mardi, octobre 14, 2025
spot_img
AccueilEconomieBRT de Douala : le Cameroun négocie une extension de la livraison...

BRT de Douala : le Cameroun négocie une extension de la livraison au-delà de 2028

Trois ans avant l’échéance de clôture du financement de 261 milliards FCFA accordé par la Banque mondiale, les autorités camerounaises négocient un allongement des délais de livraison du Bus Rapid Transit (BRT) de Douala. Le projet, annoncé en 2015, n’a pas encore démarré ses travaux et évolue dans un contexte national de faibles taux de décaissement.

Le gouvernement camerounais et la Banque mondiale discutent de la possibilité de repousser la date d’achèvement du BRT de Douala au-delà de 2028. « Lors de la dernière mission de supervision de la Banque mondiale qui s’est tenue en juin 2025, il a bien été noté justement ce risque de ne pas finaliser les travaux en 2028 », explique Tene Mbimi Prisca, conseillère technique n° 3 auprès du maire de Douala et coordonnatrice du projet. Pour la responsable, ce constat a ouvert la voie à des discussions sur un possible report. « Nous avons eu un accord de principe de la Banque mondiale qu’il pourrait y avoir une extension de la date de fin du projet, mais sous réserve de ce que nous commençons déjà tous les travaux », a-t-elle souligné. Cette dernière précision revêt un enjeu capital. En effet, si les travaux ne sont pas lancés rapidement, non seulement le calendrier initial ne pourra pas être respecté, mais une partie des fonds pourrait rester inutilisée. Ce scénario n’est pas anodin dans le contexte camerounais, où plusieurs projets financés par la Banque mondiale connaissent déjà des retards critiques.

UN PROJET TOUJOURS EN PRÉPARATION

À ce jour, aucune infrastructure du BRT n’est visible sur le terrain. L’ensemble des activités se concentre encore sur la phase préparatoire. La mairie de Douala s’attèle à la finalisation des documents de passation de marchés, aux consultations avec les entreprises et à l’élaboration des cahiers des charges techniques. A en croire la municipalité, ces documents sont indispensables pour lancer les appels d’offres internationaux, recruter les entreprises qui exécuteront les travaux et sélectionner les bureaux d’ingénierie chargés du contrôle et du suivi. Le 24 juillet dernier, le maire de Douala a présidé une consultation préliminaire avec des entreprises intéressées par le projet. Selon Tene Mbimi Prisca, cette rencontre visait à « présenter les documents qui ont été élaborés dans le but de recruter des entreprises », « inciter les entreprises à venir écouter, donner leur avis » et « affiner les documents pour faciliter la transparence dans le processus de passation de marché ».

Cette phase de dialogue avec les opérateurs économiques est considérée comme une étape clé par la Communauté urbaine. Elle doit permettre de réduire les risques de contestations ultérieures et d’aboutir à des dossiers mieux adaptés aux contraintes locales et aux exigences de l’institution de financement. La coordonnatrice du projet précise que l’« objectif pour nous, c’est, comme on l’a annoncé en consultation préliminaire, de publier les appels d’offres au plus tard, en septembre 2025 ». Cela signifie qu’à l’issue de cette publication, un délai supplémentaire sera nécessaire pour analyser les offres, attribuer les marchés et installer les entreprises sur le terrain. Dans le meilleur des cas, le démarrage physique des travaux pourrait intervenir courant 2026, ce qui laisserait environ deux ans pour leur exécution avant l’échéance actuelle.

UNE ÉCHÉANCE FIXÉE AU 16 JUIN 2028

Le financement de 261 milliards FCFA pour le BRT de Douala a été approuvé en juin 2022 par le Conseil d’administration de la Banque mondiale. Il a été formalisé deux ans plus tard, en juillet 2024, par la signature de deux accords. L’un entre l’État du Cameroun, représenté par le ministre de l’Économie, et la Banque mondiale ; l’autre entre la Communauté urbaine de Douala et l’institution internationale. La date de clôture financière a été fixée au 16 juin 2028. Concrètement, cela signifie que toutes les dépenses éligibles devront avoir été effectuées, facturées et validées avant cette date. Passé ce délai, les fonds non utilisés seront annulés et retourneront dans les comptes de l’institution de Bretton Woods. Ce type de clause est standard dans les accords de prêt, mais dans le cas présent, il pèse lourdement sur la planification du projet. Chaque mois de retard dans la passation des marchés réduit d’autant la fenêtre disponible pour l’exécution des travaux.

DES DÉCAISSEMENTS QUI PEINENT À DÉCOLLER

La situation du BRT de Douala s’inscrit dans un contexte plus large de difficultés à absorber les financements Banque mondiale au Cameroun. En avril 2025, lors de la revue du portefeuille, le ministère de l’Économie a reconnu que « neuf projets sur les 17 financés par l’institution sont actuellement “à risque” », soit plus de 53 %. Les motifs avancés incluent « des retards d’exécution et de faibles taux de décaissement ». Les chiffres illustrent cette lenteur. Au 30 avril 2025, « le taux de décaissement cumulé global se situe autour de 32,76 %.

Avec un âge moyen de 3,8 ans, on s’attendrait à un taux global de 38 % au minimum », indique le ministère. Pour l’exercice fiscal en cours, « le taux de décaissement cumulé est de 16,36 % (…) on espère obtenir les 20 % qui ont été indiqués d’ici au 30 juin ». Le directeur de la division de la Banque mondiale pour le Cameroun, Cheick Fantamady Kanté, renchérit. « À date, le volume total des fonds non décaissés représente 69 % du montant des engagements. (…) En mars 2025, le taux de décaissement annualisé est de 15 %, contre une cible annuelle de 20 %. », a-t-il révélé Ce niveau est en deçà des attentes et reflète une tendance déjà observée depuis 2018, année où le taux de décaissement avait atteint seulement 17,9 %.

 DIX ANS DE REPORTS

 L’idée d’implanter un système de bus à haut niveau de service au Cameroun n’est pas récente. En 2015, le ministère des Finances annonçait la mise en place de deux lignes pilotes. L’une à Yaoundé (21 km, d’Olembé à Ahala) et l’autre à Douala (17 km, du Carrefour des Douanes au PK 17). Ces projets ont fait l’objet de la signature de principe avec l’entreprise brésilienne Marco Polo, spécialisée dans la fabrication d’autobus, et devaient entrer en service en 2018. Les tracés ont été définis, des études topographiques et de trafic ont été menées, et le mémorandum d’entente signé avec le Secrétaire général de la Primature pour le compte du Cameroun. Pourtant, aucune suite concrète n’a été donnée à cette première phase. En 2019, l’initiative est relancée par le ministre du Développement urbain et de l’Habitat, Jean Claude Mbwentchou, dans le cadre du programme Mobilise Your City, une initiative internationale lancée lors de la COP 21 à Paris en 2015. Ce programme vise à aider les villes en développement à concevoir des plans de mobilité urbaine durables. À Douala, il se traduit par l’élaboration d’un Plan de Mobilité Urbaine Soutenable (PMUS). Malgré cette relance, aucun chantier n’a été engagé, et le projet est resté à l’état de planification jusqu’à l’intervention de la Banque mondiale.

UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR DOUALA

 Pour la capitale économique du Cameroun, la mise en place du BRT dépasse la simple question des déplacements urbains. La ville concentre une grande partie des échanges commerciaux du pays, avec un port qui draine l’essentiel des importations et exportations nationales. La circulation des marchandises est donc un enjeu économique majeur. « Dans une ville portuaire comme Douala, la logistique urbaine est très souvent mise de côté. Et pourtant, elle contribue à l’économie de la ville et du pays », souligne Tene Mbimi Prisca épouse Olinga. La congestion actuelle entraîne des retards dans la distribution des biens, un allongement des temps de trajet pour les travailleurs et un coût supplémentaire pour les opérateurs économiques. Le BRT est conçu comme un système de transport urbain de masse, avec des corridors réservés aux bus sur voies propres. Cette configuration doit permettre de réduire les temps de parcours, d’augmenter la régularité des services et de désengorger les principaux axes routiers.

spot_img
LIRE AUSSI
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE

spot_img

LES PLUS RECENTS

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x