Des secrets d’État se répandent sur internet

De l’agent de bureau au ministre, tous règlent désormais leurs comptes ou plaident leurs causes en diffusant des documents confidentiels de l’Etat sur les réseaux sociaux.


La récente fuite du rapport d’étape de la chambre des Comptes n’est qu’un élément à verser dans le dossier toujours plus épais des « révélations » de documents qui pullulent dans les réseaux sociaux ces dernières années. Si on s’en tient seulement aux années 2020 et 2021, le nombre de fichiers plus ou moins confidentiels jetés dans l’opinion publique est vertigineux.

Cela va de la composition putative du prochain gouvernement aux notes de service en passant par les factures de notes de frais versés il y a dix ans ! À croire que la multiplication des réseaux sur internet annule définitivement la frontière qui existerait entre la confidence, le secret et la diffusion de tout aux quatre vents.

La machine des leaks tourne à plein régime. Difficile de ne pas y voir une mode voire une arme. Petit tour d’horizon des fuites relayées avec succès sur les réseaux sociaux ces derniers mois.

Le Gicam contre le Minjustice

Les Camerounais ont appris à la mi-avril que le Groupement Inter Patronal du Cameroun et Laurent Esso entretiennent des relations houleuses après la fuite d’une correspondance adressée au Garde des Sceaux.

Le courrier diffusé sur les réseaux sociaux et signé de Célestin Tawamba expliquait grosso modo que le syndicat patronal refusait d’accueillir le ministre délégué auprès du ministre de la Justice que Laurent Esso envoyait à Douala le représenter. Non seulement la réunion a donc été annulée, mais l’opinion publique a pris connaissance de cette défiance. Accessoirement, le ministre délégué Jean de Dieu Momo a dû apprécier la politesse.

Fort heureusement, tous les aspects des relations du Gicam avec le gouvernement ne sortent pas de manière incontrôlée sur la place publique. Le Premier ministre a d’ailleurs remis la balle au centre en faisant le déplacement de Douala pour le siège même du Gicam le 18 mai dernier. Au menu de la visite de Dion Ngute : la reconstruction des régions du Nord-Ouest et du SudOuest.

Épreuves de Baccalauréat

Le Baccalauréat 2020 a été un cas d’école de la manière avec laquelle les réseaux sociaux exploitent la porosité de l’administration camerounaise. Les épreuves de Physique, Sciences de la Vie et de la Terre et de Chimie des filières C, D et TI ont été reprogrammées pour le début du mois d’août 2020 du fait de l’abondance et de la clarté de «l’eau ». Ici, le ministère de l’Enseignement secondaire et la Justice ont identifié les premiers coupables. Pour le ministère, la fuite est venue d’abord du service de reprographie de l’Office du Bac. Les épreuves se sont retrouvées sur les réseaux sociaux avant d’être ventilées dans les groupes WhatsApp pertinents. Rien ne laisse présager qu’un tel impair ne va pas se reproduire cette année…

Amougou Belinga contre le reste du monde

Qui avait intérêt à enregistrer et qui a tiré profit de la diffusion des enregistrements de conversations téléphoniques du patron de Vision 4 courant août 2020 ? L’épisode est allé plus loin que la simple divulgation de documents. Ici, ce sont carrément des discussions a priori privées qui sont tombées dans le domaine public éclaboussant au passage des personnalités aussi diverses que l’ambassadeur du Cameroun en RCA ou le secrétaire général de la Délégation générale à Sûreté nationale voire le patron de la police lui-même que M. Amougou soupçonnait de manœuvres pour l’interpeller.

Comme toujours, des informations inattendues jalonnent ce type de sortie destinée à nuire. Qui aurait pu croire que des hautes personnalités de la République en seraient à se défier sur des questions aussi importantes que celles de savoir lesquelles d’entre elles ont déjà pris un jet privé ?

Au-delà des barres de rire que les échanges n’ont pas manqué de susciter, ces écoutes ont donné l’impression que l’homme d’affaires s’inscrit dans une logique de capture de l’État et n’hésite pas à user de menaces contre d’éventuels agresseurs. Le hasard a voulu que les documents sonores soient éventés dans la foulée du licenciement rocambolesque du directeur de sa télé, sorti des locaux de Vision 4 Manu militari. Cet épisode a aussi montré que les leaks dépassent largement le cadre des seules relations officielles au sein de l’administration.

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