Le barrage de Nachtigal, érigé sur le fleuve Sanaga, devait être le fleuron du mix énergétique camerounais. Avec ses 420 mégawatts de puissance installée, il représente près de 30 % de la capacité électrique nationale. Pourtant, depuis sa mise en service intégrale le 18 mars 2025, le projet pèse davantage sur le budget de l’État qu’il ne renforce l’accès à l’électricité. En vertu du contrat d’achat d’électricité signé en 2018 entre Éneo, concessionnaire de la distribution, et Nachtigal Hydro Power Company (NHPC) — consortium réunissant EDF, la Société financière internationale (SFI) et l’État camerounais —, Éneo doit verser 10 milliards de FCFA par mois, que l’énergie soit consommée ou non.
Ce mécanisme dit take-or-pay impose de rémunérer la production disponible, même si le réseau ne parvient pas à l’absorber. Sur le terrain, une seule ligne de transport de 225 kV relie actuellement Nachtigal à Yaoundé, alors que la liaison vers Douala, cœur industriel du pays, reste inachevée. Conséquence : une part importante de l’électricité produite n’est pas distribuée, mais entièrement facturée, conformément au contrat. Dans son rapport de juin 2025, le Fonds monétaire international (FMI) s’inquiète ouvertement des effets de ce dispositif sur les finances publiques, estimant que « les charges liées au fonctionnement de la centrale de Nachtigal devraient exercer de nouvelles pressions sur le budget ». Car en cas de défaillance d’Éneo, l’État s’est engagé à prendre le relais. Cette clause est déjà activée.
Selon des sources proches du dossier, le ministre des Finances Louis-Paul Motaze a sollicité, dès le début de 2025, un prêt de 80 milliards de FCFA auprès de Société Générale Cameroun (SGC) pour apurer les arriérés d’Éneo envers NHPC, estimés à 15 milliards de FCFA. Cette facilité ayant expiré, un nouveau financement de 100 milliards de FCFA a été monté auprès d’un pool de banques locales, toujours sous l’arrangement de Société Générale Capital Securities Central Africa. Ces opérations, bien que nécessaires pour éviter un défaut de paiement, transfèrent le poids de la dette vers le Trésor public. D’après des données publiées par le ministère de l’Eau et de l’Energie, Eneo est en proie à une dette globale estimée à 800 milliards de FCFA fin 2024. L’entreprise ne règle plus qu’une partie de ses factures mensuelles.
D’après des documents internes cités par Investir au Cameroun, les paiements effectués « couvrent moins de 50 % des montants dus à NHPC ». Le ministère de l’Eau et de l’Énergie (Minee) classe même Éneo parmi les risques budgétaires majeurs pour l’État, soulignant qu’elle « pourrait provoquer un écart entre les prévisions et l’exécution budgétaire ».







