Crise anglophone : pourquoi Ayuk Tabe dissout le « gouvernement » séparatiste

Alors que le président intérimaire, Samuel Ikome Sako est accusé de corruption et de détournement des fonds destinés aux miliciens qui mènent des atrocités en régions anglophones, le leader séparatiste annonce son retour aux commandes. Et déclenche une nouvelle guerre de leadership.

Sisiku Julius Ayuk Tabe a pris tout le monde de court. Du fond de sa cellule à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui le 02 mai dernier, le « numéro un » de la lutte pour la partition du Cameroun en deux Etats (francophone et anglophone) a annoncé la dissolution du « gouvernement » séparatiste créé au lendemain de son arrestation au Nigeria le 5 janvier 2018. Selon le leader sécessionniste, le bureau intérimaire dudit « gouvernement » piloté par Samuel Ikome Sako, a échoué dans ses missions et ne serait plus apte à conduire le mouvement séparatiste qui ambitionne d’instituer l’indépendance des deux régions anglophones du pays.

Dr. Ikome : entre scandales et accusations

Sisiku Julius Ayuk Tabe ne le dit pas clairement. Mais cela fait bien des mois que son successeur à la « présidence » de la République imaginaire d’Ambazonie [Etat utopique que les séparatistes disent avoir créé en zones anglophones, Ndlr.] ne fait plus l’unanimité. Le leadership de Samuel Ikome Sako est entaché par de nombreux scandales de corruption et de gabegie.

Plusieurs fois, nombre de leaders séparatistes en sont venus au point de réclamer sa démission. « Le Dr Ikome Sako était autrefois un activiste populaire et respecté du « Southern Cameroon », tant au Nigeria qu’aux Etats-Unis, et était un ardent défenseur du président Sisiku Ayuk Tabe dès le début de la révolution. Les dirigeants de Sako ont toutefois été frappés par des scandales et sa réputation de dépenses imprudentes est devenue un handicap politique pour le gouvernement intérimaire », révèle une enquête de Cameroon Intelligence Report. Selon ce site internet visiblement pro fédéralisme, des voix se sont élevées pour inviter le Dr Ikome Sako « à se retirer afin qu’un nouveau dirigeant puisse mettre fin au pillage systématique de la présidence sous son règne ».

D’après les informations publiées dans cette enquête, « le bureau de la présidence d’Ambazonie a dépensé plus de 123 000 dollars (plus de 72 millions de francs CFA) de février 2018 à décembre 2018 sur l’un des comptes bancaires du gouvernement du Sud-Cameroun, Ambazonia Consulting ». Samuel Ikome Sako est également accusé de détournement des fonds destinés à « entretenir les combattants » séparatistes sur le front de la guerre qu’ils mènent contre les forces nationales de défense. « En raison de cette incompétence et de ces fraudes flagrantes, le désarroi est total et toutes les communications sont coupées. Sako a perdu la crédibilité et l’autorité morale nécessaires pour diriger le gouvernement provisoire du « Southern Cameroon », lit-on.

Ayuk reprend les commandes de la sécession

Pourtant, Sisiku Julius Ayuk Tabe n’a pas utilisé les mêmes mots pour décrire la situation qui prévaut dans son camp depuis l’avènement de Samuel Ikome Sako. « Après un examen approfondi, des réflexions et des consultations sur les développements intervenus depuis le 5 janvier 2018 » et « sur l’intérêt primordial de la quête du « Southern Cameroon » pour la « sécurisation de notre identité nationale et de notre indépendance restaurées », le leader séparatiste estime que « le Cabinet du gouvernement intérimaire a clairement perdu de sa concentration dans la réalisation de nos objectifs restaurés : Etat indépendant et marche pour mettre fin à l’occupation illégale de notre patrie et de notre capitale Buea ».

Dans cette note écrite abondamment relayée sur les réseaux sociaux, le tout premier leader du mouvement séparatiste anglophone poursuit : « le Cabinet a perdu la capacité de réconcilier notre peuple et, ce faisant, a mis en péril l’identité et la mission du gouvernement provisoire consistant à achever la décolonisation du « Southern Cameroon » en faisant progresser nos intérêts nationaux collectifs ». Tout en assurant que son action ne consiste qu’à « apporter réparation » à la cause séparatiste, Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare son retour à la présidence de l’Etat imaginaire d’Ambazonie. Trois décisions fortes sont prises à cet effet. Premièrement : « Je déclare et ordonne par la présente que le Cabinet Soit immédiatement dissous » et que le Bureau qu’il présidait jusqu’à son arrestation soit « reconstitué, restauré et réactivé ». Deuxièmement : « Tous les changements apportés après notre enlèvement sont par les présentes placés en moratoire à compter de la date de signature [le 2 mai 2019, Ndlr.] de cette commande ». Et de menacer en troisième point : « Les Ambazoniens [nom donné aux sécessionnistes revendiquant une appartenance à l’Etat utopique d’Ambazonie, Ndlr.] et le monde entier sont informés que tout individu ou groupe d’entre eux, s’agissant de toute personne autre que le Cabinet constitué et rétabli par le présent décret, le fera à ses risques et périls ».

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