Devant les caméras réunies au service du gouverneur, Aldimi Emmanuel garde encore la voix tremblante. Ce jeune homme d’une vingtaine d’années, enlevé le 13 août dernier sur l’axe Kousséri–Maroua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, fait partie des dix otages libérés des mains de Boko Haram par les forces de défense camerounaises, après près de deux semaines passées en captivité.
Son récit glace l’assistance : « Ils nous ont fait coucher à même la terre, là où il y avait des fourmis. On dormait dans l’eau, avec les moustiques qui nous dévoraient la nuit. Ils nous donnaient du haricot blanc, parfois du riz mal préparé, et de l’eau sale. » Emmanuel explique avoir servi d’intermédiaire entre ses ravisseurs et les autres prisonniers, grâce à sa maîtrise du fulfuldé. « Certains parlaient haoussa, d’autres français. Ils nous interdisaient de regarder leurs visages », confie-t-il.
Emmenés à travers la brousse, « deux jours de marche sans répit », les otages ont été dépouillés de leurs téléphones et de leur argent avant d’être conduits dans une cache. « Quand un hélicoptère de l’armée est passé au-dessus de nous, on avait peur. Si les forces de l’ordre s’approchaient, ils menaçaient de tous nous exécuter », souffle Emmanuel.
La présentation officielle des rescapés
Ce lundi 25 août, le gouverneur de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari, a procédé à la présentation officielle des ex-otages dans ses services à Maroua. Portant la voix du couple présidentiel, il a remis à chacun d’eux une enveloppe de 500 000 FCFA, destinée à faciliter la préparation de la rentrée scolaire.
Le gouverneur a exprimé un « profond soulagement » en retrouvant les victimes vivantes, tout en rappelant le sort tragique de Briand Jean Bessala, 19 ans, exécuté par les ravisseurs. Une minute de silence a été observée en sa mémoire.
Une région sous pression
Entre fin juillet et mi-août, la région a subi une vague d’enlèvements : cinq personnes kidnappées le 27 juillet, cinq employés d’une société le 1ᵉʳ août, trois mineurs tchadiens le 3 août, puis les 11 passagers du bus et du camion interceptés à Zigagué, dans l’arrondissement de Waza, le 13 août 2025.
Grâce aux opérations conjointes du Bataillon d’intervention rapide, de la gendarmerie, de la police et de la Force multinationale mixte, plusieurs otages ont pu être libérés, parfois jusqu’à 20 km à l’intérieur du territoire nigérian, a indiqué le gouverneur.
Réponse sécuritaire et projets structurants
Outre les escortes militaires et les ratissages en cours, le gouverneur a annoncé la mise en œuvre du projet de bitumage de la route Mora–Dabanga–Kousséri, d’un montant de 236 milliards de FCFA, afin de sécuriser durablement les déplacements et désenclaver la zone.
« Nous devons rester vigilants et ne pas relayer à la hâte des informations sensibles qui pourraient compromettre les opérations », a martelé Midjiyawa Bakari, sous les regards des rescapés encore marqués par l’épreuve.
À leurs côtés, le consul général du Tchad à Garoua a salué la solidarité camerounaise envers les ressortissants tchadiens libérés, preuve que face à la menace, la coopération transfrontalière reste un impératif.