Inscrit dans le Document de programmation budgétaire et économique à moyen terme 2026-2028, le projet de construction d’une unité de production d’engrais chimiques refait surface dans les ambitions industrielles de l’État camerounais. Selon ce document stratégique, cette usine, estimée à 500 milliards FCFA, sera développée sous forme de partenariat public-privé (PPP). Sa mise en service est programmée pour 2030, après un lancement officiel prévu en 2028. Le ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) est désigné comme maître d’ouvrage du projet.
Ce projet semble en tout point similaire (du moins en ce qui concerne le coût, ndlr) à celui évoqué en 2024 par le ministre par intérim de l’Industrie, Fuh Calistus Gentry. À l’époque, il annonçait devant les députés un investissement équivalent porté par la société Vision Global et son partenaire américain, destiné à produire 230 000 tonnes d’ammoniac et 400 000 tonnes d’urée par an. Deux unités devaient être implantées respectivement à Limbé (Sud-Ouest) et à Yaoundé. Bien que les études de faisabilité soient alors « en cours », aucun détail sur le lancement et même la durée des travaux n’avait été fourni.
Réduction des importations
Avec ce projet industriel, l’État ambitionne de réduire durablement la dépendance du Cameroun aux importations d’engrais, qui constituent un facteur aggravant du déficit de la balance commerciale. D’après l’Institut national de la statistique (INS), entre 2021 et 2023, le pays a importé pour 173,9 milliards FCFA d’engrais, avec une pointe à 70,9 milliards en 2023 pour 228 326 tonnes, soit une hausse de 76,2 % par rapport à l’année précédente.
Le poids de ces importations a été renforcé par les tensions géopolitiques, notamment la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En 2022, la Russie représentait à elle seule 43 % des volumes d’engrais importés par le Cameroun, contre 11 % pour la Chine.
L’histoire récente du secteur est marquée par des annonces sans lendemain. Le cas emblématique est celui de la société allemande Ferrostaal, qui portait depuis 2013 un projet d’usine d’engrais à Limbé. Un préaccord d’approvisionnement en gaz avait même été signé avec la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et la société EurOil. Mais le désaccord persistant sur les prix du gaz, jugés trop élevés, a bloqué tout développement. Estimé à 1 250 milliards FCFA, le projet visait pourtant une production annuelle de 600 000 tonnes d’ammoniac et 700 000 tonnes d’urée.
Un autre projet, également soutenu par le Minmidt, prévoit la construction d’une usine à Douala avec un approvisionnement garanti par Gaz du Cameroun, filiale locale du Britannique Victoria Oil & Gas. L’étude de faisabilité devait être financée par l’État dès 2024, mais aucune information n’a filtré depuis sur l’état d’avancement.
Dans cet environnement d’incertitudes, une usine est pourtant bien sortie de terre. Le 7 mai 2025, le ministre de l’Agriculture Gabriel Mbaïrobé a mis en service une unité de production d’engrais à Bonaberi (Douala). Développée par Hydrochem Cameroun, filiale du groupe privé Noutchogouin Jean Samuel (NJS), cette usine affiche une capacité initiale de 120 000 tonnes, extensible à 150 000 tonnes par an. Elle importe la matière première et procède localement à la formulation des engrais selon les besoins du marché.
Le ministre s’est félicité de cette initiative privée, qui s’inscrit dans la nouvelle stratégie agricole du pays visant à adapter les intrants aux spécificités des sols. Surtout, elle devrait permettre de réduire de moitié les importations d’engrais, aujourd’hui estimées à 300 000 tonnes par an.