Dialogue National : les leaders d’opinion anglophones ignorés

Concernées au premier plan, d’importantes figures des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ne font pas partie de la liste des personnalités que Dion Ngute consulte.

Après le discours de Paul Biya et l’annonce d’un « grand dialogue national » sur la crise anglophone, Joseph Dion Ngute est à la manœuvre pour trouver les sujets qui méritent d’être débattus à cette occasion et l’identité des personnalités à inviter autour de la table des discussions prévues à la fin de ce mois de septembre 2019. Ainsi donc, tel qu’il lui a été instruit par le chef de l’Etat, le Premier ministre mène depuis une semaine, de larges consultations « afin de recueillir les avis les plus divers, qui serviront de sources d’inspiration pour la conduite des débats », tandis que « des délégations seront également envoyées dans les prochains jours à la rencontre de la diaspora, afin de lui permettre d’apporter sa contribution à ces réflexions sur la résolution de la crise ». Mais rien n’est fait au hasard à l’immeuble Etoile. Un planning prévisionnel desdites consultations a en effet été élaboré « par les services du Premier ministre », apprend-on. Le programme des rencontres (date et heure), organisations, associations et personnalités à consulter sont consignés dans ce planning qui s’étend jusqu’au 27 septembre prochain. Seul problème ? Une frange importante de l’élite des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest semble avoir été ignorée notamment, la (quasi) totalité des leaders d’opinion anglophones.

Un oubli ?

Selon le planning, le Premier ministre va rencontrer deux délégations des régions directement concernées par la crise, sans doute conduites par leurs deux gouverneurs respectifs. Et aussi une Task Force de femmes issues de cette zone, après avoir consulté des personnalités telles que Me. AkereMuna, Joshua Osih et NdiforAfanwi Franklin, tous candidats déclarés à la dernière élection présidentielle. Mais omettre – volontairement ou non – d’inviter et de mentionner les noms des leaders d’opinion anglophones à ces consultations fait peser le doute sur le bon déroulement futur du grand dialogue annoncé en grande pompe par le président de la République. C’est le cas de Ni John FruNdi. Certes son parti et son vice-président ont été les premiers à être reçus par Joseph Dion Ngute, mais l’absence d’une figure emblématique et influente des régions anglophones, telles que celle du Chairman du Social Democratic Front (SDF), kidnappé à deux reprises par les séparatistes, laisse songeur. Lui qui prône notamment un débat sur la forme de l’Etat et l’exclusion de la communauté internationale, du cadre des discussions.

Autre personnalité oubliée (ou exclue ?) par les services du Premier ministre : Me Felix Agbor Balla. Autrefois leader du Consortium de la société civile du Cameroun anglophone, à l’origine des premières manifestations qui ont ensuite débouché sur la crise, l’avocat en droits humains fait en effet partie des grandes figures anglophones ignorées. Tout comme Paul Ayah Abine. Magistrat et non moins défenseur de la cause anglophone, il est connu pour ses prises de positions tranchées vis-à-vis du gouvernement, dans la gestion de la crise. «Le simple fait de déclarer formellement la guerre contre les « terroristes/sécessionnistes » est une reconnaissance implicite que vous avez devant vous une force avec laquelle il faut compter », a-t-il souvent lancé au régime de Yaoundé. Des sorties qui avec le temps, ont permis à l’ancien avocat général à la Cour Suprême du Cameroun de devenir l’une des figures les plus courageuses de l’élite anglophone. Parmi elles figure également Elie Smith. Le coordinateur de l’Anglophone General Conference, initiative pensée il y a plusieurs mois par des leaders religieux pour l’ouverture d’un dialogue sur la crise au Cameroun, est l’un des rares qui défend la cause des habitants de ces régions sur la scène internationale. Tenez, le 17 mai dernier, ce journaliste a rencontré à Washington aux Etats-Unis d’Amérique, le républicain Jim Risch, président de la Commission des affaires étrangères du Sénat. La discussion ayant principalement porté sur l’avenir de cette Conférence générale anglophone. Et pourtant, son nom ne figure pas sur la liste des personnalités attendues aux consultations de la Primature. Comme bon nombre d’acteurs importants de la scène sociopolitique anglophone encore, à l’instar de Me Nico Halle. Ou les syndicats d’avocats et d’enseignants anglophones ayant joué les premiers rôles, dès le début de la crise. Encore moins les représentants des enseignants et étudiants des Universités de Buea et de Bamenda, cibles des attaques des séparatistes. Ni d’ailleurs, les représentants de l’Association des directeurs de publication des journaux de langue anglaise, pourtant basée à Yaoundé et dont les membres sont très souvent invités à l’étranger pour parler de cette crise.

Janvier Duclair Mvondo

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