Cameroun : Non ! Le sort des retraités ne saurait être de « rentrer au village »

Par Louis-Marie Kakdeu

Répondant aux journalistes sur sa retraite politique, le Président Biya a envisagé l’éventualité de « rentrer au village ». Cette vision de la retraite qui s’inscrit dans le jacobinisme marque notre opposition politique à Paul Biya et au système dramatique qu’il a mis sur pied au Cameroun depuis maintenant 42 ans.

1. L’exode rural et l’émigration clandestine

Le jacobinisme promu par Paul Biya veut que l’on parte du village pour la ville en vue de travailler et que l’on retourne au village à la retraite. Au village, 02 issus attendent l’impétrant : les travaux champêtres et la mort dans l’abandon. Le village camerounais n’a pas été conçu comme un lieu de vie. De la vie active. Il est enclavé. On n’y a pas construit les infrastructures de base (routières, scolaires, sanitaires, culturelles, sportives, etc.).

Pire, le village a été conçu comme une déchetterie : les habitants n’ont droit qu’aux objets usés de la ville. Sous le jacobinisme, vivre au village est synonyme d’être coupé du monde : De son évolution. De la mode et du style. De la pensée. On dit de celui qui vit au village qu’il est « villageois » c’est-à-dire qu’il est un sous-citoyen (inférieur à ceux qui vivent en ville).

Le drame s’en suit : les jeunes abandonnent les richesses au village pour migrer vers la ville et après la ville, vers l’étranger. Ils vont chercher la vie. Ils vont chercher leur plénitude. La plénitude de leur condition humaine. Et le monde rural est abandonné aux personnes âgées. Retraitées. Fatiguées. Mal soignées. Sans sécurité sociale.

Des personnes exclues. Marginalisées. A qui l’on refuse le repos. Et qui doivent produire malgré tout pour nourrir le reste du pays. En 42 ans de Renouveau, la population du Cameroun a doublé pendant que la main d’œuvre active diminuait dans le secteur de la production : « Trop de bouches mangent et peu de mains produisent ».

L’inflation au Cameroun est structurelle. Elle ne s’explique pas par les derniers chocs externes (Covid-19, Crise russo-ukrainienne). Elle s’explique par la sous-production structurelle : Les mêmes personnes qui produisaient il y a 42 ans sont soit mortes, soient fatiguées. Les jeunes migrent ou alors ne s’intéressent à la production locale que le temps de mettre en œuvre leur plan migratoire. Ainsi, selon ECAM, 80% d’entreprises meurent avant 2 ans.

La position du Président Biya était donc choquante. Cette formule jacobine est même une insulte aux retraités et à leur sort. Le sort des retraités ne saurait être de « rentrer au village » dans les conditions actuelles. Les retraités ont droit à une couverture sociale qui ne se retrouve pas dans nos villages de nos jours.

Le monde rural devrait être un monde de la production qui a plutôt besoin des citoyens actifs. Le régime Biya n’a pas accordé toute son importance au secteur de la production. La production locale a été considérée comme étant une activité complémentaire. Pire, une activité que l’on mène à sa retraite. L’activité principale étant le travail salarié. Le meilleur travail étant encore celui de la fonction publique.

2. Le matricule de la fonction publique

On compte environ 300 000 agents publics au Cameroun détenant un matricule sur une population active de plus de 9,1 millions de personnes (Recensement de 2005 ; je n’ai plus d’autres chiffres mais, c’est déjà grave). La fonction publique reste de loin le meilleur boulot au pays. Pourquoi ?

A cause de la sécurité de l’emploi et de la sécurité sociale. Les camerounais ne demandent que la SECURITE. Leur gouvernement n’a pas été en mesure en 42 ans de garantir la sécurité sociale dans le secteur de la production locale. L’agriculteur n’a pas de statut. Ce n’est donc pas un métier formalisé. Le distributeur n’a pas de statut.

Le commerce n’est donc pas un métier formalisé. Pourtant, c’est ce qui occupe l’essentiel de la population. Le régime Biya aurait été une curiosité mondiale : Les secteurs d’activité (de la production et de la distribution) qui occupent l’essentiel des populations n’ont pas de couverture sociale. Ils ne sont pas formalisés. Par conséquent, l’économie camerounaise est basée sur l’informel. A plus de 90%. Wonderful !

Il n’y a pas 1000 réformes à faire. Il faut simplement inverser la tendance pour permettre au Cameroun d’être un PAYS NORMAL. Il faut simplement faire du village un monde de la production. Avec les infrastructures modernes qui suivent. Il faut simplement par LA REFORME DU CODE DE L’INVESTISSEMENT faciliter la transformation du monde rural. Il faut vivifier le village, le poumon de notre société. J’y reviendrai de façon plus concrète.

Il faut simplement penser Cameroun. Penser aux Camerounais en priorité. Au secteur de la production en priorité. On produit avant de manger. Le régime Biya a choisi le chemin de la facilité : On importe pour manger. Sauf que les importations massives tuent le tissu économique local. Et c’est le drame de notre pays !

Et le peu de personnes qui produisent localement doivent être protégés. Ces gens-là ont droit à l’amélioration de leurs conditions de travail et à une retraite bien méritée. Non pas pour aller mourir au village, mais plutôt pour vivre longtemps. Encore plus longtemps. Dans la couverture sociale.

L’insécurité sociale est le ventre mou de notre système. Du système Biya. Le sens de notre engagement politique au sein de la Social-Démocratie est d’apporter à notre société ce qu’elle n’a pas : CETTE SECURITE. Le Cameroun n’est plus un pays sûr. Le Cameroun est devenu sous le Renouveau un pays dangereux.

Je jouerai ma partition. Et toi ?

Louis-Marie Kakdeu,

Membre du Shadow Cabinet SDF

Économie, Finances & Commerce

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