espérer une coalition de dernière minute, alors qu’au SDF l’on est prêt à avancer seul (ou presque), d’autres candidats notamment Adamou Ndam Njoya de l’UDC, Garga Haman Hadji de l’ADD et Frankline Ndifor Afanwi du Mcnc, tardent à sortir du bois. Rares sont ceux qui peuvent s’estimer heureux de connaitre leurs positions respectives sur la question d’une candidature unique de l’opposition. Une attitude qui, tout comme les batailles de leadership ou le blocus du SDF indignent bon nombres de politiciens. Tenez, Jean Jacques Ekindi explique par exemple son ralliement au président Paul Biya par le fait que ses tentatives de rassemblement des candidats de l’opposition n’ont pas connu de réaction positive. Du coup, c’est visiblement conscient que Cabral Libii et compagnie ne devraient pas gagner en rangs dispersés qu’il annonce qu’il votera pour Paul Biya, tout comme ses partisans.

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