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Economie Bleue : la filière crevettière artisanale pèse 30 milliards FCFA par an

Ce chiffre provient d’une enquête réalisée en mai 2024 dans 154 campements, qui met en évidence le poids économique de la filière crevettière artisanale. Elle montre toutefois qu’elle reste largement orientée vers le marché intérieur, au détriment d’un potentiel exportateur plus rémunérateur.

L’étude, conduite par le ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA) avec l’appui du Bureau d’appui au développement de la pêche (BADEP), a mobilisé 42 enquêteurs et 18 agents de la marine nationale pour sécuriser les opérations dans le département du Ndian, principal foyer de cette activité. Au total, 60 personnes ont collecté et traité près de 654 fiches de données, saisies et analysées au CECOPAK de Kribi en septembre 2024.

Les résultats montrent que la pêche à la crevette est pratiquée dans 77 campements, dont 49 situés dans le Ndian. Sur les 11 174 acteurs recensés, les maîtres pêcheurs et leurs aides représentent 89 % de la main-d’œuvre. Les engins utilisés sont variés : 6 302 filets maillants de fond, 6 543 filets Mousgoums, 875 nasses à crevette et 9 202 Ngotos. Le filet Mousgoum, filet dérivant utilisé en mer, est l’outil le plus productif, avec une moyenne de trois kilogrammes de crevettes par sortie en haute saison, contre un kilogramme en saison basse. Les captures suivent un cycle saisonnier lié au climat.

Les périodes de janvier à avril et décembre, correspondant à la saison sèche, enregistrent les plus faibles volumes. Les mois de mai, juin et novembre sont intermédiaires, tandis que la saison des pluies, de juillet à octobre, offre les meilleures prises. Les espèces les plus courantes sont les gambas, présentes dans 62 % des campements, les écrevisses (64 %) et, dans une moindre mesure, les crevettes roses et grises (14 %). La transformation reste marginale.

Seuls 5 % des acteurs fument poissons et écrevisses, souvent mélangés à d’autres espèces capturées par le ngoto, un filet ciblant principalement les écrevisses. Dans le Ndian et le Wouri, des crevettes apparaissent aussi sur les claies de séchage, mais la majorité des captures est vendue fraîche. Sur le plan social, la filière reste dominée par des pêcheurs d’origine nigériane.

Toutefois, la présence de Camerounais progresse, notamment parmi les utilisateurs de filets mousgoums. En 2009, ils n’étaient que 400 ; aujourd’hui, leur nombre est en hausse grâce aux politiques de repeuplement et d’installation menées dans la péninsule de Bakassi. Les Camerounais sont également actifs dans le mareyage, c’est-à-dire la commercialisation des produits de pêche, mais restent minoritaires dans la pêche elle-même.

La faible participation des jeunes dans ce secteur pose la question du renouvellement de la main-d’œuvre. Sur la base des 4 085 pêcheurs de crevette identifiés et de leurs taux de capture, les débarquements annuels sont estimés à 6 002 tonnes. La valeur économique atteint près de 30 milliards de FCFA, avec des prix moyens de 6 700 FCFA le kilogramme en basse saison et 4 800 FCFA en haute saison. Ces chiffres ne tiennent pas compte des ventes transfrontalières. Dans le Wouri, le Sud et une partie du Sud-Ouest, les captures sont écoulées sur le marché camerounais. Mais dans le Ndian, 67 % des campements déclarent vendre au Nigéria, voisin immédiat, où le carburant est moins cher et l’accès plus direct que vers Idenau.

Cette orientation vers le marché national limite la portée économique de la filière. Alors que l’exportation pourrait offrir des revenus plus élevés, la crevette artisanale reste confinée à une consommation locale ou régionale. Les contraintes sont nombreuses : coût élevé du carburant et des engins de pêche, destruction des filets par les bateaux industriels, et absence d’une organisation structurée pour l’exportation.

La filière crevette artisanale représente pourtant une valeur significative pour l’économie bleue du Cameroun, concept qui désigne l’exploitation durable des ressources marines et côtières. Avec une production annuelle de plusieurs milliers de tonnes et une valeur marchande de plusieurs dizaines de milliards de FCFA, elle illustre un potentiel encore sous-utilisé. La faible orientation vers l’exportation, combinée aux difficultés logistiques et financières, empêche les acteurs de tirer pleinement profit de cette ressource.

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